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COXSTAXTIXOPLE (ÉGLISE DE)


lettre. Il y a peut-être quelque exagération dans le mot soins, mais sans nul doule le concile de 588 réservait l’honneur d’être œcuménique au seul patriarche de Constantinople et, par là-même, il le reconnaissait pour le chef unique et l’arbitre souverain de l’Église orientale. Une telle usurpation des droits d’Alexandrie et d’Antioche ne pouvait s’admettre bénévolement, alors surtout qu’elle était grosse de menaces dans un avenir plus ou moins prochain pour l’autorité et l’indépendance même de la cour romaine.

Le siège de Jean le Jeûneur et de l’Église byzantine était fait depuis longtemps ; les admonestations comme les menaces du pape passèrent par-dessus leur tête sans les atteindre. Saint Grégoire se tourna vers l’empereur, vers l’impératrice, vers les patriarches orientaux, vers Jean le Jeûneur lui-même, tout fut inutile ; il parlait à des sourds. Dans un procès, dont il fut contraint de soumettre les actes au pape, Jean le Jeûneur prit le litre d’œcuménique avec une affectation blessante ; Maurice accusa Grégoire de soulever un scandale à propos de rien, et les patriarches d’Orient ne voulurent pas s’intéresser à cette querelle. Le pape recourut alors à l’humilité, il s’intitula lui-même : servus servorum Dei, et légua ce titre comme héritage à ses successeurs, mais cette démarche fit sans doute à Byzance l’effet d’une lâche reculade ou, du moins, elle n’eut aucune prise sur l’entêtement du patriarche. Son successeur Cyriaque (595-606) l’imita dans sa conduite et les protestations de saint Grégoire auprès de l’empereur Maurice n’obtinrent aucun résultat. Si Lioniface 1Il obtint de Phocas, en 607, une constitution, qui, non contente de reconnaître la suprématie romaine, retirait le titre d’oecuménique au patriarche Cyriaque, Liber ponti/icalis, 1. 1, p. 316, ce retrait n’eut presque aucun effet. Les successeurs de Cyriaque reprirent le titre ambitieux et, à partir de l’empereur Héraclius, les évêques de Constantinople ne cessèrent plus de le revendiquer et de le porter. Plus tard, aux viiie et IXe siècles, lorsque les papes se mirent de nouveau à agiter cette question, le débat parut aux yeux des Byzantins un vieux souvenir, une pure réminiscence historique.

Sur cette affaire voir Hergenruther, Photius, t. I, p. 178-196 ; H. Gelzer, Der Streit iïber den Titel des ôkumenischen Patriarchen, dans Jahrbuch fàr prot. Théologie, t. xiii, p. 549 sq. ; ce dernier travail est trop partial en faveur de Constantinople.

VI. Les schismes preliminaip.es, 610-843. — La période de 233 ans qu’il nous faut éludier dans ce paragraphe est une des plus tourmentées de l’histoire byzantine, qu’il s’agisse des rapports politiques ou des événements religieux. Les guerres s’y succèdent presque sans interruption, les provinces tombent les unes après les autres, en Orient comme en Occident, entre les mains des Perses ou des Arabes, des Avares et des Bulgares, des Lombards et des Francs. A plusieurs reprises même, la capitale de l’empire est assiégée ; seule, elle résiste au Ilot des envahisseurs, servant de dernier refuge aux patriotes décidés et permettant peu à peu de reconstituer avec l’aide des provinces moins atteintes le vieil empire romain, sinon dans ses limites naturelles, du moins dans des proportions encore respectables. Il ne m’appartient pas de traiter ici les affaires politiques, sinon dans la mesure où la connaissance des faits paraît nécessaire pour l’intelligence des affaires religieuses.

De l’invasion persane et du duel mortel qu’elle provoqua entre Constantinople et Séleucie-Ctésiphon, il n’y a presque rien à dire. Cette lutte de 27 ans, 602-629, qui menaça l’empire byzantin jusque dans son existence, se termina par la victoire décisive d’Héraclius et n’exerça qu’une faible répercussion sur la marche de l’Église orientale. Même s’ils se rapprochaient de l’hérésie, comme c’était le cas ordinaire pour les habitants de l’Arménie, de la Syrie et de l’Egypte, les chrétiens de

ces contrées n’éprouvaient aucune sympathie pour les adorateurs du feu ; leur satisfaction de voir battus et écrasés leurs ennemis héréditaires, les Byzantins, se tempérait à la vue des ruines et des deuils qui s’accumulaient sur le passage des Perses, à la vue des ignominies inlligées à leur religion et à leur Dieu dans le bois de la croix, des impôts formidables à solder, de leurs terres ravagées, de leurs familles égorgées ou traînées lamentablement en exil. Cette croisade d’un nouveau genre aurait plutôt réveillé le sentiment patriotique qui sommeillait dans le cœur du plus grand nombre et ramené à Byzance ceux de ses enfants, qui s’en étaient déjà moralement détachés. Mais si l’ouragan de l’invasion persane fut sans inlluence sur les Églises orientales, par sa violence même, elle déchaîna les pires catastrophes au point de vue politique. La lutte gigantesque qui éclata entre Héraclius et Chosroès fut une vraie guerre d’extermination et, à ce titre, il se produisit ce que l’on constate toujours dans des cas analogues : le vainqueur sortit de la lutte aussi épuisé que le vaincu. Les provinces de l’un comme de l’autre n’olfraient plus aucune résistance sérieuse aux entreprises hardies de quiconque les voulait conquérir. Ces audacieux que rien ne faisait prévoir se présentèrent comme à point nommé : c’étaient les Arabes.

Cette fois-ci, « ce n’était plus, comme on le croyait d’abord, une de ces courses passagères et vagabondes dont la Palestine avait été si souvent le théâtre et où les Arabes passaient comme un ouragan, courant au pillage et fuyant le combat : c’était une invasion régulière et déterminée, une conquête définitive, une guerre ouverte où des batailles rangées, des sièges en règle et des victoires sanglantes transformaient les bandits en conquérants. Mais surtout ces brigands arabes, si connus par leur féroce avidité et leur amour du pillage, apparaissaient cette fois avec un caractère inattendu. De bandits devenus apôtres, ils prêchaient une religion nouvelle, invitaient les peuples à la fraternité religieuse et marchaient à la conquête du monde dans le seul but de le soumettre à l’Islam. » A. Couret, La Palestine sous les empereurs grecs, Grenoble. 1869, p. 259. En peu d’années, la Palestine, l’Arabie romaine, la Syrie et la Mésopotamie, l’Egypte et toute l’Afrique byzantine tombèrent en leur pouvoir ; la Perse croula comme une vieille ruine sous la première poussée des envahisseurs. Ces victoires décisives étaient suivies partout de conquêtes morales. Deux considérations suffisent à expliquer cette double marche en avant des nomades ; c’est que les habitants de la Palestine et de la Syrie parlaient des langues sémitiques apparentées à la leur et qu’ils pratiquaient une religon différente de la religion officielle. Hellénisés en masse dans les grandes cités de la côte, ils restaient syriens de race et de langue dans les bourgs et dans les campagnes, parfois même dans certaines villes de l’intérieur. La communauté d’origine et de langue les rapprochait donc des Arabes. Quant à leur religion, le monophysisme, elle élevait encore une barrière infranchissable entre eux et le gouvernement impérial. On ne s’étonnera donc pas que, soit en Egypte soit en Palestine et en Syrie, les indigènes aient accueilli les disciples du prophète comme des libérateurs, qu’ils leur aient ouvert les portes des citadelles, remis les clés des villes, qu’un bon nombre même, dans l’excès de leur enthousiasme et de leur haine contre Byzance. aient confondu la religion avec la cause nationale et déserté les autels du Christ en se rangeant sous les drapeaux de Mahomet. Ces apostasies tumultueuses décuplaient les forces des assaillants, qui ne manifestaient aucune rancune contre les bourgeois et le menu peuple et favorisaient de leurs largesses les Églises séparées de la communion byzantine. Par suite de cette habile politique, les Eglises grecques ou officielles de Syriee ! d’Egypte demeuraient presque sans adhérents, et h s