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BONNE FOI


théologiens et consacre par la coutume, que dans ce cas l’Église supplée la juridiction nécessaire. Bien que ce privilège soit directement concédé arx fidèles à raison de leur commune bonne foi, il est loisible au confesseur de s’en servir directement en faveur des pénitents, même sans raison, suivant de graves théologiens, en dehors toutefois du cas de négligence grave ou de scandale. Ces principes ne s’appliquent ni à la bonne foi individuelle de quelques personnes seulement, ni à une bonne foi commune affectant seulement l’étendue de la juridiction sacramentelle, surtout pour les cas réservés sans aucune censure.

5. L’ignorance inconsciente et involontaire des lois ecclésiastiques certainement annulatoires n’empêche point l’effet annulatoire même au for purement interne. Cette conclusion déduite de la nature des lois ecclésiastiques annulatoires est la règle constamment suivie par les Congrégations romaines. Cependant s’il s’agit seulement de lois annulatoires douteusement existantes et ique ce doute soit dubïum juris, l’Église, selon l’enseignement commun, est légitimement présumée ne point vouloir imposer l’effet annulatoire. Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, 2e édit., Paris, 19U0, t. i, n. 253 sq.

6. Les pénalités spirituelles que l’Église ne veut porter que contre une taute grave et même contre une rébellion formelle, comme les censures ecclésiastiques, ne sont pas encourues même au for interne par celui qui les ignore de bonne foi. Ce principe s’applique également aux lois annulatoires simplement pénales, tandis que les lois ecclésiastiques purement annulatoires ou simultanément annulatoires et pénales produisent au for interne leur effet annulatoire même dans le cas d’ignoranccde bonne foi. Bouquillon, o]i. cit., n. 154.

2° Au for externe ecclésiasti<iue. — Le droit canonique, la jurisprudence ecclésiastique et l’interprétation commune des théologiens et des canonistes ont fixé les points suivants : 1. La bonne foi théologique, pour être valable devant les tribunaux ecclésiastiques, doit être prouvée juridiquement. Cependant si le transgresseur, en possession certaine de sa bonne foi, était simplement dans l’impossibilité absolue de la prouver juridiquement, il ne serait point tenu en conscience à l’accomplissement de sa peine, à condition d’éviter tout scandale grave.

2. La bonne foi, même juridiquement prouvée, ne peut empêcher l’effet des lois ecclésiastiques annulatoires.

3. Relativement à la jouissance des biens temporels, le droit ecclésiastique reconnaît à la bonne foi, jointe à la possession tranquille et ininterrompue, trois avantages : a. Dans l’hypothèse d’un doute persévérant sur la personne du véritable propriétaire, le possesseur de lionne foi doit être régulièrement préféré et maintenu en légitime possession. — b. Pendant toute la durée de la bonne foi, le possesseur jouit en conscience des avantages inhérenls au droit de propriété. A la manifestation certaine du légitime propriétaire, le droit naturel oblige le possédant actuel à rendre, avec la chose elle-même, si elle existe encore, les fruits dont la production n’est nullement due à son industrie personnelle. déduction faite toutefois (les dépenses antérieures d’entretien et d’administration. — c. La bonne foi théologique jointe an fait d’une possession tranquille et ininterrompue peut, moyennant certaines conditions, donner un légitime droit de propriété, en vertu de la prescription.

IV. CONSÉQUENCES INDIVIDUELLES ET SOCIALES DE L’iGNOItANCE OV DE L’ERREUR DE BONNE FOI ET OBLIGA-TIONS QUI /’/' i ENT EN HÉSULTER POUR CEUX WXQUELS

incombe le devoir d’instruire. — 1° Conséquences individuelles et sociales de l’ignorance ou de l’erreur <ic bonne foi. — Malgré l’absence de faute morale, l’ignorance inCOD i il Ute des vérités de foi ou des obli gations morales a de très funestes conséquences pour les individus et pour les sociétés. — 1. L’homme devant se diriger lui-même sous la conduite de Dieu, vers la fin surnaturelle qui lui a été assignée, S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ , q. i, a. 2 ; IIa-IIæ , q. ii, a. 3, son plus grand bien, en regard de cette même fin, est tout d’abord la possession intégrale de la vérité qui doit l’y guider sans aucune défaillance. Pour diriger efficacement vers cette fin ses aspirations, ses désirs, ses affections, il doit la connaître, ainsi que les obligations qu’elle impose et les moyens qui doivent l’y acheminer plus sûrement. Plus cette connaissance sera parfaite, plus la marche vers le bonheur éternel sera rendue facile, pourvu toutefois que la volonté ainsi guidée corresponde à la grâce divine en accomplissant ce qui lui est demandé. Or cette lumière directrice, souverain bien de l’homme dans l’ordre surnaturel, peut être très notablement diminuée par toute ignorance ou erreur même involontaire portant sur la fin elle-même, sur les moyens ou sur les obligations imposées. S. Thomas, Contra gent., 1. III, c. CXVIII. Ainsi ignorer involontairement les plus miséricordieuses condescendances de Dieu vis-à-vis de l’humanité, ignorer en particulier la doctrine et les exemples de Jésus-Christ et les secours inappréciables qu’il nous prodigue dans l’infaillible magistère de l’Église, dans sa maternelle direction et dans ses sacrements, quand même cette ignorance ne serait point coupable et ne rendrait point le salut absolument impossible, ce n’en est pas moins une très notable diminution des secours donnés à l’intelligence et à la volonté, par conséquent une très grave difficulté dans la marche vers le bonheur éternel. D’autre part, la diminution dans les croyances positives entraîne souvent des erreurs qui, malgré leur caractère inconscient, peuvent constituer, même pour la foi strictement nécessaire au salut, un très grave péril ou un obstacledifficile à surmonter.

L’histoire du protestantisme le démontre d’une manière évidente. Les nombreuses erreurs dans lesquelles beaucoup de ses adhérents sont tombés depuis trois siècles, ont mis en péril ou même détruit dans un grand nombre d’intelligences la croyance à la divinité de Jésus-Christ et à la divine inspiration des Écritures. Souvent même la foi a été atteinte jusque dans ses dernières racines. La soumission à l’autorité de la parole divine a été, dans beaucoup d’intelligences, remplacée par une disposition absolument contradictoire, une sorte d’habitude de n’admettre qui ce qui agrée à la raison individuelle ou ce qui cadre avec des idées devenues familières et constituant comme une seconde nature. Newman, Discourses to mixed congrégations, Faith and private judgment, p. 195 sq. ; G. Goyau, L’Allemagne religieuse, le protestantisme, Paris, 1898, p. 104 sq. L’ignorance involontaire peut avoir de non moins redoutables conséquences dans l’ordre moral, soit à raison des inestimables secours divins dont elle prive, secours des sacrements et secours de la sage direction de l’Eglise, soit à cause des funestes erreurs auxquelles elle donne un si facile accès. Comme fait particulier, nous nous contenterons île rappeler ici le lamentable sort des lois chrétiennes du mariage dans le protestantisme même de bonne foi.

2. L’ignorance ou l’erreur même involontaire régnant dans beaucoup de membres d’une société, inspirant même son gouvernement, sa législation, sa vie publique, sa conduite habituelle, es ! également très funeste. Nous n’examinons point en tout ceci la pari respective de la bonne foi ni celle du parti pris ou de la haine. Il nous suffit qu’un certain nombre d’intelligences puissent cire dans une bonne foi au moins partielle, pour que la société dans son ensemble y participe de quelque manière.

a. Une telle société cesse d’être pour les individus ce