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BANEZ


eut lieu le 27 janvier. Lesmaîtres et les étudiants se prononcèrent universellement contre les doctrines de Prudence de Montemayor et de Louis de Léon. Le scandale et l’agitation furent tels que le hiéronymite Jean de Santa Cruz crut devoir porter la chose devant l’inquisition (5 février), et joignit à sa déposition une liste de 16 propositions représentant la doctrine défendue par Prudence de Montemayor et Louis de Léon. Il s’ensuivit un procès contre les inculpés. Louis de Léon déclara qu’il avait défendu disputative et non assertive la doctrine incriminée. Il reconnut que ces doctrines n’étaient pas celles de saint Augustin et de saint Thomas ; qu il ne les tenait pas d’ailleurs pour vraies, ni ne les avait jamais personnellement enseignées. Sa seule pensée avait été d’empêcher de les qualifier d’hérétiques. Enfin, il reconnut, dans sa lettre à l’inquisiteur (30 mars), que la proposition qu’il avait soutenue, que Dieu ne prédéterminait pas les actes indifférents, était nouvelle et téméraire. La sentence finale rendue par la suprême inquisition, le 3 février 1581, portait que Louis de Léon devait s’abstenir d’enseigner en public ou en secret les propositions visées, sous peine d’être poursuivi selon toute la rigueur du droit.

Voici la liste des propositions improuvées par le Saint-Office :

/’propositio. Si Christus habuit prxceptum moriendi imposition a Pâtre, necessitabatur quoad impletionem illius, sic adeo ut nihil libertatis haberet in substantia operis moriendi, et conséquente/- non meruit in substanlia ope ?-is.

II : Christusmereri potuit in opère moriendi propter molivum quod habere potuit, et ilidem ratione intensionis in qua liber erat.

III’. Si prxceptum moriendi Christo impositum determinavit non tautum substanliam’operis sed eliam intensionis motiva et reliquas circumstantias, tolleret omnino meriti rationeni quia tolleret libertalem.

IV’. Non quod Deus voiuit me loquiegoloquor, sed contra : qnod ego loquor Deus voluil me loqui.

V : Non quod Deus provi dit me loqui egoloquor, sed contra : quod ego loquor Deus providit me locuturum.

VI : Deus non est causa operationis liberx sed causât tantuvn esse causa.

VII’. Providentia Dei non est respectu multorum actuum bonorum in particulari.

VIII’. Deus providet bona opéra moralia fteri in générait et in communi, non tamen liic et nunc et iit particulari.

IX : Dei providentia non déterminât voluntatem humanatn aut quamlibet aliam particularem causam ad bette operandum, sed potius particularis causa déterminât actum divinx providentix.

X : Doctrina contraria his proxime prxcedentibus conclusionibus, erronea est et lutherana.

XI : Conferente Deo xquale auxilium duobus hominibus absque vllo superaddito, poterit aller illorum converti, aller vero renuere.

XII : Solo auxilio Dei sufficienti absque ullo alio prxvenienti Petrus de facto convertetur.

XIII : Impiiis m justifteatione sua déterminât auxilium Dei sufficiens ad actualem usum per voluntatem Suam.

XIV : Deus nihil amplius antecedenlcr largitur impio dum justifteatur quod ad efficentiam pertineat quam auxilium sufficiens, sed tautum concomitanter.

X V : Deus et voluntas impii mutuo et simul se déterminant in justifteatione.

A 17". Nuit est major prxilrterminatio in jnsti/icatione impii ex parte Dei, quam ex parle voluntatis humanse.

2° Les démêlés, nés de la publication de la Concordia de Louis Molina, sont moins bien connus que les événements de 1582, les documents relatifs à celle affaire n’ayanl pas été, pour la plupart, enecre publiés,

Quand, en 1588, Louis Molina édita, à Lisbonne, son

livre Ci, iiruriliu liberi iirlnhn rum gratiæ iluiiis, etc.,

muni île la censure ecclésiastique du dominicain Barthélémy Ferreiro, el dédié au cardinal Albert d’Autriche, inquisiteur général de Portugal, des réclamations furent adressées à ce dernier : le livre de Molina, lui

disait-on, reproduisait la doctrine des propositions dont l’inquisition de Castille avait prohibé l’enseignement. Le cardinal fit suspendre la vente du volume et demanda le jugement de Banez et peut-être de quelques autres théologiens. Trois mois plus tard, le premier professeur de Salamanque transmit sa censure au cardinal avec trois groupes d’objections dans lesquelles il montrait que la doctrine de six des propositions prohibées se trouvait dans la Concordia. Le cardinal transmit la censure à Molina ainsi qu’une suite de 17 observations qui visaient différents passages de son livre, avec ordre de se justifier. Molina présenta sa défense en répondant longuement à la critique de Banez et en peu de mots aux 17 observations. Il en constitua un Appendix à la Concordia qui reçut l’imprimatur le 25 et le 30 août 1589. Mais il semble que la plus grande partie de l’édition fut déjà vendue, parce que, comme l’observe Livin de Meyer, on ne le trouve joint qu’à un petit nombre d’exemplaires. Sous cette forme le cardinal inquisiteur de Portugal laissa la Concordia entrer en circulation.

3° Les jésuites de Valladolid ayant pris la défense des théories de Molina sur la grâce dans une séance publique, le 5 mars 1594, les dominicains de la même ville y répondirent dans une soutenance solennelle de thèses le 17 mai suivant. L’agitation se propagea dans toute l’Espagne et l’inquisition intervint aussitôt. Les doctrines de Molina furent déférées à son tribunal. L’inquisiteur général demanda aux deux parties de présenter deux mémoires, et un certain nombre d’universités, de prélats et de théologiens furent consultés sur l’objet du litige. Le nonce pontifical de Madrid, dès le 15 août 1594, évoquait l’affaire au tribunal du souverain pontife. Molina, conscient du danger de sa position, prit de son cùté l’offensive en dénonçant à l’inquisition de Castille quelques-unes des doctrines de François Zumel et de Dominique Banez. Zumel, de l’ordre de la Merci et protesseur de philosophie morale à l’université de Salamanque, présenta sa défense qui fut endossée par Banez, le 7 juillet 1595. Les dominicains présentèrent leur mémoire rédigé par Banez sous le titre d’Apologia fratrum prædicatorum in provincia Hispanise., ec, et datée de Madrid, 20 novembre 1595. L’alfaire prenant beaucoup de temps, Banez donna sa dernière forme au Libellas supplex (28 octobre 1597), adressé au pape Clément VIII pour délier les dominicains de la loi du silence imposé par le nonce aux deux parties jusqu’à règlement de l’alfaire. Au nom de Clément VIII, le cardinal Madruzzi écrivitau nonce d’Espagne, le 25 février 1598, autorisant les dominicains à enseigner et à disputer librement sur la grâce conformément à la doctrine de saint Thomas, comme ils l’avaient fait par le passé. Les jésuites pouvaient, eux aussi, traiter les mêmes matières, mais en se tenant toujours à une doctrine saine et catholique : « Faites savoir auxdils pères de l’ordre des prêcheurs que Sa Sainteté, modérant la défense faite, leur concède la faculté de pouvoir librement enseigner el discuter sur la matière de auxiliis divins gratiw et l’uni » ) efficacia, conformément à la doctrine de saint Thomas, comme ils l’ont fait par le passé. Et pareillement aux pères de la Compagnie (de Jésus), qu’Us peuvent encore, eux aussi, enseigner et discuter sur la même matière, mais en se tenant toujours à la saine et catholique doctrine. » Serry, Hist. cong. Je aux., t. i, c. xxvi. Cet acte fut le dernier important en tant que les disputes sur la grâce touchent spécialement l’Espagne. Banez n’intervint pas directement dans les congrégations de auxiliis tenues à Rome sous deux pontificats de 1598 à 1607. Les actes originaux des congrégations et de ce qui

s’rapporte, ainsi que le dossier envoyé’d’Espagne par

le grand inquisiteur, se trouvent surtout dans la bibliothèque Angelica à Home. On en peut voir le détail dans Narducci, Caialogus codicum manuscriptorum preelet