Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/538

Cette page n’a pas encore été corrigée
1063
106
BOSSUET
S

mon et la critiqua historique au xviie siècle, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1899, t. IV, p. 435-457 ; A. Bernus, Richard Simon et son histoire critique du Vieux Testament. La critique biblique au siècle de Louis XIV. Thèse présentée à la faculté de théologie de l’Église libre du canton de Vaud, Laucanne, 1869 ; J. Denis, Critique et controverse ou Richard Simon et Rossuel, Cæn, 1870.

III. L’évêque de Meaux. — Des dernières années de Bossuet où nous avait entraîné le dessein de retracer en une fois la controverse avec Bichard Simon, nous remontons à l’année 1678. L’union du dauphin avec Marie-Christine de Bavière avait été décidée ; relevé de ses fonctions de précepteur, Bossuet, aux approches du mariage, lut choisi comme aumônier de la princesse, qu’il alla recevoir à Fegherseim, à quelques lieues en deçà de Strashourg, avec toute la maison de la nouvelle dauphine. Le 2 mai 1681, il était nommé à l’évêché de Meaux, vacant par la mort de M. de Ligny. Il fut préconisé le 17 novembre de la même année ; le 17 février 1682, il prenait possession de son siège.

I. PARI 1 QUE L’ÉVÈQUE DE MEAUX PREND AUX AFFAI-RES générales du temps. — Bossuet à Meaux remplit avec un zèle et une persévérance infatigables les fonctions de sa charge. Mais avant de retracer cette vie épiscopale si pleine et de nommer les œuvres immortelles qu’il écrivit alors, il faut rappeler un événement auquel l’évêque de Meaux eut une part importante : la déclaration de 1682.

1° La déclaration de 1682. — La question de la régale, débattue entre Innocent XI et Louis XIV, en provoquant la réunion de l’assemblée de 1681, avait été l’occasion de la fameuse déclaration. En vertu de la régale, les rois de France, lorsqu’un évèché était vacant, en percevaient les revenus et nommaient aux bénéfices qui en dépendaient, jusqu’à ce que le nouveau titulaire eût prêté serment de fidélité et fait enregistrer son serment à la Chambre des comptes ; cela s’appelait clore la régale. « C’était, a-t-on dit, une exception au droit commun et une charge qui s’expliquait d’ailleurs, dans certains diocèses, par le souvenir des fondations que les princes y avaient laites, et de la protection qu’ils avaient souvent accordée à des églises privées de leurs chefs contre la violence et la cupidité des nobles. Le IIe concile général de Lyon (1274) avait autorisé la régale dans les évêchés où elle était établie par titre de fondation, ou par une ancienne coutume, et défendu expressément de l’introduire dans ceux où elle n’était pas encore reçue. Un grand nombre d’églises en étaient donc exemptes en France, et notamment celles des provinces de Languedoc, de Guyenne, de Provence et de Dauphine. .. » Ch. Gérin, Recherches historiques sur l’assemblée du clergé de France de 1682, c. I. A la différence de Louis XII et de Henri IV qui déclaraient ne vouloir pas excéder en matière de régale, « les gens du roi soutenaient que la régale était un droit de la couronne, inaliénable et imprescriptible, » Fleury, Introduction au droit ecclésiastique, part. II, c. xviii ; et Louis XIV, entrant de lui-même dans les maximes de ses conseillers, par des déclarations de 1673 et de 1675, étendit la régale à tout le royaume. Tous les archevê-’ques et évêques qui n’avaient pas encore clos la régale en taisant enregistrer leur serment de fidélité, étaient mis en demeure d’accomplir cette formalité dans les six mois. Pavillon, évêque d’Aleth, et Caulet, évêque de Pamiers, opposèrent aux prétentions royales une résistance intrépide. Nous ne retracerons pas les péripéties de la persécution et du schisme qui sévirent dans le diocèse de Pamiers. Le pape avait adressé au roi des brefs sévères ; sous l’influence de l’archevêque de Paris, Harlay, l’assemblée du clergé de 1680 prit parti pour Louis XIV contre Innocent XI ; et une seconde assemblée (la petite assemblée de 1681) prépara celle ou la ques tion de la régale et d’autres questions plus graves encore ail, lient être tranchées d’une manière si contraire aux doctrines du saint-siège.

La nouvelle assemblée — celle qui porte dans l’histoire le nom d’assemblée de 1682 — se réunit au couvent des Grands-Augustins, le 27 octobre 1681. Elle s’ouvrit le dimanche 9 novembre, par la messe solennelle du Saint-Esprit ; et après l’Évangile, Bossuet, député de la province ecclésiastique de Paris, monta en chaire et prononça, ou plutôt lut le sermon sur l’unité de l’Église.

Ce que l’évêque de Meaux pensait du droit de régale, nous le savons par son propre témoignage. « Je ne conviendrais pas aisément, écrit-il à Dirois (29 décembre 1681), que les biens donnés aux églises puissent être tellement sujets à la puissance temporelle, qu’elle les puisse reprendre sous prétexte de certains droits qu’elle voudrait établir, ni que l’Église dans ce cas n’ait pas droit de défendre son autorité. » Il ajoute cependant : « J’avoue que nous ne sommes point dans le cas d’en venir là ; il faut sortir par des voies plus douces d’une aflaire si légère dans le fond. » L’affaire était moins légère que ne l’avance Bossuet. Aux évêques qui, le 6 février 1682, avaient étendu la régale à tout le royaume, et qui avaient essayé de se justifier auprès du pape, Innocent XI répondit par le bref du Il avril de la même année : Illam vero partem litterarum vestrarum non sine animi horrore légère potuimus, in qua dicitis vos jure vestro decedentes illud in regem contulisse ; quasi Ecclesiarum, quse curée vestree commisses fuere, essetis arbitri, non custodes…

On prétendait ne pas se borner à décider, dans le sens de Louis XIV et de ses ministres, les questions de la régale et du schisme de Pamiers — nous ne dirons rien de l’affaire du monastère de Charonne ; dès le 24 novembre 1681, l’assemblée avait été saisie d’un projet de déclaration touchant la puissance ecclésiastique. Sur ce projet aussi, nous savons ce que pensait Bossuet. Il avait une médiocre confiance en ceux qui s’apprêtaient à légiférer. « Vous savez, écrivait-il à Rancé en septembre 1681, ce que c’est que les assemblées du clergé, et quel esprit y domine ordinairement. Je vois certaines dispositions qui me font un peu espérer de celle-ci : mais je n’ose me fixer à mes espérances, et en vérité elles ne sont pas sans beaucoup de crainte. » Il eût voulu écarter toute question relative aux droits du souverain pontife, mais tel n’était point l’avis des meneurs de l’assemblée, lesquels, dit Fleury, dans les iVowveaux opuscules publiés par M. Émery, « crurent nécessaire de traiter-la question de l’autorité du pape. On ne la jugera qu’en temps de division, disaient l’archevêque de Reims, Le Tellier, le chancelier son père, Colbert, et l’archevêque de Paris, Harlay. » Ne pouvant faire obstacle à ce projet, Bossuet demandait que du moins, « dans une matière si grave…, la tradition de l’Église sur ce point fût soigneusement recherchée… Il avait à cœur de gagner du temps… » Floquet, Rossuet précepteur du dauphin et evêque à la cour, c. xiv, p. 557. Repoussé encore, il s’attacha à rendre la déclaration aussi modérée que possible ; un schéma du 4e article, découvert par M. Gérin, qui lui en attribue la rédaction, s’éloigne moins de la doctrine catholique que le projet qui lut adopté. Recherches historiques, etc., c. xi, p. 343. Bossuet défendit fortement, contre Choiseul-Praslin, évêque de Tournai, le dogme de l’indéfectibilité du saint-siège. Voir le récit de cette dispute dans Fénelon, De summi pontificis auctoritale, c. vu. Lui-même nous donne la preuve du soin qu’il avait apporté à ne point atténuer, dans son sermon d’ouverture, au gré des passions schi.smatiques, les droits du pape. Dans ce sermon, il citait le mot de Charlemagne « que quand cette Eglise (l’Église romaine) imposerait un joug à peine supportable, il le faudrait souffrir plutôt que de rompre la communion avec elle » . Or, l’un de ceux à qui l’évêque de