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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


possède en Turquie et même en Russie des procures, qu’on appelle métokhia ; c’est le conseil de tous les prnéstos, qui en nomme les directeurs et qui contrôle les comptes de l’économe préposé à sa gestion.

La singularité la plus caractéristique de l’Athos, c’est qu’aucune femme n’a le droit d’y aborder ; bien plus, tout anima] de genre féminin en est scrupuleusement éloigné, l’amour n’y est toléré que lorsqu’il a des ailes. On reconnaît dans ces pratiques l’imitation d’une loi monastique, établie aux vine -ixe siècles par saint Platon, l’oncle de saint Théodore Studite. Il faut mentionner aussi, parmi les généralités de la sainte montagne, le tribut que la caisse commune doit fournir, soit 70 000 piastres au gouvernement turc, plusieurs milliers de piastres au patriarche, dette qui est rarement acquittée, et d’autres redevances au saint-synode, au vali de Thessalonique, au kaïtnakam de Karyès, etc., etc. Les procures, fermes ou métokhia, que chaque monastère possède hors de la presqu’île de la Chalcidique, sont fort nombreux. C’est de là que chaque monastère tire le plus clair de ses revenus, surtout parmi les vieux couvents idiorrythmes et les couvents russes qui sont fort riches. Ces revenus pourtant ont beaucoup diminué par suite de la querelle soulevée par la Roumanie au sujet des biens dédiés. On appelle ainsi des propriétés, situées en Turquie, en Russie et surtout en Roumanie, que les propriétaires avaient jadis dédiées, c’est-à-dire consacrées aux saints lieux, autrement dit aux couvents orthodoxes du Sinaï, de Palestine, du mont Athos et d’ailleurs. La Roumanie, une fois qu’elle se fut constituée en principauté autonome, prétendit que, primitivement et dans la pensée des fondateurs, les propriétés roumaines de ces couvents étaient d’abord destinées à soutenir les moines de Roumanie et à remplir des actes de charité et de bienfaisance dans le pays ; le surplus seul devait faire retour aux besoins des monastères de Palestine, de l’Athos, etc. ; les commissaires des puissances européennes, réunis à Paris en 1856, adoptèrent ce sentiment. Aussi, le gouvernement roumain engagea-t-il les saints lieux à renoncer à toute prétention sur les biens dédiés et à se contenter dorénavant d’une somme annuelle, qui serait fixée d’un commun accord. Ce compromis raisonnable ne fut agréé ni du patriarche de Constantinople, ni de celui de Jérusalem. On proposa alors un arbitre, et même un surarbitre, qui furent également repoussés. Le prince roumain Couza prescrivit alors, 1863, que les revenus de ces couvents fussent déposés dans les caisses de l’État, après avoir alloué toutefois la somme de 84 millions de piastres turques aux saints lieux. La proposition ayant été encore repoussée par les Grecs, le 29 décembre 1863, la Chambre roumaine vota à la presque unanimité la sécularisation de tous les biens conventuels, dédiés ou non, en réservant une somme de 82 millions de piastres pour les saints lieux. Malgré les protestations des puissances européennes, l’affaire se trouvait classée, et les Grecs ayant refusé peu après la somme de 152 millions de piastres qu’on leur offrait définitivement, les Roumains ne s’en occupèrent plus. Ou plutôt, chaque année, le gouvernemeut de Rucarest inscrit dans son budget une somme qui est censée représenter la créance des saints lieux, et il la consacre à entretenir une école roumaine à Constantinople, plusieurs monastères roumains au mont Athos, ainsi que des églises et des écoles sur le territoire ottoman. De Roumanie, la querelle a été récemment transportée en Bessarabie, province roumaine au pouvoir de la Russie. Lorsque le tsar s’adjugea en 1878 cette province, qui appartenait depuis 1856 aux principautés danubiennes, les couvents dédiés passèrent sous un autre maître. Or, la Russie prit une disposition, par laquelle elle devait remettre annuellement aux lieux saints les 2, 5 du revenu net des couvents dédiés de Bessarabie et se réserver pour elle les 3, 5.

En réalité, la retenue est moins considérable : la Russie ne garde que 1/5, mais elle a le pouvoir de garder aussi les autres 2 5, et c’est précisément ce droit, qu’elle revendique de temps à autre et qu’elle voulut faire passer dans la pratique en 1899, qui déchaîna une violente polémique entre les deux Églises. Pour le moment, la question en est là. Sur cette querelle récente, voii mona&U’res grecs de Bessarabie, dans les Écho » d’Orient, 1899-1900, t. iii, p. 118-122 ; Entre Grecs et Russes ; Sur les couvents dédiés de Roumanie, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1900, t. v, p. 1-18, 169-181. La bibliographie générale des couvents dédiés demanderait tout un volume et l’on ne peut songer à en donner même les titres principaux.

Pour le mont Athos, toutes les statistiques sont empruntées à Cosmas Blachos, "H Xcfnvyicof « S àyïou ôpouç "Atw » « - Ev otiti iù x « î d> |wïa Z oi càXcti te « tî.-., Vo’lo, 1903, p. 169-233, passim, l’ouvrage le plus précis qui existe sur la Sainte Montagne. Les renseignements qui concernent ! a vie monastique sont tirés, et la plupart du temps textuellement, des articles fort instructifs que deux de mes confrères, les Pères B. Laurès et J. Pargoire, ont consacrés au monachisme athonite, La vie cénobitique à l’Athos, dans les Échos d’Orient, 1900-1901, t. iv, p. 80-87, 145153 ; Les monastères idiorrythmes de l’Athos, t. iv, p. 288-295 ; A la Sainte Montagne, dans les Missions des augustins de l’Assomption, Paris, octobre et novembre 1902, janvier, février et mars 1903. La bibliographie générale concernant le mont Athos se trouve dans l’ouvrage déjà cité du moine Blachos, p. 343-365. Voici les principaux : S. Kalligas, ’Atum&< Çtoi jùvto| ! o ; -ij’-vç.açt, to3 ifio-j îpouç "ASuvoç, Smyrne, 1870 ; M. Gédéon, ’0"A8w ;, Constantinople, 1885 ; Sp. Lambros, Catalogue of the greek manuscripts on mount Athos, 2 in-4°, Cambridge, 18951900 ; Ger. Smyrnakès, Tb « v.. ov î po, , Athènes, 1903 ; Gass, Zur Geschichte der Athos Klôster, Giessen, 1865 ; E. Miller, Le mont Athos, Vatopédi, l’île de Thasos, Paris, 1889 ; V. Langlois, Le mont Athos et ses monastères, Paris, 1867, ouvrage capital ; St. Neyrat, L’Athos, 2- édit., Paris, 1884 ; L. Duchesne et Bayet, Mémoire sur une mission au mont Athos, Paris, 1867 ; E. de Vogué, Syrie, Palestine, mont Athos, Paris, 1876, p. 255-333 ; Ph. Meyer, Die Haupturkunden fur die Geschichte der Athos Kloster, Leipzig, 1894 ; Ed. von der Goltz, Reisebilder aus dem griechisch-tùrkischen Orient, Halle, 1902 ; Alf. Smidtke, Das Klosterland des Athos, Leipzig, 1903 ; H. Gelzer, Yom heiligen Berge und aus Makedonien, Leipzig, 1904. Voir surtout les ouvrages de l’archimandrite russe Porphyre Ouspenskij, Premier voyage à l’Athos, en 1845 et 1846, 2 in-8°, en deux parties chacun, Kiev et Moscou ; Second voyage à l’Athos, en 1858, 1859 et 1861, Moscou, 1880 ; Histoire de l’Athos, 2 in-8-, avec supplément, Kiev et Saint-Pétersbourg, 1877, 1892. M. G. Millet et les Pères J. Pargoire et L. Petit ont entrepris de publier le Recueil des inscriptions chrétiennes du mont Athos, Paris. 1904, t. I ; le t. n ne tardera guère. Enfin, le P. L. Petit a entrepris, aux frais de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, la publication des Actes de l’Athos. Trois volumes ont déjà paru : Actes de Xénophon, Actes du Pantocrator, Actes d’Esphigménou, Saint-Pétersbourg, in-8° 1003 et 1905.

XXIX. L’ancien patriarcat latin. — Le 12 avril 1204, Constantinople était prise par les croisés. On songea aussitôt à installer un titulaire latin sur la chaire de saint Jean Chrysostome. Thomas Morosini, d’une illustre famille vénitienne, fut élu patriarche, au mois de mai 1204, par ses compatriotes, qui s’étaient réservé, dans le partage des dépouilles grecques, le domaine ecclésiastique. La confirmation ne lui vint de Rome que le 5 février 1205. Thomas Morosini occupa cette chaire jusqu’à sa mort à Thessalonique, en juin 1211. Les difficultés ne lui avaient pas manqué, soit avec le saint-siège, soit avec les clercs de son Eglise qui appartenaient à une autre nationalité que les Vénitiens. Comme il avait juré de ne point appeler d’autres que ses compatriotes au partage des bénéfices ecclésiastiques, Innocent III dut intervenir à plusieurs reprises el le rappeler à la stricte observance des canons, sans qu’il pût se vanler. du reste, d’avoir obtenu de lui une sérieuse amélioration. A la mort de Morosini, les intrigues et les rivalités se donnèrent libre carrière dans l’Église latine de Constantinople. si bien qu’il fut im-