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BOSSUET


ques-unes do vous qu’elles ont été commencées ; et vous les avez rerues avec tant de joie, que ce m’a été une marque qu’elles étaient faites pour vous toutes. « Dos Élévations, S. de Sacj a dit : « Je n’ouvre pas ce livre sans une sorte de frémissement religieux. Bossuet y expose ou plutôt il > chante les dogmes chrétiens dans un style d’une incomparable magnificence. » Et dans les Méditations sur l’Évangile, quel accent de pénétrante sévérité ! I)’autres ouvrages de piété, le Discours sur la vie cachée en Dieu, le Discours sur l’acte d’abandon, les Retraites, parmi lesquelles se distingue la retraite de préparation ù la mort, appartiennent à la vie épiscopale de Bossuet. Nommons aussi le Traité de la concupiscence, composé en 1691, à la prière d’une religieuse de Meaux. Bossuet y passe en revue et y condamne avec une sévérité impitoyable toutes les vanités humaines. On a cru reconnaître au c. xi des exagérations jansénistes. De fait, comme la plupart de ses contemporains, non seulement Pascal, mais même Bourdaloue, Sermon sur la conception de la sainte Vierge, Bossuet voit dans la nature déchue plutôt les ruines faites par le péché que les ressources qu’elle garde encore.

Bossuet datait de Meaux le commentaire des Psaumes qu’il dédiait à son clergé quin 1690), et cette dissertation préliminaire laquelle résume si bien tout ce qui importe à l’intelligence de ces chants sacrés, et en célèbre la beauté avec un enthousiasme vraiment lyrique… Quo loco exclamaverim melius quam Me quondam : spirat adhuc amor ; vivunt Davidicse lyræ, ac sacris hymnis commissi calores sh<e amantis Dei, sive redamantis hominis. Diss. de Psalmis, c. il, n. 20. Bossuet s’exerçait aussi à traduire en vers le Cantique des cantiques, certaines hymnes de l’Église, quelques psaumes ; mais l’instrument lui était rebelle, comme il l’a été à plus d’un grand prosateur. « Ce qu’on aperçoit d’autant plus, dans ce combat inégal d’un ouvrier malhabile contre une forme inaccoutumée, c’est la force de l’émotion qui veut jaillir, c’est la richesse de l’enthousiasme intime, c’est la réalité de cet abandon sans réserve au Dieu adoré… » A. Rébelliau, Bossuet, c. x. C’est à Meaux aussi, et dans ses dernières années, que Bossuet écrivit ses opuscules : Doctrina concilii Tridentini circa dilectionem in sacramento pœnitenlix requisilam ; Dissertatiuncuhe quatuor adversus probabililalem. Son Traité de l’usure avait été composé plus tût.

Amis de l’évêque de Meaux.

Dans sa ville épiséopale,

dans sa maison de campagne de Germigny, Bossuet recevait de nombreux et illustres visiteurs : le dauphin, son ancien élève qui, en 1(390, partait pour sa campagne d’Allemagne ; des princes du sang ; Villars ; Mabillon ; Malebranche ; le peintre Rigaud ; Santeul et Fénelon qui chantèrent tous deux les beautés de Germigny, mais les vers français du futur archevêque ne valent pas les vers latins du chanoine de Saint-Victor. . T ous y rencontrons sa famille, dont la mondaine frivolité ne sut pas respecter les derniers jours du vieillard. Dans l’entourage ecclésiastique du prélat, nous remarquons Le Dieu, le précieux annaliste qui avait été recommande à Bossuet par Mabillon ; l’abbé de Saint-André ; et aussi, hélas ! le théologal Trouvé, qui devait mourir appelant ; l’abbé l’hélippcaux et l’abbé’liossuet. Ni Trouvé, ni Phélippeaux, ni l’abbé Bossuet n’égalaient les Langeron et 1rs Beaumont de Cambrai ; mais Bossuet avait-il au mémo degré que Fénelon le don de discerner les hommes ?

Ami do Rancé, l’évêque do Meaux allait souvent se retremper auprès de l’austère réformateur, liossuet fit dix voyages à la Trappe ; cf. Revue Bossuet ; le I’. Marie-Léon Serrant, L’abbé de Rancé ci Bossuet, 1903 ; et, d’un trait sobre, Le Dieu nous a dépeinl le moine et l’évêque s’entretenant des choses do Dieu, « à la promenade de l’étang ou dans les bois. « 

Lutte avec le chancelier de Pontehartrain.

En

novembre 1702, Bossuet eut à soutenir contre ce pouvoir royal, aimé par lui d’un amour qui n’allait pas sans quelque faiblesse, une lutte à laquelle il ne se fût jamais attendu. Le chancelier de Pontchartrain prétendait soumettre à l’approbation d’un docteur de Sorbonne (Pirot) le manuscrit de l’Instruction contre le Nouveau Testament de Trévoux, et n’en permettre qu’à ce prix l’impression. Le vieil évêque se redressa. « Il est bien extraordinaire, écrivait-il (1 er novembre 1702), que, pour exercer nos fonctions, il nous faille prendre l’attache de M. le chancelier, et achever de mettre l’Église sous le joug. Pour moi, j’y mettrais la tête. Je ne relâcherai rien de ce côté-là, ni ne déshonorerai le ministère dans une occasion où l’intérêt de l’épiscopat se trouve mêlé. » Après deux requêtes à Louis XIV, Bossuet obtint gain de cause, et assura ainsi à ses collègues le droit de publier leurs œuvres sans le visa du pouvoir civil.

Dernière maladie et mort de Bossuet.

Au fort

de la controverse quiétiste, l’évêque de Meaux écrivait à M. de La Broue : « Dieu me donne beaucoup de courage et de santé dans un grand travail et dans un grand âge ; je ne m’en sens point par sa grâce » (18 mai 1697).

Il finit cependant par s’en sentir. Les soins et sa forte constitution avaient triomphé, en 1699, d’un érisypèle : mais au mois d’avril 1703, d’habiles chirurgiens, Maréchal et Tournefort, reconnurent chez lui l’existence de la pierre dont il souffrait depuis longtemps. On n’osa tenter la taille sur un vieillard de soixante-seize ans, que la révélation de son mal et la seule pensée de la terrible opération avaient saisi d’épouvante, et l’on eut recours à des palliatifs.

Durant les mois qui s’écoulèrent d’avril 1703 au

12 avril 1704, date de sa mort, Bossuet continua sa vie de travail et de prière. De Paris où la maladie l’avait trouvé, il tournait vers son diocèse dos regards attentifs. Il écrivait ses trois lettres sur la prophétie d’Isaïe à M. de Valincour, l’ami de Boileau et de Racine ; il achevait sa paraphrase du psaume xxi qu’il regardait comme une préparation à la mort. « Nous lui lûmes dans les commencements de sa maladie presque tout le Nouveau Testament, et plus de soixante fois l’Évangile de saint Jean, entre autres les VIe et xvii c chapitres de cet Évangile, et tous les passages do saint Paul qui excitent le plus la confiance ; » tel est le récit que l’abbé do Saint-André faisait à un prêtre du diocèse de Meaux, l’abbé Ilattingais, qui s’empressa de l’écrire. Bévue Bossuet, juillet 1901, p. 181-186. Cette confiance reposait sur une humilité profonde. « Quelqu’un (l’abbé Le Dieu) lui ayant dit que plusieurs hommes de considération étaient venus pour le voir et lui témoigner la part qu’ils prenaient à ses douleurs et à sa situation sur laquelle l’Église était alarmée avec juste raison, puisqu’il en avait toujours été le défenseur, il lui répondit : Eh, mon Dieu, Monsieur, parlez-moi de mes péchés, prions Dieu qu’il me les /lardonne et qu’il me fosse la grâce de chanter ses miséricordes ; quant à mes douleurs, elles ne sauraient être trop grandes. » Bécil de. l’abbr de Saint-André, dans la Bévue Bossuet, loc. cil.

Bossuet mourut le samedi 12 avril 1701, âgé d’un peu plus de soixante-seize ans et demi. Son oraison funèbre fut prononcée dans la cathédrale de Meaux, le 23 juillet 1701, par le P. de La Rue, jésuite ; et à Borne, au collègedela Propagande, par Alexandre Maffei. Sur le panégyrique romain, voir une note intéressante de l’abbé Le Dieu, dans la Revue Bossuet, octobre 1901. p. 250-252.

III. Jugement sur l’homme, le théologien et l’apologiste. — Il nous reste à apprécier brièvement l’homme, le théologien, l’apologiste.

L’homme.

Nous connaissons l’homme par toute

sa vie. Antoine Arnauld signalai ! la sincérité ic Cette âme toujours prête à suivre la vérité connue ; et d’autre part, chez le plus grand de nos écrivains, quelle absence complète des maladives vanités do l’homme <c lettres !