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BULGARIE

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gares à modifier leur costume, de façon qu’on pût facilement les distinguer des papas grecs et arrêter ainsi leur propagande. Peut-être la Porte aurait-elle cédé sans les résistances invincibles de l’exarque, de la presse et du peuple bulgares ; du moins, elle ne donna les bérats qu’avec difficulté et rien que pour un petit nombre de diocèses. La lutte s’engagea surtout dans les éparcliies qui possédaient encore des évêques grecs et dont la majorité de la population était cependant bulgare. Comme le Phanar et la Porte se refusaient à retirer les despotes grecs, l’exarque passa par-dessus cette opposition et, en novembre 1873, de sa propre initiative, il envoyait des évêques bulgares dans ces diocèses, entre autres à Andrinople et à Salonique. Le patriarcat œcuménique adressa une protestation énergique à la Porte, qui exigea le rappel immédiat de ces prélats. L’évéque d’Andrinople se soumit et revint se fixer à Orta-Keuï ; celui de Salonique, qui avait établi sa résidence à Koukouch, résista et se fit catholique avec une bonne partie de ses diocésains.

Les nombreux changements de ministère qui caractérisent cette période de l’histoire turque amenaient des revirements subits de l’opinion soit en faveur des Grecs, soit en faveur des Bulgares. Sous le gouvernement de Réchid pacha, ces derniers obtinrent un synode et un conseil mixte pour régler les all’aires ecclésiastiques, avec résidence à Orta-Keuï ; peu après, ils recevaient des bérats pour les diocèses d’Uskub et d’Ochrida en Macédoine, 1872. Il est vrai que, pendant les troubles de 1876 et 1877, les évêques de ces deux diocèses, ainsi que celui de Vélès, durent se réfugier en Bulgarie et furent ensuite remplacés par des Grecs ; mais le droit des Bulgares n’en avait pas moins été formellement reconnu, et c’est ce droit que la Porte a très justement remis en vigueur au mois d’août 1890. Le nouveau patriarche grec, Joachim II, 1873-1878, désirait une entente, mais une entente qui ne froisserait en rien les décisions du grand concile de 1872 ; de son coté, l’exarque Anthime cherchait un terrain de conciliation, mais de manière à ne pas léser les intérêts de ses fidèles. Il y eut ainsi des pourparlers et des négociations jusqu’en 1876, où les événements politiques portèrent l’attention d’un autre côté. De tous les États subjugués en Europe par les musulmans, la Bulgarie avait été la plus complètement asservie. Plus rapprochée du siège du gouvernement, elle avait dû se plier à la fois sous le joug féodal, politique et religieux, des spahis, des pachas et du clergé phanariote. Certes ! en 1876, le Bulgare professait plus ouvertement son cujte, il n’était plus dépouillé de son bien et privé de sa liberté aussi arbitrairement qu’autrefois, mais sa sécurité, comme sa fortune, dépendaient toujours de l’honnêteté personnelle des pachas ; c’est assez dire que l’une et l’autre étaient fort compromises. Au mois de mai 1876, un mouvement insurrectionnel se produisit aux environs de Philippopoli ; aussitôt le gouvernement turc organisa une répression sanglante. Des villages entiers turent détruits avec leur population, sans distinction d’âge ni de sexe, par les Tcherkesses et les bachibouzouks. Livrés à la férocité de ces brigands, quinze à vingt mille chrétiens au moins périrent dans ce terrible drame. Il s’ensuivit une telle commotion dans les provinces balkaniques, qui étaient toutes travaillées par une lièvre d’indépendance, que la guerre éclata entre la liussie, leur protectrice naturelle, et la Turquie, 1877. La Turquie fui vaincue et contrainte d’accepter, le 3 mars 1878, à San-Stéfano, à 15 kilomètres de Constantinople, un traité onéreux, qui constituait à ses dépens la Grande-Bulgarie. Cette principauté bulgare, soumise encore a la suzeraineté du sultan, s’étendait de la mer Noire aux montagnes de l’Albanie, ei du Danube à la mer Egée, en englobant presque toute la Macédoine. Ce ne fui qu’un rêve. La conférence de Berlin, réunie quelques mois après, 13 juin-13 juillet 1878, révisait et détruisait en partie les décisions de San-Stéfano. Au lieu d’une Grande-Bulgarie, qui comprenait 163965 kilomètres carrés, on eut : une principauté bulgare, qui n’avait que 64390 kilomètres carrés ; une province autonome, la Boumélie orientale, comprise entre les Balkans, le Bhodope et la mer Noire, et placée sous l’autorité d’un gouverneur général chrétien, nommé pour cinq ans par la Porte avec l’assentiment des puissances ; enfin, deux provinces, la Macédoine et une partie de la Thrace, qui firent retour à la Turquie et n’obtinrent d’autres avantages que la stipulation de réformes administratives. L’exarchat bulgare sortit quelque peu diminué du traité de Berlin. En elfet, par suite du concours donné aux armées russes, la Serbie étendait sa juridiction sur la presque totalité des vieilles éparchies phanariotes, dont Nisch et Pirot formaient auparavant le centre sous les noms grécisés de Nyssa et de Nyssava, pendant que la Roumanie, en recevant la Dobroudja, s’incorporait des cantons qui appartenaient en 1870 aux métropoles grecques de Silistrie et de Varna. Durant la guerre russo-turque et les « atrocités bulgares » qui la précédèrent, la position de l’exarque Anthime devint des plus difficiles. Malgré l’animosité et l’hostilité plus ou moins ouverte que lui témoignait le gouvernement turc, il ne cessa un instant d’intercéder pour les victimes. Il se compromit même à ce point que le patriarche arménien-catholique, Mo 1 Hassoun, lui recommanda plus de prudence, afin de ne pas encourir le même sort que le patriarche grec, Grégoire V. « Qu’il en soit plutôt ainsi ! reprit Mo r Anthime. C’est le martyre de Grégoire V qui a fondé l’indépendance de la Grèce. Puisse mon sang obtenir la délivrance de ma patrie ! » Son souhait allait en partie se réaliser. A force d’exciter la Porte contre l’exarque, de lui mettre sous les yeux et de lui rappeler la conduite ambiguë de ce dernier, les Grecs et même quelques Bulgares vendus au patriarcat œcuménique finirent par obtenir la déposition et l’exil de Ma r Anthime dans un coin de l’Asie Mineure. Cet exil se prolongea jusqu’après la guerre russo-turque, où le prince russe Nicolas lui obtint la (acuité de regagner son éparchie de Viddin. Il y resta jusqu’à sa mort, 1888, après avoir pris une grande part dans l’administration des affaires ecclésiastiques de son pays. Le premier exarque une lois déposé, on lui donna comme successeur, le 4 mai 1877, Mb » Joseph, évêque de Loftcha, qui se trouve encore aujourd’hui à la tête de l’Eglise bulgare. Né en 1810 et élève des lazaristes au collège de Bébek, près de Constantinople, le futur exarque alla étudier le droit à Paris. Il devint ensuite fonctionnaire turc, premier secrétaire du synode et du conseil mixte exarchal, moine en 1872, protosyncelle de l’exarchat et administrateur de Pévêché de Viddin. Au mois de février 1876, il était sacré métropolite de Loftcha, puis désigné comme successeur de Ma* Anthime, tout en gardant son premier titre épiscopal. ha suspicion que portail la Porte à tout ce qui était bulgare ne permit pas au nouvel exarque de rejoindre son posle a Orta-Keuï. Fixé à Philippopoli, la capitale de la Boumélie orientale, il dut attendre qu’il plût à Abd-ulllainid II de le rappeler à Constantinople et profila de ce repos lorcé pour établir sa juridiction sur la Bulgarie et sur la Roumélie autonome. La situation de l’Église bulgare dans les provinces qui relevaient encore de la. Poi’te fut des plus critiques pendant cette période. Pas un évêque ne pouvait habiter la Thrace et la Macédoine, les métropolites d’Uskub, de Vélès et d’Ochrida s’étant réfugiés en Bulgarie des le début des troubles et ne se souciant guère de revenir dans leurs diocèses. Leur pouvoir passa naturellement aux évêques grées de l’endroit, pendant que leur absence facilitait la propagande des uniates et des missionnaires protestants. A ces motifs d’Ordre religieux s’en joignait un autre d’ordre politique. Les musulmans qui habitaient la