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BALE (CONCILE DE)


ce n’est pour une cause raisonnai, ! ? qui sera soumise à l’examen des députés de l’assemblée, avec obligation en outre, à ceux dont les raisons auront été trouvées légitimes, de nommer à leur place quelqu’un qui les représente. »

Ces décrets, qui tendaient clairement à proclamer la subordination du pape au concile, étaient rendus par un concile où ne siégeaient encore que quatorze évêques ou abbés ; mais ces quatorze Pères avaient l’opinion pour eux ; les grandes universités d’Europe leur adressèrent des lettres entbousiastes ; le clergé de France et du Daupbiné, réuni à Bourges, dans son Avis au roi (21 février 1432), déclara qu’il fallait maintenir le concile, surtout en raison de l’hérésie hussite ; le roi de France, le roi d’Angleterre, l’empereur lui-même (31 mars 1432), sans compter beaucoup d’autres princes, exprimèrent par lettres au concile leurs vœux et leurs sympathies. Bien plus, quelques cardinaux vinrent successivement fortifier le concile de leur présence : Capranica (dont le titre était contesté), Branda de Castiglione, Carillo, Louis d’Aleman, Jean Cervantes, Jean de Rochetaillée.

Enhardi, le concile, dans sa III" session (29 avril 1132), se référant encore une fois aux décrets de Constance, supplie et adjure le pape de retirer l’acte de dissolution et de se rendre à Bàle dans un délai de trois mois, ou de s’y faire représenter par des personnages compétents et munis de pleins pouvoirs : sinon le concile pourvoirait lui-même, aux nécessités de l’Eglise.

Nicolas de Cusa entreprit de présenter à la chrétienté une justification de cet acte dans son traité De concordia catholica libri très, qui porte de graves atteintes au pouvoir pontifical, on pourrait presque dire, par voie de conséquences, à l’institution même de la papauté. Il soutient que le privilège de l’infaillibilité, ayant été donné par le Christ à toute l’Eglise, ne peut appartenir qu’au concile œcuménique, qui, seul, représente toute l'Église, et non au pontife romain qui n’en est qu’un membre ; que les canons d’un concile œcuménique sont obligatoires pour tous les fidèles sans exception ; que les décrets du pape ne le sont qu'à la condition d'être universellement acceptés ; qu’enfin le concile œcuménique est supérieur au pape et a, par suite, le droit de le déposer, non seulement s’il s’attache à une hérésie condamnée, mais encore pour une faute quelconque. Il prétend que les papes les plus éminents ont reconnu la supériorité des conciles généraux.

On commençait donc à tirer les conclusions doctrinales de ce qui, à l’origine, n’avait été qu’un expédient destiné à mettre fin au schisme ; les Pères du concile et leurs théologiens s’engageaient dans une voie qui pouvait conduire au schisme et à l’hérésie. Eugène IV, qui, d’ailleurs, à ce moment, était menacé dans ses propres Etats, crut plus prudent de céder ; mais il ne le fit que fort lentement et par degrés. Il laissa d’abord Césarini reprendre la présidence et les Pères poursuivre leurs négociations avec les hussites. Il négocia lui-même avec le concile, auquel il envoya des plénipotentiaires en août 1132. L’un de ces plénipotentiaires, l’archevêque de 'Parente, prononça un discours fort important au point de vue doctrinal sur les droits et les pouvoirs du souverain pontife, où il dit entre autres choses que si tolus mundtts sententiaret in aliquo negotio contra papam… papa-, sententise standum esset. (Voir le texte entier de ce discours dans Mansi, t. xxix, col. 482-492.) Les Pères, mécontents de ce discours, et poussés par le cardinal Capranica, répondirent par un exposé complet de la théorie conciliaire, où l’on voit qu’ils tenaient les décrets de Constance pour une véritable définition de foi ; ils affirmèrent catégoriquement la Supériorité du concile sur le pape, dont ils faisaient seulement le rupni ministeriale de l'Église ; ils déclarèrent enfin qn’iN ne toléreraient pas l’anéantissement des principes posés à Constance.

Les négociations se poursuivirent cependant. Vingt fois, les prétentions du concile furent sur le point de les faire échouer ; ainsi, dès janvier 1433 (Xe session), les promoteurs du synode demandaient que le pape fût déclaré opiniâtre. Si elles aboutirent, ce fut grâce à Sigismond qui, présent à Rome, y reçut la couronne impériale le 31 mai 1433. Ne pouvant taire accepter Bologne comme lieu de réunion du concile, Eugène IV accorda qu’il se tint dans une ville allemande, puis, après de longues résistances, à Bàle même ; il essaya aussi de sauvegarder son autorité par le choix même des termes dont il se servit pour autoriser la célébration du concile. Mais surtout, il maintint énergiquement les principes. En mars 1433, ses nonces déclarèrent au concile que le pape ne reconnaît pas déjuge sur la terre et osèrent même dire que le décret Frequcns du concile de Constance avait été tacitement abrogé par l’Eglise. De son côté, le concile maintint toutes ses positions : le 27 avril 1433, dans sa XI" session, il rendit huit décrets analogues à ceux qui avaient été portés à Constance (IIIe, IVe, V", XXXIXe sessions), fortifiant ses décrets antérieurs, et y ajoutant qu’après quatre mois, si le pape, appelé au concile, refuse de s’y rendre ou de s’y faire représenter, le pouvoir passe du pape au concile ; puis deux autres mois écoulés, le concile peut en venir aux mesures de rigueur et même à la déposition.

En juillet, le concile parut sur le point de commencer le procès du pape. Il fixa un délai de soixante jours, au bout duquel le pouvoir pontifical serait suspendu. En même temps, il rétablit les élections canoniques (XIIe session). Eugène IV annula ces actes par la bulle 7n arcano.

Le délai expiré, l’empereur s’opposa au procès et le pape, de son côté, fit de nouvelles concessions. Le 1 er août 1433, il autorisait la continuation du concile par la bulle Dudum sacrum (l re forme) ; mais certaines expressions déplurent et le concile ne se tint pas encore pour satisfait. L’invasion des Etats pontificaux par les mercenaires du duc de Milan, Philippe-Marie Visconti, amena le pape à capituler devant le concile. Le 15 décembre 1433, par la bulle Dudum sacrum (2* forme), il retira purement et simplement son décret de dissolution, reconnut que le concile s'était légitimement poursuivi depuis ce décret et en autorisa la continuation : Verum cum ex dicta dissolutione graves ortae sint dissensiones et graviores oriri possint… DECEIiNlMUS ET DECLARAàfUS (c'étaient les expressions réclamées par le concile) prmfatum générale concilium Basilcense a tempore priedictse inclioalionis suse légitime coutinuatum fuisse et esse, ipsum sacrum concilium Basilcense PURE, SIMPLIi 1 1e ii, el cum effectu ac omni devolione et j avore prosequimuret prosequi intendimus… et quidquid per nos aut noslro nomme in prmjudicium preedicti sacri concilii liasileensis, seu contra ejus auctorilatem, factum et intentatum, seu effectumest, CASSAMVS, REVOCAMVS, etc. Eugène IV retirait expressément la bulle In arcano du 13 septembre. C'était bien, on le voit, une capitulation devant le concile ; mais elle n’impliquait pas, nous le prouverons plus loin, l’approbation de la doctrine conciliaire ; il suffit, pour s’en convaincre, de lire les termes mêmes que nous venons de rapporter.

Le 5 février 1134, au cours de sa XVI session, le concile déclara que le pape Eugène ayant pleinement satisfait aux monilions, citations et réquisitions de l’assemblée, il abandonnait les procédures commencées contre lui, acceptait ses bulles et proclamait la paix. Cette paix fut peut-être sincère de la part du concile ; en tout cas, (die ne fut pas généreuse, car il abusa sur-le-champ de sa victoire.

Le 24 avril 1434, il exigea des légats d’Eugène IV, qu’il avait acceptés comme présidents du concile, qu’ils reconnussent propriis nominibus (ce ne fut donc pas au nom du pape) les principes déjà proclamés par lui :