Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/660

Cette page n’a pas encore été corrigée
1307
1308
CAIMO — CAINITES

l’auteur qui mourut en 1496. On conservait à la bibliothèque du couvent de Saint-François à Padoue deux manuscrits du P. Barthélémy : Tractatus de probationibus articulorum fidei sive interrogatorium, et De probatione Christi.

Argelati, Bibliotheca script. Mediolanensium, Milan, 1745, t. i b, col. 257 ; Sbaralea, Supplem. et castigatio ad script. ord. minorum, Rome, 1806 ; Hain, Repertorium bibliographicum, Stuttgart, 1826, n. 2475-2489, Coppinger, n. 2476.

P. Édouard d’Alençon.

CAINITES, hérétiques du iie siècle, dont le nom est diversement orthographié par les écrivains ecclésiastiques. On trouve, en effet, Καιανισταί, dans Clément d’Alexandrie, Strom., vii, 17, P. G., t. ix, col. 553 ; Kaivoi, dans les Philosophumena, VIII, vii, 20, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 422 ; Théodoret, Hseret. fab., i, 15, P. G., t. i.xxxiii, col. 368 ; Καιανοί, dans S. Épiphane, Hser., xxxviii, 1, P. G., t. xli, col. 656 ; Origène, Cont. Cels., ni, 13, P. G., t. xi, col. 936 ; Cainiani, dans le Prsedestinatus, 18, P. L., t. LUI, col. 592 ; Caiani, dans Philastrius, Huer., 2, P. L., t. XII, col. 1115 ; S. Augustin, Hser., 18, P. L., t. xlii, col. 29. Tertullien, De prsescriptionibus, 33, P. L., t. il, col. 46, traite une secte nicolaïte de caiana hieresis, ~mais sans y insister. Ailleurs, il appelle Quintilla une vipère de caiana hseresi, De bapt., 1, P. L., t. i, col. 1192, en spécifiant qu’elle était un adversaire du baptême, parce que l’eau matérielle, incapable de laver l’homme de ses impuretés physiques, était à plus forte raison impuissante, même à l’aide de formules spéciales, pour le purilier de sa souillure spirituelle ; d’autant plus que le baptême n’était qu’une institution de saint Jean, que Jésus ne conféra pas à ses apôtres le baptême d’eau, que le seul apôtre baptisé, saint Paul, ne baptisait pas lui-même et que le principe de la justification était la foi et nullement le baptême. De bapt., 10-19, ibid., col. 1210-1222. Ce n’est pas de cette hérésie anti-baptismale qu’il s’agit ici, mais d’une hérésie nettement antinomiste qui, parmi les nombreuses sectes enfantées par la gnose de Valentin, de Marcion et surtout de Carpocrate, chercha à formuler en corps de doctrine et à systématiser son opposition violente au judaïsme, en prenant Caïn comme un ancêtre et comme un modèle. On voit que déjà, du temps des apôtres, s’étaient manifestées certaines tendances qui, regardant la Loi comme une occasion de chute et exaltant la foi comme seule cause de justification et de salut, ne tendaient à rien moins qu’à émanciper la chair et à débrider tous les instincts sexuels. Saint Jude stigmatisait les hommes sensuels de son temps qui n’obéissaient qu’aux instincts de la bête, souillaient leur corps, faisaient servir la grâce à la luxure et marchaient dans les voies de Caïn ; et saint Jean disait de ces amis de la fornication qu’ils connaissaient les profondeurs de Satan. Voir Antinomisme, t. i, col. 1391. Mais à peine l’âge apostolique tut-il passé que, grâce au mouvement gnostique, des théoriciens de l’immoralité se rencontrèrent pour donner à leurs débordements l’apparence d’un système rationnel et lié. Par une réaction violente contre le Dieu de la Bible, le judaïsme et la loi mosaïque, ils cherchèrent, dans certains milieux, à justifier tous les excès comme autant d’actes méritoires et salutaires. A leurs y’ux, Jéhovah n’était qu’un être inférieur, de connaissant et de pouvoir limités, en révolte contre le Principe suprême, le Dieu bon, exerçant sur le monde, dont il’tait le démiurge, une tyrannie intolérable, l’ennemi tout à la lois de Dieu et du genre humain. En conséquence il fallait reconnaître l’autorité supérieure du Dieu bon, ami de l’homme, et retourner à lui en condamnant l’œuvre du démiurge. Or, le meilleur moyen n’était-il pas de venger la mémoire de tous les maudits de l’Ancien Testament, de les tenir pour des héros, de les vénérer comme des saints, de les proclamer les seuls

fils authentiques du Très-Haut, trop longtemps méconnus et trop maltraités par Jéhovah ? S. Irénée, Cont. hser., 1, 31, n. 1, 2, P. G., t. vii, col. 704, 705 ; S. Épiphane, Hser., xxxviii, 1, P. G., t. xli, col. 653-656.

En effet, Σοφία est le nom du Dieu bon ; ὕστερα, le nom du Dieu des Juifs. C’est de σοφία qu’Eve conçut Caïn, tandis qu’elle n’obtint Abel que d’ὕστερα. S. Épiphane, loc. cit., 2, col. 657. Mais Caïn en tuant Abel prouva la supériorité du principe dont il descendait et ouvrit la marche à suivre contre ὕστερα et ceux de sa race. Sans doute le démiurge essaya de se venger sur Cham, Dathan, Coré, Abiron et les Sodomites ; mais ces prétendues victimes étaient en réalité soustraites à ses coups par la protection du Dieu bon, qui les rappelait à lui et qui envoya le Sauveur du monde. Il est vrai que le démiurge s’employa à taire échouer l’œuvre rédemptrice, mais il ne put y parvenir ; car Judas, plus habile et plus fort parce qu’il était de la race de σοφία, sut déjouer ses manœuvres. En livrant Jésus, en assurant sa condamnation et son supplice, il procura tout à la fois le triomphe du Dieu bon et le salut du genre humain. Son intervention, couronnée de succès, était l’acte le plus méritoire qui fût et lui valut des honneurs exceptionnels de la part des Caïnites. Judas, en effet, était dans la tradition vraie ; il possédait le secret de la gnose libératrice ; il était l’héritier fidèle de l’enseignement secret confié, dès l’origine, à Caïn. Pseudo-Tertullien, Prsescript., 47, P. L., t. il, col. 65 ; Philastrius, Hser., 34, P. L., t. XII, col. 1150. Quant au Sauveur, une fois qu’il eut expiré sur la croix, il visita les enfers, en délivra les âmes des justes, c’est-à-dire l’âme de tous les damnés de l’Ancien Testament, y laissa Abel, Abraham et les patriarches, Moïse et les prophètes, c’est-à-dire tous ceux qui composaient la race du démiurge.

C’est ainsi que finirent par prendre corps certaines idées émises par Cérinthe, Cerdon et Marcion, d’une part, par Carpocrate, Epiphane, Valentin, Basilide et Isidore, d’autre part. Cette méconnaissance de l’enseignement biblique, cette haine farouche du judaïsme, cette audacieuse déformation du christianisme, étaient le fruit d’une sorte de surenchère entre gnostiques dépravés, qui en étaient venus, quelques-uns du moins, à invoquer un ange spécial dans l’accomplissement de chacun de leurs actes immoraux. S. Irénée, Cont. hser., i, 31, 2, P. G., t. vii, col. 705. Comme on le prévoit, la théorie n’était qu’un prétexte, le but était surtout d’ordre pratique ; il s’agissait essentiellement de libérer les instincts dépravés, de légitimer la corruption, ou, mieux encore, de la consacrer comme un devoir religieux, en lui donnant la rigueur logique d’un système scientifiquement organisé. En conséqence les caïnites ne manquèrent pas de faire appel à l’autorité de la tradition et du témoignage écrit. Naturellement ils firent de Caïn le premier et authentique dépositaire de la vérité révélée, le seul à qui le Dieu suprême eût confié, dès l’origine, la connaissance parfaite, la vraie gnose, c’est-à-dire le secret du salut. Et ce dépôt précieux, transmis durant le cours des siècles, avait abouti à Judas. Us avaient attaqué la Bible, ils répudièrent l’Évangile ; mais, à la place, ils se servirent d’apocryphes, tels que l’Evangile de Judas, l’Ascension de Paul, àvaSatcxéç, et un autre, dont le titre n’est pas signalé, où se lisait la plus abominable et la plus révoltante des doctrines. S. Irénée, Cont. hser., i, 31, 1, P. G., t. vii, col. 704, 705 ; S. Épiphane, Hier., xxxviii, 2, P. G., t. xli, col. 656 ; Théodoret, Hseret. fab., i, 15, P. G., t. lxxxiii, col. 368 ; Fabricius, Codex apocryphus N. T., t. i, p. 943-955.

Une telle doctrine rallia des intelligences déséquilibrées, des cœurs pervertis ; elle ne paraît pas cependant avoir dépassé un cercle étroit. Déjà, dès le commencement du ine siècle, fauteur des Philosophumena traite les caïnites comme une quantité négligeable, se contente de les citer à côté des ophites et des noachites, sans