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COOPÉRATION


Hve, purement occasionnelle ou simplement négative, seront l’objet d’articles spéciaux. Nous n’étudierons ici que la coopération effective ou coopération proprement dite que l’on définit strictement au point de vue théologique : toute participation effective à l’acte mauvais du prochain déjà déterminé à agir.

1° Celte participation effective s’exerce par le commandement, le conseil, le suffrage, l’approbation ou la protection, ou même par le laisser faire sciemment et coupablement donné à une mauvaise action ou enfin par le secours ou appui matériel fourni pour son accomplissement. Ainsi, à ces divers titres, coopèrent à d’injustes entreprises financières, les directeurs qui les commandent, les conseillers qui les votent ou les approuvent, les écrivains qui les louent ou s’en font les propagateurs et les employés subalternes qui aident sciemment à leur exécution.

2° La causalité effective est immédiate, si l’on participe à l’action même du prochain, par exemple un assassinat ou un vol, ou si on la fait avec lui. La coopération médiate, sans concourir à l’acte même du prochain, fournit des moyens qui, par leur nature ou grâce aux circonstances, exercent sur l’acte une véritable causalité ; tels ceux qui aident à l’impression de livres ou de journaux mauvais, soit d’une manière éloignée en fournissant le local ou les matériaux, soit d’une manière prochaine en plaçant les caractères. La coopération médiate est éloignée ou prochaine suivant le degré d’efficacité des moyens ou leur connexité plus ou moins grande avec la fin à réaliser. Parfois même fournir des moyens un peu éloignés peut assez facilement devenir une coopération prochaine, quand de fait ils ne seraient fournis par aucun autre et que sans eux l’acte n’aurait point lieu. La distinction pratique entre ces deux modes de coopération importe grandement pour la question de licéité morale.

3° Suivant l’intention du coopérant la participation est formelle ou matérielle. Elle est formelle et toujours coupable, quand l’intention se porte sciemment sur l’action mauvaise du prochain ou sur un avantage ou une satisfaction que l’on ne peut obtenir que par elle. La coopération est simplement matérielle, quand le coopérant, sans s’associer aucunement au péché du prochain, concourt à son acte uniquement en vue de l’effet bon qu’il en attend et pour des raisons dignes d’approbation. Avec ces restrictions elle peut être permise moyennant quelques conditions que nous étudierons bientôt.

4° Au point de vue de la responsabilité morale, la coopération peut être strictement injusteovt simplement illicite. La première, étant une participation effective à quelque injustice, est elle-même une injustice formelle, toujours soumise, suivant l’étendue et le degré de son efficacité, aux strictes obligations de restitution ou de réparation équivalente. La coopération simplement illicite, n’étant habituellement en soi qu’une violation de la charité, entraîne seulement l’obligation de satisfaire aux conditions de repentir et de ferme propos exigées pour l’absolution, toutefois avec le devoir de réparer le scandale, s’il y a lieu, ou d’observer les prescriptions ecclésiastiques destinées à empêcher toute rechute et à réparer le passé. Nous examinerons séparément la malice de ces deux coopérations, et les obligations qu’elles imposent.

II. Moralité.

I. malice de la coopération formelle STRICTEMENT INJUSTE OU SIMPLEMENT ILLICITE.

— 1° Sources de cette malice. — 1. La malice de la coopération formelle strictement injuste provient de ce que toute participation effective, consciente, volontaire et eflicace à une injustice accomplie par le prochain est elle-même une injustice dans l’exacte mesure de sa causalité mauvaise. Ce principe s’applique strictement à la double hypothèse d’une coopération injuste, positive ou négative.

a) Dans l’hypothèse d’une coopération positive à une injuste damnification ou à une injuste détention du bien d’autrui, il n’est point douteux que la causalité mauvaise, quel que soit son mode d’opération, moral ou physique, immédiat ou médiat, principal ou secondaire, constitue un péché formel d’injustice, dès lors qu’elle est certaine et qu’elle s’accomplit avec l’advertance et le consentement suffisants. Si elle était douteuse et que l’acte ne fût point encore accompli, l’on ne pourrait légitimement, à moins d’acquérir directement ou indirectement une certitude suffisante de la non efficacité mauvaise. Mais après l’acte accompli avec bonne foi ou ignorance invincible de l’injustice commise, le confesseur peut être autorisé à ne point troubler cette bonne foi, si le pénitent a pour lui des raisons assez valables et que la monition présente d’assez graves difficultés, toute crainte de scandale étant d’ailleurs écartée.

b) Dans l’hypothèse d’une coopération négative ayant une efficacité vraiment injuste et très déterminée, on est également responsable de toute l’injustice eau

Il est vrai qu’en principe, en dehors des questions de justice, une coopération simplement négative n’entraîne la responsabilité d’aucune faute particulière commise par le prochain. Mais il n’en est point de même en matière de justice, dans les cas où le devoir d’empêcher ou de réprimer l’injuste action du prochain est très strict et très déterminé. La coupable omission d’un tel devoir, accompagnée d’une suffisante prévision et volition du dommage, étant une injuste coopération vraiment efficace, entraîne toutes les obligations imposées par la vertu de justice. Tel est le cas d’un serviteur ou employé particulièrement chargé, en vertu d’un contrat tout spécial, de la surveillance ou de la garde d’un bien déterminé. Lehmkuhl, Theolugia moralis, t. i, n. 1013.

c) A l’injustice formelle peuvent se joindre accidentellement les malices spécifiques du scandale, de la désobéissance formelle aux lois de l’Église ou du sacrilège. Toutefois le sacrilège proprement dit, supposant toujours une réelle injustice, peut ne point exister dans certaines coopérations purement matérielles et secondaires où l’Église, pour de graves raisons d’ordre privé ou public, pourrait être présumée céder son droit, comme tout propriétaire est censé le faire en pareil cas pour éviter à quelque coopérant forcé un mal très grave. Walfelært. Étude sur la coopération au mal, 2e édit., Bruges, 1892, p. 67 sq. ; dom Bastien, Des censures qui atteignent la liquidation des biens ecclésiastiques et des congrégations religieuses, Paris, 1905, p. 36 sq. De même il n’y aurait point désobéiss : formelle aux lois ecclésiastiques si l’Église, pou : très graves raisons, déclarait qu’elle tolère une coopépération purement matérielle et secondaire à l’inique spoliation de ses biens. En fait, les récentes instructions pontificales (1900) sur l’application de la loi de séparation en France indiquent plusieurs tolérances de ce genre. Pour ce qui concerne les présidents, trésoriers et autres personnes préposées à l’administration et à la garde des biens ecclésiastiques, si l’ordinaire juge, d’après les circonstances particulières, que le reludes clefs entraînera pour ces personnes de graves dommages, il pourra, après avoir examiné la question en conscience et devant Dieu, tolérer que ces personne-, après avoir explicitement protesté contre la violence qui leur est laite, laissent les clefs in propriis l sans fournir aucune autre aide, ou sans souscrire aucun acte de la spoliation accomplie.

On peut également tolérer que des fonctionnaires du gouvernement acceptent la charge d’administrateur séquestre, dès lors qu’ils ne peuvent réellement refuser sans s’exposer au danger de subir de graves dommag mais l’on doit empêcher l’étonnement des ûdèles et il appartient à l’évêque île déterminer ce qui est néces-