Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

1579

CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

1580

tutionnefs ef des rétractations assez nombreuses se produisirent. L’Église constitutionnelle s’émut : il avait déjà circule quelques brefs apocryphes, elle t ra i ta les derniers connue tels ; ou bien elle en appela au pape mieux informé et au concile général ; ou bien encore, et ce fut surtout l’œuvre des anciens parlementaires, elle en attaqua franchement les doctrines : ainsi fit Camus dans ses Observations sur des brefs du pape. Quant aux évoques constitutionnels signataires de Y Accord, qui parut suivi d’une Lettre des évêques constitutionnels, membres de l’Assemblée constituante au pape en lui envoyant l’ouvrage fait pour la défense de la constitution civile, elle use de toutes ces tactiques, h’Accord réfute autant les arguments des brefs pontificaux que les arguments de l’Exposition et dans leur Lettre au pape les évêques constitutionnels députés supposent les brefs apocryphes. « On a cherché à nous persuader, très saint Père, que la constitution civile du clergé et tous les ecclésiastiques qui s’y sont soumis avaient encouru votre censure ; notre profond respect pour Votre Sainteté nous a commandé de rejeter des bruits qui lui étaient injurieux, et qui d’ailleurs n’avaient aucune authenticité, >/ et en tous cas ils en appellent au pape mieux informé : « On a imaginé de vous tromper : les objets vous ont été présentés sous un faux point de vue. Nous avons imaginé que vous n’étiez pas aussi bien placé que nous pour faire des réflexions que les circonstances commandent de peser avec l’attention la plus sérieuse. » Enfin, tous ne cessent de répéter que, s’il y a schisme, il est du côté du pape : ce ne sont pas eux qui se sont séparés du pape, et par conséquent ils ne sont pas schismaliques, c’est le pape qui s’est séparé d’eux. Et pour se justifier de l’accusation de ressembler à la secte anglicane, surtout aux yeux des Églises étrangères, ils affectèrent non seulement d’entretenir avec le pape les rapports prévus par la loi, mais de le traiter toujours comme un chef infiniment respecté, quoique nullement obéi. Le pape n’alla pas jusqu’à l’excommunication.

4° L’organisation et l’établissement de l’Eglise constitutionnelle. — La nouvelle Église s’organisa dans les six premiers mois de l’année 1791, sous la protection du comité ecclésiastique et de l’Assemblée. Elle avait ses cadres généraux, les 83 départements ; les paroisses ne pouvaient être organisées que l’évêque nommé. Or 4 sièges seulement étaient pourvus en janvier 1791 : Sens, Orléans, Viviers, qui avaient gardé leurs prélats constitutionnels, et Quimper où avait été élu Expilly le 31 octobre 1780. Les 8 sièges nouvellement créés n’étaient pas encore pourvus ; les 71 autres étaient ou allaient être vacants : Belley où mourut le 14 janvier l’évêque Cortois de Quincey ; par démission : Autun, où Talleyrand après avoir prêté le serment allait renoncer à son siège et même à toute fonction sacerdotale ; les autres, C9, par refus de serment. Les nouvelles élections commencèrent avec celles de Marolles dans l’Aisne, 2 février. Pour la fin de mai, tous les sièges étaient pourvus. Cela s’était fait plus ou moins vite, suivant le plus ou moins d’empressement des autorités chargées de convoquer les électeurs et plus ou moins facilement, bien que par un décret du 7 janvier l’Assemblée ail facilité les conditions d’éligibilité : pour l’année courante, 1791, il suffisait à tout prêtre français d’avoir été fonctionnaire public pendant 5 ans pour être éligible aux évèchés et aux cures. Il y eut des refus, soit à cause des élections multiples : Grégoire fut élu deux fois ; Gobel quatre ; soit surtout par scrupule ou par crainte des luttes à supporter : tels l’abbé de Vauponts élu à l’évêché de la Mayenne, le curé de Pontivy, Guégan, élu pour le Morbihan : tous deux écrivirent leurs scrupules au pape qui les encouragea à refuser ; tels encore Gervais, curé de Saint-Pierre de Cæn, élu pour le Calvados, Leverdier, curé de Choisy le-Roi, pour la Seine-Inférieure, etc. La dernière élection fut celle de Mestadier dans les Deux-Sèvres, 9 mai. Le nouvel épiscopat comprit 16 membres de la Constituante : Aubry (Meuse), Bécherel (Manche), Dumouchel (Gard), Expilly (Finistère), Gausserand (Tarn), Gobel (Paris), Gouttes (Saône-et-Loire), Grégoire (Loiret-Cher), Joubert (Charente), Lecesve (Vienne), Lindet (Eure), Marolles (Aisne), Massieu (Oise), Regouard (Var), Royer (Ain), Thibaut (Cantal). La plupart des nouveaux élus étaient des curés ; cependant il y avait parmi eux 6 chanoines dont Pascareau (Gironde), âgé de quatrevingts ans ; 13 religieux dont 4 oratoriens, Lalande (Meurthe), Périer (Puy-de-Dôme), Priniat (Nord), Porion (Pas-de-Calais) ; 5 professeurs et 2 ecclésiastiques sans titres officiels : Fauchet, ancien lazariste, prédicateur qui comptait dans le clergé de Saint-Roch à Paris, et Saurine, avocat au parlement. Presque tous appartenaient au Tiers-État. Quels titres les désignaient au choix des électeurs ? Ce fut pour quelques-uns, pour Grégoire, par exemple, le rôle joué à la Constituante ; pour d’autres, qui n’appartenaient pas à la Constituante, ce l’ut également leur dévouement aux idées nouvelles : tel est le cas de Fauchet qui, natif de la Nièvre, est élu dans le Calvados, pour les discours révolutionnaires qu’il a prononcés à Paris ; dans ce cas, on retrouve l’inlluence du club des jacobins de Paris sur ses ramifications de province ; d’autres encore furent élus par l’influence de leurs parents et de leurs amis : l’amitié de Mirabeau porta Lamourette à la métropole du Sud-Est ; mais en général, les élus appartenant aux départements qui les élisaient, les élections furent surtout des questions locales. Quelle était la valeur intellectuelle de cet épiscopat ? Il paraît inférieur à l’épiscopat qu’il remplace : son docteur est Grégoire, esprit d’une incroyable activité et d’une grande érudition plutôt que puissant et profond. Quelle était sa valeur morale ? 11 comprit des prêtres sans foi, ainsi Minée (Loire-Inférieure ) et Pelletier (Maine-et-Loire) ; des débauchés comme Dumouchel (Gard) ; des âmes faibles qui ne sauront résister à la terreur, abdiqueront leurs fonctions et se marieront ; des ambitieux comme Joubert (Charente) ; mais il compta en majorité des prêtres pieux et fidèles à leurs devoirs amenés au schisme par les passions politiques unies aux passions gallicanes et voulant combattre au premier plan pour d’aussi justes causes ; des prêtres pieux, sans grande passion comme sans grandes vertus, qui en temps ordinaire fussent restés excellents, mais qui se laissèrent prendre au désir de la mitre.

Mais à ces élus il fallait l’institution canonique et la consécration. Sur ce point, la Constituante, instruite par l’affaire d’Expilly, avait déjà fait lléchir, avec le décret du 14 novembre, les prescriptions de la loi du 12 juillet. Après les relus de serinent, elle comprit que le décret du 14 novembre lui-même devenait insuffisant : un nouveau décret du 26 janvier défendit aux évoques élus de demander leur confirmation et la consécration à leurs métropolitains et aux évêques non assermentés et les autorisa à solliciter les deux choses de n’importe quel évêque assermenté désigné par le directoire du département. Le choix n’était pas tus étendu : il y avait en tout 7 prélats assermentés : or les évêques de Sens, Orléans, Viviers, juraient, mais ne sacraient pas ; le coadjuteur de Sens faisait de même ; Gobel et Miroudot jusque-là in partiùus manquaient de prestige. Heureusement Talleyrand consentit à instituer Expilly et Marolles las de frapper à toutes les portes. La cérémonie de la consécration se fil à Paris dans l’église de l’Oratoire, le 24 février. Talleyrand était assisté de Gobel et de Miroudot. C’est sous ce patronage que le véritable épiscopat constitutionnel fit son entrée dans le monde.

Sacrés, les évêques se livrèrent à une doublj mani-