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BOSSUET


Meaux avait d’abord lu son discours.jugea qu’au lieu de rompre avec elle, c’est-à-dire rompre avec l’Église romaihe, il suftisait de mettre rompre avec l’Eglise. « Je refusai ce parti, écrit liossuet, comme introduisant une espèce de division entre l’Église romaine et l’Église en général, s Lettre au cardinal d’Estrées, 1 er décembre 1681. On voit, dans la péroraison de ce discours, l’effroi que la seule pensée du schisme inspirait à l’évêque de Meaux. « IViez donc tous ensemble encore une fois que ce qui doit linir, finisse bientôt. Tremblez à l’ombre même de la division… » C’était dans toute la sincérité de son âme que, le 10 novembre 1681, Bossuet écrivait à Dirois : « Je fis hier le sermon de l’assemblée, et j’aurais prêché dans Rome ce que j’y dis avec autant de confiance que dans Paris. » Et douze ans plus tard, il mandera à M me d’Albert : « On n’a pas seulement songé à toucher à mon sermon : de grands cardinaux m’ont écrit que le pape l’avait lu et approuvé. » Germigny, 25 septembre 1693.

Ce n’est point que dans ce discours, on ne rencontre quelquefois un peu d’embarras et d’obscurité. A Rome, par exemple, on eût pu accorder à l’orateur, & que, contre la coutume de tous leurs prédécesseurs, un ou deux souverains pontifes, ou par violence, ou par surprise, » n’ont « pas assez constamment soutenu ou assez pleinement expliqué la doctrine de la foi » ; mais on n’aurait pas donné à cet aveu le même sens, on n’en aurait pas tiré les mêmes conséquences que Bossuet.

Par son sermon sur l’unité de l’Église, par son rôle de modérateur dans la fameuse assemblée, Bossuet (il le dira à Le Dieu) croyait avoir servi Rome très utilement. Il pensait aussi, comme les opportunistes du concile du Vatican, faciliter ainsi le retour des dissidents. Notons cependant une différence : les opposants de 1870 croyaient pour la plupart à l’infaillibilité pontificale dont ils redoutaient la définition ; et Bossuet, quoi qu’on ait prétendu, ne l’a jamais admise. On allègue quelquefois, mais en l’écourtant, une phrase de la Gallia orthodoxa, prania diss., n. 10 ; la voilà tout entière : Abeat ergo quo libuerit Declaratio ; non enim eam, quodsxpe profiteri juvat, tutandam lue suscipimus. Manet inconcussa, et vensuræ omnis expers, prisca illa Parisiensium doetrina… Ce serait donc se méprendre que de signaler, dans une phrase incomplètement citée, le désaveu des doctrines gallicanes. Disons-le toutefois à la gloire de l’évêque de Meaux : tout attaché qu’il était à une erreur dont rien ne put jamais le déprendre, Bossuet savait exposer et défendre contre l’hérésie la notion vraie de l’infaillibilité pontificale. « Peut-on dire sérieusement, demandait-il dans son Avertissement aux prot es tant s sur leur prétendu accomplissement des prophéties, LU, que de croire ou d’espérer avec quelques-uns que Dieu ne permettra pas qu’un pape décide en faveur de l’erreur, ce soit en faire un Dieu, et non pas un homme assisté de Dieu, afin que la vérité soit toujours prêchée dans l’Église par celui qui en doit être la bouche ? » D’autres endroits de Bossuet, on pourrait déduire aussi les doctrines romaines. Ainsi, dans ses Remarques sur l’histoire des conciles, Bossuet reproche à Ellies Du Pin d’affaiblir les fortes expressions par lesquelles le concile d’Éphèse déclarait obéir aux ordres du pape saint Célestin. Je laisse l’évêque vieilli, mais toujours infatigable, relever fis inexcusables omissions du critique téméraire. " S’il y a quelque chose d’essentiel dans l’histoire d’un concile, c’est sans doute la sentence. Celle du concile d’Éphèse fut conçue en ces termes : Nous, contraints par les saints canons et par la lettre de notre saint l’ère et comministre Célestin, en sommes venus par 1 nécessité à cette triste sentence, etc. On voit de quelle importance étaient ces paroles, pour faire voir l’autorité de la lettre du pape, que le concile (ait passer de même rang avec les canons ; mais tout cela est supprimé par notre auteur… Autre chose est de

prononcer une sentence conforme à la lettre du pape, autre chose d’être contraint par la lettre même, ainsi que par les canons, à la prononcer. » C. i, remarques » .

Oraisons funèbres.

Joseph de Maistre qui a dit

du discours sur l’unité de l’Église : « Jamais peut-être le !. dent n’a fait un tour de force égal à celui de ce fameux sermon, d a dit aussi : « Bossuet aurait dû mourir après le sermon sur l’unité, comme Scipion l’Africain après Zama. » L’éloquent penseur oubliait tant d’oeuvres incomparables que l’évêque de Meaux composa après 1681.

Le 1 er septembre 1683, il prononça dans l’abbaye de Saint-Denis l’oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse d’Autriche ; c’est celle, qu’à certaines heures, S. de Sacy croyait préférer à toutes les autres. L’oraison funèbre de la princesse palatine, Anne de Gonzague, fut prononcée le 9 août 1685, dans l’église du Val-de-Grâce : œuvre où respirent une forte doctrine et une onction pénétrante ; œuvre apologétique aussi. D’un bout à l’autre de cette oraison funèbre, derrière les assistants qui rendent à la princesse de suprêmes devoirs, l’évêque de Meaux semble découvrir d’autres auditeurs, foule invisible et anonyme à qui pèse le joug de la foi, et qui n’attend que la fin du règne pour secouer tous les freins.

Bossuet prononça, dans l’église de Saint-Gervais, l’oraison funèbre du chancelier Le Tellier, le 25 janvier 1686. Enfin, la dernière en date des oraisons funèbres, la plus éclatante aussi — Chateaubriand en nomme la première partie un chant d’Homère — l’oraison funèbre du prince de Condé fut prononcée à Notre-Dame de Paris, le 10 mars 1687.

Écrits contre les protestants.

Dans l’oraison funèbre

de Le Tellier, Bossuet, comme la plupart de ses contemporains, comme Antoine Arnauld et Quesnel, eux-mêmes exilés et fugitifs, loue la révocation de l’édit de Nantes ; il fait au chancelier un titre d’honneur de l’avoir signée. Nous savons que longtemps avant d’avoir applaudi à cette déplorable mesure, longtemps même avant de l’avoir prévue, Bossuet avait travaillé d’une manière plus efficace et plus douce à la réunion des dissidents. "L’Histoire des varia/ions des Églises protestantes, les Avertissements et, aux dernières années de sa vieillesse, les Instructions pastorales sur les promesses de l’Église, ont été le fruit de cette grande pensée.

Au jugement de S. de Sacy, l’Histoire des variations est le plus beau des livres français. Bossuet paraît avoir commencé à l’écrire vers 1679 ou 1680 ; il la publia en 1688 ; le moment était favorable. « Au XVII » siècle, la Réforme avait bien oublié » ses « hardiesses primitives » . Les protestants étaient arrivés à envisager, eux aussi, la religion « comme un dépôt objectif de vérités… sorte de trésor extérieur à l’homme, que Dieu avait, une fois pour toutes, livré au monde, et que le monde n’; i.tit qu’à conserver dans son intégrité… Voilà pourquoi, pour les protestants comme pour les catholiques, c’est au xviie siècle, une maxime reçue que celle-ci : perpétuité est marque de vérité, variation, marque d’erreur. Voilà pourquoi tous ils se rallient, plus ou moins entièrement, aux formules brillantes où Vincent de Lérins, commentant saint Paul, avait jadis heureusement exprimé l’immuable identité, à travers le temps et l’espace, de la sainte doctrine » . A. Réhelliau, liossuet liistorien du protestantisme, 1. 1, c. i. Or, dans son Histoire des variations, liossuet démontre aux protestants que, des le commencement, ils ont incessamment change de doctrine. Il « tire son Histoire îles variations des sources protestantes. C’est là son ordinaire et invincible tactique. .. » . G. Lanson, Bossuet. c. i. Contre ceux qui ne veulent voir dans liossuet, avec Sainte-Beuve, qu’un esprit d’exposition logique, oratoire, lyrique, mais et ranger à toute investigation historique, et, avec le personnage