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BAIUS


V. PROPOSITIONS RELATIVES AU PÉCHÉ.

Nul péché n’est véniel de sa

nature, mais tout péché mé rite la peine éternelle.

20. Nullum est peccatum ex

natura sua veniale, sed omne

peccatum meretur pœnam

œternam. De meritis oper.,

1. II, c. vin ; Baiana, p. 91.

Baius quitte ici le sentiment commun des théologiens catholiques et donne la main à Luther et à Calvin. Dans son apologie, il essaie de se disculper en disant qu’il n’a pas absolument décidé la question, mais qu’il l’a discutée comme plusieurs autres qui restent soumises à la libre controverse ; il invoque l’autorité et l’exemple du saint martyr, Jean Fischer, évêque de Rocliester. Excuse insuffisante en fait ; car si le chapitre où le chancelier de Louvain traite cette matière commence sur le ton de la discussion, il s’achève par une affirmation assez nette, suivant la remarque de Steyært, primo quidem quasi disputative, sed in fine plane assertive. Excuse surtout insuffisante pour le fond ; car, quelques exemples isolés, comme celui de Gerson et de l’évêque de Rochester, ne suffisent pas pour qu’on puisse, sans témérité, les suivre en une opinion réfutée par les autres théologiens, et communément tenue pour fausse ou même dangereuse. De plus, la proposition 20e a, dans la pensée de Baius, une connexion étroite avec la proposition 2e ; son premier et principal argument est, en effet, celui-ci : Toule action vraiment bonne, quelque petite qu’elle soit, est, de sa nature, méritoire de la vie éternelle ; donc tout péché, quelque léger et pelit qu’il soit, est, de sa nature, méritoire de la mort éternelle. Argument qui part d’un principe erroné et qui, sous le rapport de la conclusion, est manifestement sans valeur. Voir S. Thomas, Sum. tlieol., Ia-IIæ , q. lxxxvii, a. 5 ; Bellarmin, De amissione gratix et statu peccati, 1. I, c. vu sq.

46. Ad rationem et defînitio nem peccati non pertinet vo luntarium : nec definitionis

quæstio est, sed causée et originis, utrum omne peccatum

debeat esse voluntarium. De

peccato origin., c. vu ;

Baiana, p. 105.

47. Unde peccatum originis

vere habet rationem peccati

sine ulla ratione ac respectu

ad voluntatem, a qua originem

habuit. Ibid., quant au sens ;

Baiana, p. 135.

48. Peccatum originis est

habituali parvuli voluntate voluntarium, et habitualiter do minatur parvulo, eo quod non

gerit contrarium voluntatis arbitrium. Ibid., quant au sens.

Le volontaire n’entre ni dans

la notion ni dans la définition du péché ; et la question de

savoir si tout péché doit être

volontaire, ne concerne pas sa

définition, mais sa cause et son origine.

Ainsi le péché originel est

un véritable péché, indépen damment de tout égard et de

tout rapport à la volonté dont

il tire son origine.

Le péché originel est volon taire à l’enfant d’une volonté

habituelle, et domine habi tuellement en lui, parce qu’il

n’a point d’acte de volonté contraire.

Dans le chapitre d’où l’on a extrait ces trois propositions, Baius répond à cette objection qu’il se pose au sujet du péché originel : Tout péché devant être volontaire, comment peut-on imputer à l’enfant ce qui n’est pas le fait de sa volonté ? Pour répondre, il commence par mettre en avant le principe énoncé dans la proposition 46e, et le fait suivre de cette comparaison : « Quand en face d’un avorton, on se demande s’il est ou s’il n’est pas un homme, on ne recherche pas s’il tient son origine de Dieu, mais s’il a une âme raisonnable, car c’est là ce qui importe à sa définition ; de même quand il s’agit de savoir si un acte est, de sa nature, péché, on ne doit pas rechercher s’il vient de la volonté ou de quelle volonté il a pu sortir, mais bien si, de sa nature, il est transgression des préceptes divins, ce qui est la définition propre du péché. S’il est tel, d’où qu’il vienne, il est, de sa nature, péché. Que si l’on demande ensuite : à qui faut-il imputer ce péché ? c’est alors qu’on doit rechercher de quelle volonté il est le fait. » L’application du principe est facile pour Baius en ce qui concerne

le péché originel, ou la concupiscence, puisqu’il la regarde comme étant, de sa propre nature, transgression de la loi divine, et par suite péché proprement dit. Ceci posé, il complète ainsi sa réponse : pour qu’on puisse réellement imputer à quelqu’un ce qui est, de sa propre nature, péché, il suffit que cela se trouve et domine en lui soit actuellement, soit habituellement, sans qu’il y ait de sa part acte de volonté contraire. Les apologies du chancelier contiennent des plaintes et des récriminations sur le texte des propositions 46e, 47e et 48e, mais elles ne modifient en rien le fond de la doctrine, et Steyært a eu raison de dire dans son petit commentaire : Habet liane doctrinam, et pleraque etiam verba.

L’erreur est manifeste ; elle tient en partie à la fausse opinion de Baius sur la concupiscence et le péché originel, en partie à une confusion latente entre le péché matériel et le péché formel, ou la matière et l’acte du péché. Le péché proprement dit, le péché formel, suppose essentiellement l’advertance de la part de l’intelligence et le consentement de la part de la volonté ; sans quoi, il n’y a vraiment pas de transgression de la loi, comme le remarque fort bien le cardinal Bellarmin, en expliquant la définition du péché. De amissione gratiæ, 1. I, c. i. Si le péché est actuel, le volontaire affecte l’acte même ; s’il est habituel, il se tire de la relation d’ordre moral qui existe entre l’état de péché et l’acte coupable qui a précédé, et cette relation n’est pas moins essentielle à la notion du péché habituel qu’elle ne l’est à celle du péché actuel. Ces principes s’appliquent au péché originel, avec cette particularité que, n’étant pas un péché strictement personnel, il ne requiert pas une relation à la volonté personnelle de chaque individu, mais à la volonté coupable et responsable d’Adam, principe physique et chef moral de tout le genre humain. Diverses, à la vérité, sont les opinions, quand il s’agit de déterminer plus exactement et d’expliquer la nature du volontaire dans le péché originel ; mais il n’en reste pas moins certain et unanimement admis, qu’il faut faire entrer en ligne de compte la volonté pécheresse du premier homme. C’est la doctrine formelle de saint Augustin, par exemple, dans son traité De nuptiis et concupiscentia, 1. II, c. xxviii, P. L., t. xliv, col. 464. C’est la doctrine de saint Thomas, Sum. tlieol., I* II æ, q. lxxxi, a. 1. Et c’est la doctrine des docteurs de Louvain dans leur déclaration de 1586, c. vu : « Ce qu’on appelle péché originel ne serait pas péché, s’il n’était pas volontaire, le volontaire appartenant à la notion et à la définition du péché. Cependant il n’est pas volontaire de par la volonté propre soit habituelle soit actuelle de l’enfant lui-même ; il l’est par la volonté de notre premier père. Mais il est absolument impossible qu’il soit vraiment péché indépendamment de tout égard et de toute relation à la.volonté d’où il tire son origine. Rien ne peut être péché, qu’il ne soit volontaire ; et pour qu’il soit proprement volontaire, il faut qu’il sorte de la volonté et soit au pouvoir de la volonté. » Baiana, p. 171. Cf. Palmieri, op. cit., th. lxxiii, ri. 8, p. 581 sq.

49. Et ex habituali voluntate

dominante fit, ut parvulus de cedens sine regenerationis sa cramento, quando usum ratio nis consecutus erit, actualiter Deum odio habeat, Deum blas phemet et legi Dei repugnet.

Baiana, p. 106.

De cette volonté habituelle

dominante il arrive que l’en fant mourant sans avoir reçu

le sacrement de la régénéra tion, après avoir acquis l’usage do la raison, hait Dieu actuellement, le blasphème et résiste à sa loi.

Cette proposition se relie à la précédente ; elle en fait même partie dans les anciens exemplaires de la bulle Ex omnibus af/lictionibus. On ne la trouve pas dans le texte de Baius ; le rédacteur l’aura prise ailleurs, ou l’aura jointe à la proposition 48e comme un commentaire appliquant à l’enfant qui meurt sans baptême les conséquences de la doctrine de ce théologien sur la concupiscence ; on a déjà vu qu’il la conçoit, non comme