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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

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envahi les chapelles des couvents, où se réfugiaient les réfractaires. Ces bandes y avaient fouetté publiquement les femmes présentes et les religieuses. Le 10 avril, une proclamation de Bailly blâmait ces excès, mais en rejetait la première faute sur les insermentés. Le 11, le directoire du département, « pressé de maintenir l’ordre public dans tout ce qui concerne le service du culte public, » considérant d’une part que le culte catholique ofliciel ne saurait prétendre à occuper toutes les églises, si cela no lui est pas nécessaire et que la nation doit tirer profit des églises inoccupées, biens nationaux ; d’autre part, que la liberté religieuse doit être garantie, arrête en substance : a) les églises paroissiales restent exclusivement réservées « aux fonctionnaires publics ecclésiastiques salariés par la nation, nominativement attachés à ces églises » , sous la surveillance d’un « préposé laïc » ; b) resteront ouvertes les chapelles des hôpitaux, couvents, collèges, séminaires ; c) seront fermées immédiatement toutes les églises et chapelles autres pour être traitées et vendues comme biens nationaux. Les acquéreurs pourront les consacrer au culte à la condition qu’une inscription indiquera l’usage et qu’aucune attaque n’y sera faite contre la constitution et les lois, par conséquent contre la constitution civile. Proclamation du département de Paris. Arrêté du directoire concernant les églises… du Il avril 1701. Aussitôt l’ex-curé de Saint-Sulpice, IL de Pancemont, loua l’église des théatins ; les offices de Pâques s’y firent sous la protection de la police et malgré d’ignobles menaces. Le 18 avril, l’Assemblée examina l’arrêté du directoire. Si cet arrêté devenait une loi, et une loi appliquée, ce qui était conforme au principe de la liberté des cultes adopté ou à peu près en février et avril 1790 par la Constituante, l’Église officielle était fort atteinte. Aussi l’arrêté du directoire subit-il de vigoureuses attaques de Treilhard, Lanjuinais et Camus. Maury le défendit, mais il eût perdu la cause si Buzot et Sieyès ne s’en fussent mêlés. L’Assemblée décréta que le décret serait provisoirement appliqué et demanda au comité de constitution de lui adresser un rapport sur la question. Talleyrand déposa le 7 mai ce Rapport et un Projet de loi. Le passage principal de son rapport est celui où il fait l’éloge de la liberté des cultes et où il rappelle les constituants au respect de la Déclaration des droits : « S’il doit être libre à à chacun (aux yeux de ses semblables), dit-il, d’avoir une opinion religieuse différente de celle des autres, il est clair qu’il lui est également libre de la manifester, sans quoi il mentirait éternellement à sa conscience, et par conséquent aussi il doit être libre de faire tout acte qui lui est commandé par cette opinion, lorsque cet acte n’est nuisible aux droits de personne. Do là suit évidemment la liberté des cultes. Tout cela est renfermé dans la Déclaration des droits ; tout cela est la Déclaration des droits elle-même… Si la religion des juifs, des protestants, doit être respectée, celle des catholiques non conformistes doit l’être également. » A l’objection faite qu’il n’y a pas deux formes du catholicisme et qu’en conséquence les non-conformistes n’ont qu’à fréquenter les églises conformistes, il répond : « C’est vrai, mais tout le monde ne pense pas comme nous sur ce point ; il faut par conséquent que ces adversaires aient le droit d’énoncer leur opinion ; et que le culte qu’ils désireront célébrer à part, soit que d’ailleurs il diffère ou non du nôtre, soit aussi libre que tout autre culte. » Avec l’appui de Sieyès, cf. Opinion deM.Emm. Sieyès, député de Paris, la 7 mai 1791, Talleyrand lit ?ccepter de l’Assemblée, malgré l’abstention complète de la droite, ces deux propositions constituant tout son projet de loi, inspirées du même esprit que l’Arrêté du directoire, mais en modiliantquelquepeu les dispositions : 1° T.’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de constitution sur l’arrêté du Il avril du Directoire du départe ment de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse qui l’ont dicté sont les mêmes qu’elle a reconnus c-t proclamés dons sa 1 léclaration des droits, et déclare que le défaut de prestation de serment… ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église paroissiale, succursale et oratoire national pour y dire sa messe seulement.

2* Les églises consacrées à un culte religieux par des se r particulières et portant l’inscription qui leur sera donnée, si fermées aussitôt qu’il aura été fait quelque discours contenant des provocations directes contre la constitution du royaume et en particulier contre la constitution civile du clergé, l’auteur du discours sera… poursuivi criminellement dans les tribunaux comme perturbateur du repos public.

Ce n’était là qu’une liberté précaire et limitée. Les catholiques n’en jouirent même pas, les mouvements populaires continuèrent et l’église des théatins fut finalement fermée. La Constituante elle-même ne sut pas persévérer dans la voie où elle était entrée : aiiTÛ en mai elle refuse de laïciser l’état civil dont les constitutionnels détenaient les registres pour les catholiques et où ils n’inscrivaient que les actes religieux accomplis devant eux ; en juin, elle décrète que les non-conformistes ne pourront avoir d’évêques, etc.

Après la fuite du roi à Varennes, il y eut une recrudescence d’attaques contre les réfractaires. Les jacobins affectèrent de croire qu’entre le roi qui refusait de faire ses Pâques auprès d’un prêtre assermenté, les émigrés qu’il s’efforçait de rejoindre et au milieu desquels apparaissaient les évêques, l’étranger auquel les émigrés et le roi faisaient appel, et les réfractaires à la tête desquels apparaissaient ici et là des ennemis de la Révolution, il y avait partie liée, entente pour détruire toutes les conquêtes de la Révolution, y compris la religion nationale. L’accusation fit son chemin et comme les troubles religieux ne cessaient de grandir, que dans l’ouest les prêtres assermentés et leurs fidèles étaient en butte à mille violences, les administrations de bon nombre de départements s’attribuèrent le droit d’éloigner de leur domicile les prêtres réfractaires et de les interner dans une ville. Ils demandèrent à l’Assemblée une mesure générale dans ce sens. Elle refusa, et même le 14 septembre vota une amnistie générale, mais elle laissa toute liberté de persécuter aux autorités locales.

Ainsi les constitutionnels échappent au plus grand péril qui ait pu les menacer : la liberté de culte laissée à leurs adversaires. Contre ceux-ci d’ailleurs de graves accusations s’amassent et un geste violent de proscription se dessine ; il ne semble pas que tous les assermentés l’aient regretté.

2. Sous la Législative.

Le 1 er octobre, se réunissait la Législative. Entre les tâches qui s’imposaient à elle, l’une était particulièrement délicate : ramener la paix religieuse. La Constituante lui laissait l’ébauche de deux politiques : une politique d’apaisement en faisant de la loi du 7 mai une réalité et en en élargissant les dispositions libérales ; une politique de violences tendant à détruire le culte non-conformiste ou tout au moins à frapper ses ministres pour assurer le triomphe du catholicisme officiel. Or la Législative comprenait bien 10 évoques : Dubois (Somme), Fauchet (Calvados), Font (Ariège), Gay-Vernon (Haute-Vienne), Huguet (Creuse), Lamourette (Rbône-ct-Loire), Le Coz (Ule-et-Vilaine), Lefessier (Orne), Pontard (Dordogne) et Torné (Cher), et 17 prêtres ; mais dans cette assemblée terne « d’hommes presque du même âge, de même classe, de même langue, de même habit » (Michelet), c’était un groupe d’athées et de déistes qui dominait, le groupe girondin. Or les Girondins, à l’exception de Gensonné (discours du 3 novembre 179Il et de Guadet i discours du’21 1, qui semblent avoir eu comme idéal la séparation de l’Église et de l’État, n’en étaient pas encore arrivés à cette idée que la masse nationale put se passer du catholicisme et l’État se désintéresser de la religion.