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BOSSUET


face. Dans la seconde partie du Discours, la Suite de la religion, Bossuet avait mis toute sa pensée apologétique, méditée et mûrie depuis la jeunesse. On a cependant dénié ù cette seconde partie sa valeur apologétique. Sans doute, Bossuet qui ne prévoyait pas les futures découvertes de l’égyptologie et de l’assyriologie (et il n’a pas tenu à lui que ces découvertes ne fussent hâtées par l’initiative de Louis XIV ; voir Les empires, c. in) ; Bossuet n’était pas contraint de reculer plus qu’on ne faisait de son temps les origines de l’humanité et d’allonger la chaîne des générations en supposant que, dans le récit biblique, bien des générations avaient été omises. Que sa démonstration de l’authenticité et de la souveraine véracité du Pentateuque ait besoin d’être reprise, qu’elle puisse subir des retouches et des changements qui laissent intactes les thèses fondamentales, on ne le conteste point. Mais toute l’apologétique du Discours sur l’histoire universelle n’est pas dans les trois premiers chapitres de la seconde partie ; elle est aussi dans ces admirables chapitres qui vont du XIX e au xxvr ; qui établissent, par des arguments irréfragables, le caractère pleinement historique des livres du Nouveau Testament ; qui nous proposent, comme des motifs de crédibilité, l’incomparable sainteté de la personne de Jésus-Christ, la transcendance de sa doctrine, la pérennité de son œuvre.

Quant à la troisième partie du Discours, si Bossuet n’a rien dit de l’Inde ni de la Chine, ce n’est pas sans doute qu’il ne connût à tout le moins l’Histoire de la Chine du jésuite Martini. Il n’a fait passer devant nos yeux que l’Egypte, l’Assyrie, la Perse, la Grèce et Borne, parce que son dessein était d’écrire seulement l’histoire des empires qui avaient servi à l’exécution des conseils de Dieu sur la nation juive, et partant à l’avènement et à la ditftision du christianisme. D’ailleurs, à un point de vue qui n’était pas celui de Bossuet, n’a-t-on pas soutenu de nos jours que la véritable histoire universelle, c’est l’histoire des peuples qui ont eu sur les longues séries des générations humaines une action durable et décisive, c’est l’histoire de la Grèce, de Borne, et surtout d’Israël ?

Bossuet à l’Académie française.

Peu de temps

avant d’inaugurer ses fonctions de précepteur, Bossuet entra à l’Académie française. Son discours de réception plus court que ceux d’aujourd’hui, exprime des idées toujours vraies sur la fixité des langues, nécessaire condition de la durée des ouvrages ; il s’achève par une exhortation sublime : « Travaillez sans relâche à vous surpasser tous les jours vous-mêmes, puisque telle est tout ensemble la grandeur et la faiblesse de l’esprit humain, que nous ne pouvons égaler nos propres idées, tant celui qui nous a formés a pris soin de marquer son infinité. »

. 5° Bossuet à la cour. — Bossuet précepteur fut un e’iêque au milieu de la cour, comme l’a dit Massillon, Oraison funèbre du dauphin. Il le fut parmi tous les scandales royaux. Il encourage Louise de La Vallière dans son repentir, dans ses projets de retraite ; et quand tous les liens auront enfin été brisés, lorsque la pénitente s’apprête à faire au Carmel sa solennelle procession (4 juin 1(>7.">), Bossuet prononce ce sermon dont J. de Mai-lie a dit que a jamais homme inassisté (non assisté par le Saint-Esprit) n’a pu s’élever à ces idées ni à ce ton » . Observations critiques sur une édition des lettres de Madame de Sévir/né, dans les Lettres et opuscules inédits, t. ii, p. 451. Il s’elforce de séparer Louis XIV de l’altière rivale qui avait supplanté Louise de La Vallière ; il adresse au roi les lettres les plus courageuses ; et ces le lires, il les avait méditées dans le silence ci dans la prière, craignant que des préoccupations terrestres n’en affaiblissent l’accent et n’en amortissent

l’efficace, o II faudrait être comme un saint Amhroise,

écrivait-il au maréchal de Bellefonds, un vrai homme

de Dieu, un homme de l’autre vie où tout parlât, où les mots fussent des oracles du Saint-Esprit, dont toute la doctrine fût céleste : priez, priez, priez, je vous en conjure. » Lettre du 20 juin 1675. Aussi est-ce en toute vérité que Saint-Simon a dit de Bossuet, parfois calomnié par la légèreté ou par l’envie : « Il parla souvent au monarque avec une liberté digne des premiers siècles et des premiers évëques de l’Église ; il interrompit, plus d’une fois, le cours du désordre ; il y porta tous les coups ; enfin il le fit cesser. » Mémoires, édit. Chéruel, t. xiii, p. 122.

Bossuet n’était pas moins évêque au milieu de la cour, lorsqu’à cette même date de 1675, il rappelait à Louis XIV la détresse des peuples, et l’obligation où était le roi de la soulager (lettre du 10 juillet 1675) ; lorsque, prêchant à Saint-Germain le dimanche de Pâques 1681, il conviait le souverain à suivre l’exemple du Sauveur. « Il faut donc descendre avec lui, quelque grand qu’on soit…, descendre pour compatir, pour écouter de plus près la voix de la misère qui perce le cœur, et lui apporter un soulagement digne d’une si grande puissance. » On a cité souvent, pour l’approuver ou pour la combattre, une assertion de J. de Maistre sur le grand évêque. « Les souffrances du peuple, les erreurs du pouvoir, les dangers de l’État, la publicité des désordres ne lui arrachent jamais un seul cri. » De l’Église gallicane, 1. II, c. xii. Il faudrait reléguer cette phrase parmi d’autres jugements précipités et fautifs qui ont quelquefois échappé à J. de Maistre, si l’on n’aimait mieux adopter l’ingénieuse interprétation que propose M. l’abbé Charles Urbain. « L’illustre publiciste n’accuse pas, comme on l’a dit, l’évêque de Meaux de rester insensible aux misères des pauvres ou aux vices de son temps ; il constate que nul homme ne fut jamais plus maître de lui-même, et ne sut mieux dire ce qu’il fallait, comme il fallait, et quand il fallait. » Sermons choisis de Bossuet, introduction, p. x.

6° Diverses occupations de Bossuet à cette époque.

— A la cour, Bossuet n’interrompait pas l’étude de la théologie et de l’Écriture ; il en fut même un puissant et infatigable promoteur. Des conférences hebdomadaires qui s’ouvrirent le premier dimanche de l’Avent 1675, et qui se succédèrent à Saint-Germain et à Versailles, groupaient autour de lui des ecclésiastiques et des laïques, désireux d’approfondir le texte sacré. C’étaient des théologiens et des érudits comme Daniel lluet, Fénelon, Gallois, Mabillon ; des orientalistes, des rabbins, disait-on : Eusèbe Benaudot, Barthélémy d’Herbelot, les deux frères Veil, juifs de Metz convertis par Bossuet ; c’étaient d’autres encore, La Bruyère, Pellisson, Caton de Court, Nicolas Thoynard. On lisait d’abord un passage de la Bible — c’est par la prophétie d’Isaïe qu’on avait commencé en 1675 — chaque assistant proposait des doutes ou des explications ; Bossuet résumait le débat, et le secrétaire de l’assemblée, du concile, comme on l’avait appelée, Claude Fleurv, tenait la plume sous la dictée du maître. « Durant une dizaine d’années, il couvrit de son écriture line et régulière les grandes marges de la Bible de Vitré que Bossuet prêtait au concile, pour y recueillir les annotations arrêtées en commun. » B. P. de La Broise, Bossuet et la Bible, introduction, p. xxiv.

Controverse protestante.

La controverse protestante

occupe une place capitale dans ces années de préceptorat. De celle époque sont : l’Exposition de la doctrine catholique sur les matières de controverse ; [’Avertissement pour la deuxième édition de cet ouvrage ; la Conférence avec Claude : le Traité de la communion sous les deux espèces, et La tradition défendue sur la matien 1 de la communion sons mie espèce.

Dans [’Exposition publiée en 1671, dont le manuscrit avait circule et avait eu sur la conversion de Tu renne une influence décisive, Bossuet s’attache à