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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ


des chapitres cathédraux. « Ma table, disait Grégoire, est chargée de protestations de chapitres cathédraux. » Pour se défendre les chapitres alléguaient leur ancienneté ; ils affirmaient qu’ils étaient utiles à la mort de l’évêque, puisqu’ils administraient le diocèse, et de son vivant puisqu’ils étaient son conseil. Mais les constitutionnels étaient durs pour eux. « S’il est certain, disait le rapport Martineau, que les chapitres des Eglises ont cessé d’être les coopéraleurs de leurs évêques, qu’au lieu de le regarder comme leur chef, ils l’ont même exclu de leurs assemblées capitulaires, en ne lui permettant d’y assister que comme simple chanoine ; s’il est notoire que, depuis longtemps, les chapitres ne sont plus que de nom le conseil des évêques…, vous ne pouvez pas balancer à décréter leur suppression. »

Mais ces atteintes à la hiérarchie traditionnelle, même la suppression du titre d’archevêque, n’étaient rien à côté des atteintes portées au pouvoir épiscopal, si bien que les contemporains comparaient l’Église constitutionnelle à l’Église presbytérienne. La constitution civile semble, en effet, avoir pris à tâche d’abaisser l’évêque et de relever le curé. Non seulement il n’y aura plus entre les deux cette barrière presque infranchissable que mettait l’ancien régime et qui était un abus, mais ils ont la même origine : tous deux sont élus et par les mêmes électeurs ; l’évêque n’est plus guère que le premier parmi ses curés : il n’a plus ni le droit de nomination, ni le droit de décision : ainsi que la nomination des curés, il a perdu la nomination des vicaires qui est allée aux curés ; il est dans la complète dépendance d’un conseil dont le choix le lie et où toutes les décisions doivent être prises à la pluralité des voix. L’Exposition a de longues pages sur ce point, les évêques y montrent comment l’Église a toujours compris la juridiction épiscopale et comment la Constituante, à ce propos comme à tous les autres, détruisait la discipline de l’Église sous prétexte de la rétablir, p. 31 sq. « L’évêque, dit M. de Boulogne, a dans le clergé de son diocèse des coopérateurs qu’il doit honorer ; mais il ne peut jamais reconnaître, dans les pasteurs de second ordre, ni des supérieurs, ni même des égaux, » et il justifie sa thèse par les textes des Pères, par les définitions des conciles et surtout par cette définition du concile de Trente : « Si quelqu’un dit que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres, qu’il soit anathème. » Sess. XXIII, c. iv ; Barruel, Collection, t. iii, p. 49 sq. « Quand nous réclamons les principes de la juridiction épiscopale, font remarquer, p. 44, les auteurs de l’Exposition, répondant à cette objection qu’un tel pouvoir chez l’évêque entraîne la diminution et l’oppression des curés, ce n’est pas pour en rendre l’exercice arbitraire : Jésus-Christ, en instituant son Église, n’a pas laissé flotter son gouvernement au gré des passions, des intérêts et des erreurs d’un moment. » Et ils rappellent t les sages tempéraments » que formaient dans chaque Église les synodes, les conciles provinciaux, les conciles nationaux, et dans l’Église dispersée le pouvoir du pape. A ces objections il faut opposer naturellement les affirmations du défenseur des droits des curés, de Grégoire. « Dès l’origine de l’Église, afllrme-t-il, les curés en la personne des disciples assistent au concile de Jérusalem avec les apôtres. Pendant douze cents ans, ils ont exercé le droit de siéger avec les évêques dans les conciles, de délibérer, de juger même en matière de foi. Depuis le xme siècle, ils en ont été privés par le droit du plus fort. » Et il renvoie à « l’excellent cahier des curés du Dauphiné » . Le conseil de l’évêque, « c’est l’ancien presbytère dont les chapitres avaient conserve’en partie les droits. » Les membres de ce conseil sont inamovibles, mais m jamais les évêques n’avaient le droit de destituer les chanoines » . Puis, « il est absurde de dire que ces vicaires seront évêques en corps. Eussent ils mille prêtres, jamais ils ne pourront conférer la prêtrise. » Barruel, Collection, t. vil, p. ~A. En d’autres termes, entre les évêques et les curés, il n’y a d’autre différence essentielle que la plénitude du sacerdoce aux évêques.

e) Le pape : le schisme d’Henri VIII. — Une É{ ne saurait rompre avec le pape sans sortir de l’unité catholique, en d’autres termes, sans être schismatique. Certains parlementaires, on l’a vii, n’auraient pas reculé devant une rupture complète avec « l’évêque de Rome » , comme ils disaient. Mais les curés, entraînés par Grégoire, avaient senti le péril et tenu à garder un lien avec Rome et à affirmer leur volonté de rester avec le chef de l’Église, dans « l’unité de la foi et de la communion » . L’Accord, p. 167, parle du pape avec respect : « Nous reconnaissons le pape pour le chef visible de l’Église, pour héritier de la primauté de Pierre, pour le centre de l’unité, suivant l’expression de Bossuet, pour le gardien des canons… Nous croyons avec saint Jérôme que Jésus-Christ a établi un chef pour maintenir l’unité de la foi. ut, capile consliluto, schismatis tolleretur occasio. C’est pourquoi nous lui avons écrit en signe de communion. Nous aurons pour lui de la soumission et de la déférence, toutes les fois que nous pourrons lui rendre cet hommage, sans blesser les canons, les lois du royaume et les droits de l’épiscopat. Nous ne sommes donc point schismati’jiies. Si la scission se consommait, ce qu’à Dieu ne plaise, ce serait le pape qui se séparerait et nous resterions toujours attachés de cœur à l’Église catholique, apostolique et romaine. »

Ce lien était-il suffisant ? Suffit-il pour éviter le schisme de déclarer que l’on ne veut point rompre avec le pape ? Non, répondaient les évêques. Voici comme M. de Boulogne résume leur doctrine : « La qualité de chef visible de l’Église universelle n’est point dans l’évêque de Rome un vain titre ; elle lui assure comme à saint Pierre la primauté non seulement d’honneur, mais encore de juridiction dans toute l’Église ; et on ne peut être catholique, sans reconnaître son autorité. » Barruel, Collection, t. iii, p. 48. Au reste, il suffit de se souvenir des quatre articles de 1682 pour connaître les doctrines de l’épiscopat gallican sur le pape. L’Église de France y reconnaissait au pape, sous certaines réserves, le droit absolu de juger, décider, ordonner. «  toi, dit Bossuet dans son fameux Discours sur l’unité de l’Eglise, en parlant de saint Pierre et de ses successeurs, qui as la prérogative de la prédication de la foi, tu as aussi les clés qui désignent l’autorité du gouvernement. Tout est soumis à ces clés ; tous, mes frères, rois et peuples, pasteurs et troupeaux : nous le publions avec joie, car nous aimons l’unité et nous tenons à gloire notre obéissance. » Comment cette juridiction pontificale s’exerçait-elle alors ? C’était surtout par ces deux choses : l’institution canonique donnée aux évêques et le droit de juger souverainement en appel. Or, ces deux droits lui étaient enlevés par la constitution civile : le pape n’était plus que le premier entre ses pairs. Au fond, concluaient les évêques et leurs partisans, la constitution civile renouvelait le schisme d’Henri VIII ; c’est la même doctrine, c’est la même façon dissimulée de procéder. « Ouvrez les yeux, écrit l’abbé Guillon dans le Parallèle des révolutions, et dans l’histoire du passé voyez l’histoire de l’avenir. Henri VIII avait résolu de rompre avec le siège de Rome. Comment s’y prendrat-il ? On craint d’elfaroucher le peuple par un schisme précipité ; il faut l’amener insensiblement : il faut même protester que l’on conserve un inviolable attachement au siège de Pierre ; et avec ces magnifiques promesses, la guerre ne s’en faisait que plus sûrement contre le souverain pontife attaqué… dans ses droits essentiels. Il faut abolir dans la pratique, ce que bientôt on va abolir dans la sanction. » Barruel, Cviieclion, t. iv.