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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE

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Tant d’efforts de l’épiscopat furent-ils vains’.' Précédemment séparés du leurs prêtres et de leur peuple, comme on l’a vii, ils ne pouvaient espérer les rallier tous à leur cause, surtout que les réformes religieuses paraissaient unies aux réformes politiques et sociales chères à beaucoup. Néanmoins, l’on verra, au moment du serment, les deux armées à peu près égales en forces.

Le serment constitutionnel.

L’attitude pratique

de l’épiscopat était conforme à ses écrits. Si diminué que fût le pouvoir épiscopal, son concours était nécessaire pour l’exécution du décret du 12 juillet, soit pour la nomination des vicaires épiscopaux, soit pour l’organisation des paroisses, soit pour le remaniement des diocèses. Vers la fin de septembre, la loi avait été publiée partout par les directoires de départements et les municipalités qui mirent une hâte maladroite à l’appliquer. Cependant l’épiscopat se préoccupait d’éviter le schisme qu’il dénonçait : il désirait, comme le roi, trouver un terrain d’entente et obtenir à la conslitution civile, dans une certaine mesure, la sanction de l’Église représentée par le pape. Le Il octobre donc, l’évêque de Clermont avait demandé à l’Assemblée de surseoir à l’exécution de la loi, jusqu’à ce que l’on eût reçu l’assentiment du pape, auquel le roi avait écrit : l’Assemblée refusa même de l’entendre. Alors l’épiscopat adopta comme attitude d’ignorer la loi : dépossédés par la loi ou non, les évoques continuèrent à administrer leurs diocèses comme par le passé. Partout, ce furent des conflits entre les évêques avec leurs fidèles et les autorités et les patriotes, ceux-ci pour la plupart adhérents des clubs jacobins. Les autorités ne cessaient d’en appeler au comité ecclésiastique qui resta le grand pouvoir religieux du moment. Vers la fin d’octobre, deux choses achevèrent d’exaspérer ce comité : V Exposition des principes et les affaires de Quiinper. Le 30 septembre, était mort l’évêque de cette ville, Conan de Saint-Luc. Le chapitre s’empara immédiatement de l’administration du diocèse, sans s’inquiéter de la loi. Puis le 31 octobre, les électeurs, convoqués suivant les prescriptions légales, élisaient par 233 voix contre 125 données à Mo’de la Marche, évoque dépossédé de Saint-Pol de Léon, Expilly, recteur de Saint-Martin à Morlaix, député du clergé de Saint-Pol, qui avait parlé à la Constituante en faveur de la suppression des biens ecclésiastiques, qui appartenait au comité ecclésiastique et était l’auteur d’un des trois rapports qui préparèrent la constitution civile. Vainement il se présenta à son métropolitain : il ne put obtenir de lui ni la confirmation canonique, ni la consécration. L’Assemblée était désarmée : les prescriptions de la loi du 12 juillet étaient précises, et vis-à-vis du métropolitain aucun moyen de contrainte n’était possible. C’est alors que la Constituante vota le décret du 14 novembre qui permit à Expilly, de nouveau et par deux fois repoussé par son métropolitain, repoussé par les évêques de la province, d’être sacré à Paris, dans l’église de l’Oratoire, par Talleyrand, le 24 février 1791, en même temps que Marolles, évêque élu de l’Aisne.

Mais en face de cette attitude de l’épiscopat l’Assemblée crut devoir prendre une mesure générale et vigoureuse. Elle ne voulait pas négocier avec le pape, pas même laisser ce soin à d’autres et attendre la réponse : elle jugeait la chose contraire à sa dignité, mais la chose était surtout contraire à ses passions, et elle voulait que force restât à la loi. Le 26 novembre 1790, le député Voidel, au nom des comités ecclésiastiques d’aliénation, des rapports et des recherches réunis, présentait à la Constituante un rapport sur la question et un projet de décret. Il rejette toute idée de s’entendre avec le pape, « puissance étrangère » dont il serait « absurde » d’atlendre l’approbation pour l’exécution d’une réforme décidée par le Corps législatif « dans sa sagesse » , ne portant ni sur le dogme, ni sur l’enseignement, ni sur

le culte, mais sur « des objets d’ordre et de police extérieurs » et « approuvée par le roi » . Et résumant en ces termes les griefs du comité ecclésiastique contre le clergé : « Une ligue s’est formée contre l’Etat et contre la religion entre quelques évêques, quelques chapitres et quelques curés. La religion en est le prétexte ; l’intérêt et l’ambition en sont le motif ; montrer au peuple par une résistance combinée qu’on peut impunément braver les lois…, exciter la guerre, voilà les moyens… » Barruel, op. cit., t. vi, p. 194 sq. ; en conséquence, il proposait à l’assemblée « de décréter ce qui suit » : a. Étaient tenus au serinent fixé par les lois des 12 et 24 juillet les évêques, les ci-devant archevêques et les curés maintenus en exercice, s’ils ne l’avaient pas encore prêté. — b. Ils devaient le prêter dans un délai de huit jours à partir de la publication de la loi, s’ils étaient présents dans leurs diocèses et cures ; sinon, ils avaient quinze jours pour rejoindre leur résidence, et dans les quinze jours qui suivaient ce délai, ils prêteraient le serment. — c. Ce devait être le dimanche, à l’issue de la messe, en présence des autorités locales et des fidèles.

cl. Procès-verbal serait dressé par le maire et signé par l’intéressé. — e. Les députés, les malades pourraient se faire représenter, mais ils seraient tenus à prêter le serment en personne aussitôt que possible. — /’. Sans quoi, ils seraient censés avoir renoncé à leurs offices et il serait pourvu à leur remplacement suivant les formes légales. — g. Ceux qui man nieraient à leur serment « soit en refusant d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi, soit en formant ou excitant des oppositions à l’exécution desdits décrets » , seraient déchus de leurs fonctions et passibles de diverses peines. — /(. Quant à ceux qui, titulaires d’offices supprimés, exerceraient leurs fonctions, « ils seraient poursuivis comme perturbateurs du repos public et punis par la privation de leurs traitements et autres peines. » — i. Seront de même poursuivis et punis tous ceux, ecclésiastiques ou laïques, « qui se coaliseraient pour former ou exciter des oppositions aux décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés par le roi. » La droite, par la voix de l’évêque de Clermont, de Cazalès, de l’abbé de Montesquiou et surtout de l’abbé Maury qui lit le procès de la politique religieuse de la Constituante et du comité ecclésiastique, demanda de nouveau l’ajournement de toute décision, jusqu’à ce que le roi ait obtenu une réponse du souverain pontife, « seul juge compétent. » Quant à la gauche, elle voulait au contraire une conclusion immédiate. Ses principaux orateurs furent Mirabeau et Camus. Camus, qui publia un Développement de son Opinion affirmait ces 3 choses : a. l’Assemblée avait le droit d’établir la constitution civile ; b. les principes émis par les évêques dans l’Exposition sont erronés ; c. l’exécution immédiate s’impose, sans l’inutile aveu du pape. c< La nation n’aurait-elle brisé les fers qui la tenaient captive dans ses propres terres que pour se soumettre à une puissance étrangère ? » Quant à Mirabeau, dont l’éloquence se trouva cette fois comme plusieurs autres supérieure à l’érudition, sa fougueuse harangue porte surtout contre l’Exposition : il dénonce dans l’épiscopat le plan ténébreux d’amener l’Assemblée à persécuter, afin de la perdre : que l’Assemblée en finisse avec cette rébellion et que, sans délai, sans l’inutile assentiment du pape, elle prenne les mesures nécessaires. Pour lui, les mesures proposées par Voidel sont insuffisantes. Il demande donc, en attendant que l’Assemblée en vienne à cette salutaire mesure, « de décréter la vacance universelle des places ecclésiastiques conférées sous l’ancien régime pour les soumettre toutes à l’élection : » a. de déclarer déchu tout évêque qui demanderait à Rome des bulles d’institution, soit pour un diocèse ancien, soit pour « des ouailles qui n’étaient pas auparavant soumises à sa juridiction f ; b. déchu aussi tout mélropo-