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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE]

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Ce n’est pas, du reste, la seule atteinte que cet empereur ait portée à l’indépendance du siège apostolique. N’avait-on pas vu quelques années auparavant le pape Silvère, trainé dans une prison d’Asie Mineure, avec la connivence de l’impératrice Théodora et la complicité, hélas ! du futur pape Vigile ? Et si nos regards se portent vers l’Église orientale, n’y voyons-nous pas le théologien couronné commettre des abus de pouvoir tout le long de son règne ? aujourd’hui fulminant contre Sévère et ses sectateurs, patronnant demain la candidature du monophysite Anthime ; dogmatisant à loisir contre Origéne et ses partisans, contre Théodore de Mopsueste, Théodoret et Ibas, recourant à des armes déloyales pour arrêter les progrès de l’erreur monophysite et finissant ses jours dans la peau d’un monophysite. Despotisme religieux, qu’on a baptisé du nom barbare mais significatif de césaropapisme, c’est vraiment .lustinien qui en est le père et qui l’a légué comme un funeste héritage à ses successeurs. L’évêque du dehors a pénétré dans le sanctuaire ; il n’en sortira plus et finira par revêtir aux yeux de la foule l’autorité religieuse de l’évêque du dedans.

Une nouvelle querelle éclata entre la papauté et Byzance et devait occuper les dernières années du VIe siècle et les premières du VIIe ; il s’agit du conflit soulevé autour du titre de patriarche œcuménique. Dans les premiers siècles de l’Eglise et même encore au vi’, le titre de patriarche, sans être d’un usage très commun, n’avait pourtant pas le sens privatif et déterminé qu’on lui attribua plus tard. Ainsi, nous le voyons en ( Irient appliqué aux évé [ues deTyr en 518, Mansi, t. vin. col. 1083, 1090, d’fliérapolis en Phrygie, Corpus inscr. greec, n. 8769 ; F. Cumont, Les inscriptions chrétiennes I l’Asie-Mineure, Home, 1895, p. 50, de Thessalo-Dique, Théophane, an. 6008, etc. ; et, en Occident, à divers métropolitains, Cassiodore, Yar., ix, 15, et à l’évêque de Lyon par Grégoire de Tours, Hist. Francorum, v, 20, et par le IIe concile de Màcon en 585. Il n’est donc pas étonnant si les hiérarques, qui exerçaient une juridiction plus étendue, ont fait accompagner leur titre de patriarche d’épithètes laudatives et honorifiques, qui devaient les distinguer des métropolitains ou même des impies évêques, auxquels on attribuait également ce nom. Parmi ces qualificatifs, celui <’œcuménique parail avoir en de bonne heure une assez large dilTusion. On le rencontre, pour la première fois, donné à Dioscore d’Alexandrie, lors du brigandage d’Éphèse en 419, par Olympius, évéque d’Évaza. Mansi, t. vi, col. 855. Les papes saint Léon I, Mansi, t. vi, col. 1005, 1012, 1021, 1029, Hormisdas, Mansi, t. viii, col. 425, et Agapit, Mansi, I. vui, col. 893, le rei urent tourà lourdes prêtres d’Alexandrie, des moines et archimandrites de la Srie seconde ou d’autres clercs orientaux ; quant aux patriarches de Constantinople, des documents incontestables prouvant qu’ils étaient également gratifiés de cette appellation, bien avant Jean IV le Jeûneur. Jean II (518-520) se i na ce titre lui-même dans ses lettres et se le it mer par plue irs de ses correspondants, Mansi, t. viii, col. 1038, 1042, 1058, 1059, 1066, M’;  :. 1094 ; Epiphane le porte couramment dans les lois

l’empereur Justinien, Cod. Justin., I. I, tit. i, loi 7 ; I. I, tit. i, loi 34 ; Nov., 3, >. 6, 7. Anthime d est paré, V01., 16, el Menas (536-652) le n nom, îoil dans les Novelles de Justip. "j..77, soit dans les pièces conciliaires. i, t. viii, roi 959, 986. I de

rit., lions suffira pour démontrer que le titre

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tantinople contre lui. (in ne peut même pas supi qu’il a été ajouté après coup dan li docu que " hypothi

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silile pour le plus grand nombre. Des interpolations volontaires ont été opérées par les Grecs, le fait est certain, mais des documents n’ont pas subi ces retouches, qui portent indubitablement le titre incriminé, et cela suffit pour nous contraindre à chercher une autre explication.

Il n’est pas facile de dire exactement le sens que l’on attachait autrefois au mot œcuménique. Les Occidentaux semblent en avoir fait le synonyme ^universel : concile œcuménique ou universel, patriarche œcuménique ou universel, telle paraît être leur interprétation. Il n’en est pas de même en Orient. Ici, le mot d’oecuménique comportait une signification beaucoup plus restreinte ; on peut le traduire par catholique, ou au besoin par universel, mais dans une portion seulement de l’Église. Nous avons de la sorte le catholicos de l’Eglise arménienne, qui n’est autre que le chef de cette Église, et le catholicos de l’Église chaldéenne, qui ne diffère pas du patriarche de l’Église syrienne orientale. Avec cette interprétation, un patriarche œcuménique désignerait le chef incontesté d’une Église : de l’Église occidentale, s’il s’agit de Rome, de l’Église égyptienne, s’il s’agit d’Alexandrie, de l’Église byzantine, s’il s’agit de Constantinople. Il était à craindre toutefois que ce titre, en se raréfiant, prit un sens beaucoup plus étendu et que, si on l’appliquait uniquement à une Église orientale, il devînt synonyme d’universel. Dès lors, le patriarche œcuménique aurait correspondu au chef suprême de l’Église orientale ; et c’est là précisément que se trouve, à mon avis, la cause du conllit entre Rome et Byzance au sujet de ce titre.

Voici le fait historique qui semble avoir provoqué le conllit. En 588, le patriarche Jean IV, auquel son austérité de vie mérita le surnom de Jeûneur, cita à son tribunal le patriarche d’Antioche, Grégoire, qu’on accusait par jalousie de divers crimes et là, dans un concile composé des patriarches d’Alexandrie et de Jérusalem et d’un grand nombre de prélats orientaux, il déclara absous l’accusé et s’attribua à lui-même le titre de patriarche œcuménique. Nous n’avons plus les actes de ce concile et nous ignorons, par conséquent, à quel propos fut revendiqué ce titre d’honneur et le sens qu’on lui donna ; mais nous savons, par les lettres de saint Grégoire le Grand, Mansi. t. ix, col. 1210, 1214, 1217, que le pape Pelage II en lui très irrité et qu’il cassa tous les actes de ce concile : Joannes in Conslantinopolilana urbe ex caussaaliaoccasionem quærcns synoiluin fecil, in r/ua se universalem appel lare conalus e8t ; quod mox idem decessor mens (Pelagius) ut agnovit, direclis litleris ex anctoritate sancti Pétri apostoli ejusdem synodi OCta cassavit. Mansi, t. IX, col. 1214. Si le pape Pelage a agi de la sorte et si son successeur, saint Grégoire, n’a cessé de réclamer à Constantinople contre une pareille appellation, c’est qu’il avait dû se passer dans ce concile quelque chose d’anormal. On a beau dire, en etl’et, que saint Grégoire a cherché une mauvaise querelle et que son ignorance seule l’excuse d’à voir protesté aveo tant d’Apreté contre un titre porté communément, il toujours quelque doute dans l’esprit. Les papes dont il esi question n’étaient pas si ignorants qu’on veut bien l’avouer des affaires de l’Église byzantine ; ils avaient vécu tonles deux à Constan.inople et. même savoir le grec, ils ne pouvaient ignorer dans la haute position qu’ils > avaient occupie II s hires d’honneur que l’on décernait aux évêques de cette ville. S’ils ont cru devoir soulever des réclamations aussi véhémentes, c’est qu’ils en avaient le droit, c’est qu’on avait modifié le sens du moi œcuménique et que d’un titre, jusque-là sam ignification précise, on avait voulu la propriété d’un Seul en lui donnant une portée incalculable. I. I est bien n effet, qu’y découvert saint hoc quandoque perductui es, ut denpectii fralribut episcoput appelât soins vocari, Mansi, t. ix, col. 1217, dit-il a Jean lui-même dans