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BOSSUET

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liélas ! les défiances, les soupçons, la mordante ironie. G Si on fait des mandements, il faudra bien qu’il parle ou que son silence découvre son fond, » écrira-t-il de Bossuet à propos du Cas de conscience. Lettre à l’abbé de Langeron, 4 juin 1703. Et cependant, il continue de voir en lui un docteur ; dans un mandement pour l’acceptation de la bulle Unigenitus (29 juin 1714), il cite un long fragment du sermon sur l’unité de l’Eglise. Au cbevalier de Ramsay, en quête de la vérité religieuse, il recommandait « l’excellent discours de M. de Meaux sur l’histoire universelle » . Histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fénelon, Amsterdam, 1729, p. 168. Cf. E. Griselle, Épisodes de la campagne antiquiétiste, d’après la correspondance de Bossuet, de son frère et de son neveu, in-8°, Mâcon, 1903.

Débals avec les jansénistes.

Le Cas de conscience

évoque le souvenir de la controverse janséniste. Par la lettre aux religieuses de Port-Royal, nous savons déjà ce que Bossuet pensait des cinq propositions ; nous le savons aussi par sa lettre au maréchal de Bellefonds. « Je crois, écrivait-il, que les propositions sont véritablement dans Jansénius, et qu’elles sont l’âme de son livre. Tout ce qu’on a dit au contraire me paraît une pure chicane, et une chose inventée pour éluder le jugement de l’Eglise. » Une année avant sa mort, il relisait d’un bout à l’autre l’Augustinus, et comme quarante ans plus tôt, il y « retrouvait les cinq propositions très nettement, et leurs principes répandus dans tout le livre » . Le Dieu, Mémoires, p. 76 ; Journal, t. i, p. 383. Dans la Gallia orthodoxa, LXXVIII, Bossuet pose, presque d’un ton de défi, la question suivante : Quo enim loco, qua in parte orbis magis quant in Gallia, Innocenta Xaliœque constilutiones de janseniana re majori veneratione susceptæ, aut potiori virtute in exsecutionem deductse sunt ? A l’assemblée du clergé de 1700, où son influence fut considérable, il fit condamner quatre propositions qui représentaient le jansénisme comme un fantôme, et comme vaines et funestes les constitutions pontificales qui avaient prétendu l’atteindre. Lorsqu’en 1702 parut le Cas de conscience qui rouvrait l’ère des querelles jansénistes (satisfait-on par le silence respectueux aux jugements de l’Église sur le fait de Jansénius ?) Bossuet prit feu. Le Dieu, Journal, 1 er janvier 1703. S’il n’intervint pas publiquement, ce fut peut-être par égard pour l’archevêque de Reims qui paraissait favorable à l’affirmative, et pour l’archevêque de Paris dont il ne voulait pas devancer le jugement ; ce fut aussi et surtout dans l’espoir d’amener par des voies douces à une rétractation les quarante docteurs qui avaient opiné pour l’affirmative (et il y amena l’un des plus compromis, Couet, vicaire général de Rouen) ; mais il poussa, il « obligea son métropolitain, à rédiger une instruction pastorale contre le Cas de conscience » . Albert Le Roy, La France et Borne du 1100 à 1115, c. m. A cette même date, sous le poids de la vieillesse et du cruelles infirmités, Bossuet préparait sur l’autorité des jugements ecclésiastiques un ouvrage qui est resté inachevé.

Et cependant, malgré tous ces faits indéniables, les jansénistes se sont souvent réclamés de Bossuet ; ils ont voulu voir en lui un allié, mi protecteur du dehors ; au cours du xixe siècle, des demeurants attardés de Port-Royal ont prétendu maintes fois s’autoriser du grand nom de liossiicl. Certains faits, certaines tendances de l’évéque de Meaux expliquent, sans les justifier, de telles revendications.

L’évéque de Meaux, contemporain des débuts de la controverse janséniste, à un moment où certains théologiens discernaient mal des faits purement personnels les faits dogmatiques, réclamait bien pour les jugements ecclésiastiques qui concernent ces derniers une adhésion intérieure, sincère, sérieuse, mais il ne semble pas avoir jamais appuyé, explicitement du moins, cette adhésion sur un motif de foi. Fénelon, venu plus tard,

approfondit davantage une question qui intéressait chez lui non seulement le théologien, mais aussi l’évéque placé par la providence sur une lrontière qu’infectait le jansénisme. Il présenta l’adhésion aux jugements de l’autorité souveraine touchant les faits dogmatiques, comme un acte de foi qui se fonde sur l’inlaillibilité promise à l’Église. Il allégua l’exemple des conciles qui ont condamné non seulement les hérésies d’Arius et de Nestorius, mais encore les textes d’où ces hérésies étaient tirées. Les jansénistes abusèrent de certaines indécisions du langage de Bossuet, pour tirer à eux un maître qui avait toujours répudié leur erreur.

Ils ont prétendu aussi voir en Bossuet un apologiste des Réflexions morales sur le Nouveau Testament. Bossuet fut bien plutôt, par déférence pour un métropolitain et pour un ami, l’apologiste du cardinal de Noailles accusé par l’auteur du Problème ecclésiastique de s’être contredit en approuvant à Châlons le livre de Quesnel, et en condamnant ensuite à Paris la janséniste Exposition de la foi catholique sur ta grâce et la prédestination, œuvre du neveu de Saint-Cyran, Barcos. L’ordonnance de Noailles, qui figure dans les Œuvres de Bossuet, atteste assez la puissante collaboration qui avait été prêtée à l’archevêque de Paris. Il fallait mettre, autant que possible, Noailles d’accord avec lui-même. Bossuet y travailla, et écrivit un Avertissement pour l’édition des Réflexions morales qui devait paraître en 1699. L’Avertissement demeura dans les cartons de l’illustre auteur ; et c’est seulement en 1710 — six ans après la mort de Bossuet — qu’il parut à Lille, par les soins de Quesnel, sous le titre de Justification des Réflexions sur le Nouveau Testament. Quesnel, en publiant une œuvre antérieure à la condamnation de son livre, prenait insidieusement sa revanche du bref de 1708, et ses précautions contre la bulle qui, en 1713, allait le frapper de nouveau. A lire sans parti pris l’Avertissement, on y découvre un effort sincère pour tirer Noailles d’embarras, en expliquant dans un sens purement mais strictement augustinien les assertions souvent ambiguës de Quesnel. Bossuet « rame de toutes ses forces pour s’empêcher d’être jeté contre recueil » , dirai-je en lui empruntant une saisissante image. Second avertissement aux protestants, n. 10. S’il se plaint, au § 19, de « ces esprits ombrageux, qui croient voir partout un Baius, et qu’on en veut toujours aux vertus morales des païens et des philosophes » , il s’élève plus loin contre une erreur capitale du baianisme qu’il ne peut pas ne pas apercevoir dans l’ouvrage de Quesnel : « On avouera… avec franchise, qu’il y en a (des reflexions) qu’on s’étonne qui aient échappé dans les éditions précédentes, par exemple, celle où il est porté que la grâce d’Adam était due à la nature saine et intègre » (§ 21). Et il ajoute, découvrant le but véritable de son travail : « M. de Paris s’étant si clairement expliqué ailleurs, qu’on ne peut pas le soupçonner d’avoir favorisé cet excès, celle remarque restera pour preuve des paroles qui se dérobent aux yeux les plus attentifs. » N’oublions pas enfin que Bossuet exigeait qu’on mit à la prochaine édition vingt ou vingt-cinq cartons.

L’étude sincère de l’Avertissement, d’autres actes de la vie de Bossuet, nous expliqueront de secrètes affinités qui, salea fuie, rapprochaient l’évéque de Meaux des hommes de Port-Royal. En dogmatique et en morale

— sur la plupart des points qui se discutaient librement dans l’Eglise — il est avec eux. Les preuves abondent. En février 1097, de concert avec Le Tellier, archevêque « le Reims. Noailles, archevêque de Paris, Gui de Sève, évêque d’Arras, et Henri Feydeau de Brou, évéque d’Amiens, liossuet dénonçait au pape Innocent XII l’ouvrage posthume du cardinal Célestin Sfondrate : Nodus prsedestinationis dissolutus. Entre les opinions signalées, et signalées en vain, aux rigueurs pontificales, notons celle qui promet aux enfants morts