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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ

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chef de l’État un certain droit do contrôle sur les lois d’Kglise, et si parfois il abusait, l’Église pouvait pardonnera au Roi très chrétien « .Mais la Nation avait perdu tous ces titres, déchiré le concordat, proclamé ou à peu prés la liberté’des cultes, refusé au catholicisme le titre de religion d’État et loin d’avoir bien mérité de l’Église, elle l’avait dépouillée.

Restait aux adversaires de la constitution civile à montrer « dans quel ordre il faut ranger la suppression, l’érection, la circonscription des métropoles, des diocèses et des cures ; la suppression des églises cathédrales et autres titres bénéfices ; les règles concernant le choix et l’institution des pasteurs, et la manière d’exercer la juridiction spirituelle dans les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique » , Lettre pastorale de M. de Boulogne, et après avoir fait le procès de la constitution civile en général, les évêques attaquaient chacune de ses dispositions.

b) Les nouvelles circonscriptions ecclésiastiques. — Us attaquaient d’abord le droit, que s’était attribué l’Assemblée dans le titre I er de la Constitution civile, de bouleverser tous les cadres de l’administration ecclésiastique. Voici comment se justifiaient les constitutionnels : £ La nouvelle distribution civile du royaume, disait l’Instruction du 21 janvier, rendait nécessaire une nouvelle distribution des diocèses… Ces changements étaient utiles, on le reconnaît, mais l’autorité spirituelle, devait, dit-on, y concourir. Qu’y a-t-il donc de spirituel dans une distribution de territoires ? Jésus-Christ a dit à ses apôtres : Allez et prêchez par toute la terre ; il ne leur a pas dit : Vous serez les maîtres de circonscrire les lieux où vous enseignerez. La démarcation des diocèses est l’ouvrage des hommes. Le droit ne peut en appartenir qu’aux peuples, parce que c’est à ceux qui ont des besoins à juger du nombre de ceux qui doivent y pourvoir. » Grégoire est non moins précis : « Il est essentiel à la religion, dit-il, d’avoir des diocèses…, mais maîtresse absolue de son territoire, elle le partage à 83 évêques… J’ai beau m’alambiquer l’esprit pour trouver là du dogme, je n’y vois qu’une opération matérielle, géographique, et si l’Église peut revendiquer cette opération comme étant d’institution divine, dites-moi à quel terme l’autorité spirituelle s’arrêtera. Ce règlement de police est salutaire à l’État, donc l’État a le droit de le faire. » Camus, Charrier de la Roche s’expriment de même, et sous la plume de tous revient une comparaison ainsi formulée par Grégoire : « Si le Japon idolâtre ou la Suède hérétique disait à nos missionnaires : je subviendrai à tous les frais du culte catholique que j’adopte ; mais il me plait de ne vouloir que 83 évèchés et tel nombre de prêtres… ; avec quel transport indicible on recevrait leur offre ! Pensez-vous qu’il fallût une bulle du pape pour légitimer ce règlement ? » Suivaient des faits destinés à prouver : a. Que les divisions fixées par l’Église dans les pays où elle s’établissait avaient toujours eu pour bases les divisions civiles ; b. que les conciles, le concile de Chalcédoine en particulier, supposent et même acceptent que les souverains fassent rentrer l’organisation ecclésiastique dans l’organisation civile ; c. que les souverains ont érigé librement des évèchés et des métropoles. D’ailleurs, « quand même, ajoute Grégoire, le clergé seul aurait consommé toutes les opérations de cette nature, ces actes, ratifiés par l’aveu tacite de la puissance civile, se seraient-ils convertis en droit ? Non assurément… Quand une nation se ressaissit de ses droits imprescriptibles, il est ridicule de lui opposer des usages. » Enfin, par le fait que les prêtres sont des fonctionnaires salariés, la nation a le droit de limiter leur nombre. « Quand la nation, écrit toujours le même Grégoire, se charge des frais du culte et de l’entretien de ses ministres, il lui importe de connaître ceux qui lui sont nécessaires pour lie salarier que ceux-là. » Il

importe peu d’ailleurs aux évoques : comme on le verra, les constitutionnels soutiennent, en effet, que « dans leur consécration les évêques reçoivent tous les pouvoirs des apôtres » , sans intermédiaire, et par conséquent une juridiction universelle : Docete omnes génies.

Les évêques ni ne niaient l’utilité d’un remaniement des diocèses, la nécessité du concours de la puissance civile en pays catholique pour l’établissement de nouveaux évèchés, ni même ils ne déniaient à l’Assemblée le droit d’initiative ; mais ils affirmaient qu’il s’agiss ; iit d’un objet spirituel et qu’en conséquence, logiquement et aussi d’après l’usage constant et les canons, il fallait l’approbation de l’Église, c’est-à-dire du pape ou des conciles. « Sans doute, écrit M. de Boulogne, la puissance civile peut proposer des vues sur ces importants objets…, mais l’action de l’autorité spirituelle est indispensablement requise, et la puissance civile seule ne peut conduire l’ouvrage à sa fin. » Et en effet, qu’est-ce qu’établir un évêché ? se demandent les auteurs de la Consultation. Il s’agit bien d’une opération géographique ! « C’est, répondent-ils, donner à un ministre une juridiction spirituelle sur tel territoire, c’est lui soumettre et les pasteurs et les fidèles de ce canton. » Et supprimer un évêché, qu’est-ce ? « C’est dépouiller l’évêque d’une juridiction qu’il tenait de l’Église seule… Que l’Église puisse faire tout cela, on le conçoit, mais qu’une Assemblée civile le puisse, de qui en aurait-elle reçu le pouvoir ? » D’ailleurs, ajoutait après avoir exposé les mêmes idées, M. de Boulogne, « qu’on ne prétende point qu’au moment de la consécration des pontifes l’Église leur communique une juridiction indéfinie, qui peut être étendue ou restreinte ou même anéantie au gré de la puissance civile ; » si Jésus-Christ a donné à ses apôtres une juridiction indéfinie, « l’Église n’en agit pas ainsi ; quand elle consacre ses pontifes, elle ne leur attribue qu’une juridiction déterminée à tels lieux, nommément, individuellement et exclusivement à tous autres. L’intention de l’Église sur ce point se connaît par ses lois et les dispositions de celles-ci sont précises. » Enfin, d’après le même prélat, toutes les preuves historiques invoquées sont fausses : « Il a été prouvé, écrivait-il, par les monuments mêmes que l’on s’est permis de mettre en avant, que dans toutes et chacune des circonstances objectées, l’autorité spirituelle est intervenue comme cause nécessaire. » Tous les évêques rappelaient aussi ce canon du concile de Trente : « Qu’il ne soit permis à aucun évoque… d’exercer les fonctions épiscopales dans le diocèse d’un autre, si ce n’est avec la permission expresse de l’ordinaire et seulement à l’égard des personnes soumises au même ordinaire. S’il en arrivait autrement, l’évêque et ceux qui auraient été ainsi ordonnés, seraient de droit suspens, celui-là des fonctions épiscopales, et ceux-ci de l’exercice de leurs ordres. » Sess. VI, De reform., c. v. « D’ailleurs, insistait l’Instruction, si l’autorité spirituelle devait ici concourir avec la puissance temporelle, pourquoi les évêques ne s’empressent-ils pas de contribuer à l’achèvement de cet ouvrage ? Pourquoi ne remettent-ils pas volontairement entre les mains de leurs collègues les droits exclusifs qu’ils prétendent avoir ? » A cette attaque, que les constitutionnels n’avaient pas attendu l’Instruction pour formuler, l’Exposition et les Lettres pastorales, entre autres, celle de l’évêque de Langres, répondent : Ce ne serait là qu’une solution provisoire « qui prolongerait les difficultés et ne les terminerait pas » . Elle serait en contradiction avec les décrets : « Les décrets ne sont point exécutés, quand les limites des diocèses et des métropoles ne sont point changées, quand la juridiction propre aux évêques supprimés n’est point détruite, quand celle des évêques conservés ne reçoit pas d’extension. » Donner la délégation ou la refuser, ce serait affirmer que « la puissance