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BONNE FOI


sition. — b. Il est cependant certain que l’ignorance de bonne foi ne peut jamais porter sur toute la loi naturelle. On doit excepter les premiers principes de la loi naturelle, aussi inamissibles que les premiers principes de l’ordre intellectuel spéculatif. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ , q. xciv, a. 4. On doit encore excepter, du moins en partie, les conclusions immédiatement déduites de ces premiers principes. Considérées en elles-mêmes, ces conclusions ne peuvent être ignorées de bonne foi que par des intelligences insuflisamment développées au point de vue moral ; et, même dans ce cas exceptionnel, une telle ignorance ne peut être de longue durée, principalement dans les milieux où l’instruction chrétienne est communément répandue. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ , q. xciv, a. 4 ; Salmanticenses, Cursus theologia : moralis, tr. XI, c. I, n. 27. — c. Sur quoi peut porter l’ignorance de bonne foi ? Tout d’abord sur ces mêmes conclusions immédiates considérées dans un ensemble de circonstances spéciales qui peuvent voiler à des intelligences inexercées la légitime application des principes. Péril d’erreur qui peut encore être agrandi par le contact incessant d’une société dans laquelle la connaissance dos vérités religieuses et morales a subi une forte dépression. Bouquillon, Theologia moralis fundamenlalis, n. 74. L’ignorance de bonne foi peut particulièrement porter sur les conclusions lointaines déduites des principes premiers par l’intermédiaire des conclusions immédiates. Les théologiens eux-mêmes n’y échappent point entièrement. Le catalogue des opinions théologiques condamnées ou réprouvées par l’autorité de l'Église en est une preuve irréfragable.

2. Les lois divines positives librement établies par Dieu pour diriger l’homme vers sa fin surnaturelle, peuvent parfois être involontairement ignorées, surtout par ceux qui sans aucune faute personnelle, restent entièrement privés de l’enseignement et de la direction de l'Église catholique. Cette ignorance de bonne foi pourra plus facilement porter sur certaines applications ou conclusions particulières que sur le précepte considéré en lui-même.

3. L’obligation grave imposée par certaines lois purement ecclésiastiques peut aussi être ignorée de bonne foi, surtout par des catholiques peu instruits qui croient posséder une exemption suffisante basée sur des raisons personnelles ou sur une appréciation assez commune tlans telle localité, dans telle région ou parmi telle catégorie de personnes. Mais pour ceux qui sont tenus, par leur charge, de connaître et de faire exécuter ces lois, l’ignorance de bonne foi est en principe inadmissible. Dans les cas d’inobservance locale ou régionale de certaines lois ou prescriptions ecclésiastiques, les principes précédemment établis aideront à déterminer la mesure de culpabilité individuelle, qu’il s’agisse de faits anciens consignés dans l’histoire des siècles passés, ou de faits contemporains sur lesquels le prêtre peut être appelé à se prononcer comme confesseur ou comme directeur spirituel.

4. Quant à l’obligation de conscience provenant de lois civiles, l’ignorance involontaire peut, surtout à_ notre époque, se rencontrer assez fréquemment, sinon d’une manière générale, du moins pour beaucoup de cas particuliers.

Plusieurs causes générales peuvent faciliter cette ignorance : la souveraineté populaire souvent comprise comme source suprême de tout droit politique, le préjugé très commun de séparation radicale entre le domaine politique et le domaine de la conscience, les excès notoires du parlementarisme actuel et la déconsidération morale de l’autorité civile privée de son auréole divine et constamment exposée à des attaques dolentes. Gayraud, La crise de la foi, Paris, 1901, .p. 121 sq. Comme causes particulières nous mentionne rons seulement pour la loi des impôts, leur élévation souvent excessive, leur équité très douteuse et l’usage parfois discutable auquel ils peuvent être employés par l'État. Berardi, Praxis confessariorum, o" édit., Fænza 1900, t. ii, n. 413 sq.

/II. EFFETS DE LA DONNE FOI THÉOLOGIQUE. — ° Au,

for interne. — 1. L’ignorance ou erreur d' bonne foi, à raison de l’inadvertance morale dont elle procède, excuse de toute culpabilité grave, sinon de toute culpabilité, ce qui se fait sous son impulsion. S. Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxvi, a. 3. Toutefois, si l’ignorance invincible de la révélation divine excuse de la faute formelle d’infidélité, elle n’empêche point d’autres fautes simplement concomitantes. S. Thomas, Sum. theol., II 1 II*, q. x, a. 1. En même temps qu’elle excuse de toute faute grave, l’ignorance exempte aussi des obligations qui résultent d’une culpabilité morale. Ainsi dans l’hypothèse d’un tort matériel causé sans advertance suffisante, l’obligation de restituer, dépendant nécessairement d’une faute théologique, n’existe point, au moins en principe et antérieurement à toute décision des tribunaux. On sait d’ailleurs que si la faute n'était que vénielle par suite d’une advertance imparfaite, il n’y aurait point, suivant de graves théologiens, obligation certaine, même sub levi, de réparer le grave dommage ainsi causé. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. i, n. 966.

2. La bonne foi théologique ne pouvant par elle-même dispenser des conditions ou dispositions positives absolument nécessaires au salut, ne saurait, à elle seule, garantir la possession de la vie éternelle. Cependant si cette bonne foi est accompagnée d’un loyal effort dans le but d’accomplir, avec l’aide divine, ce que l’on sait être le commandement de la grâce, il est indubitable qu’une telle âme sera finalement conduite par la divine miséricorde aux dispositions indispensablement requises pour participer à l'éternelle vision.

3. L’ignorance ou l’erreur de bonne foi, quels qu’en soient la nature o’u l’objet, ne peut suppléer à ce que le droit divin exige nécessairement pour la validité des sacrements. Pour affirmer avec quelques anciens théologiens que Dieu, dans son ineffable bonté, répare infailliblement les défauts essentiels involontairement occasionnés par le ministre ou par le sujet et qu’il les réparee « produisant directement tout l’effet sacramentel, des preuves certaines de cette divine volonté seraient nécessaires. Or ces preuves nous font défaut. S. Thomas, Sum. theol., III a, q. lxiv, a. 8, ad 2um ; Suarez. De sacramentis, disp. XXVII, sect. m. Cependant s’il n’est point démontré que dans cette circonstance l’effet sacramentel est infailliblement produit par Dieu, il n’est point impossible que la grâce sanctifiante soit extraordinairement communiquée par la libéralité divine. S. Thomas, toc. cit.

4. Ce qui dépend de l’autorité de l'Église, comme l’exercice de la juridiction sacramentelle au tribunal de la pénitence ou la validité du contrat matrimonial entre chrétiens, est nécessairement régi par la volonté de l'Église, telle que nous la manifestent ses propres déclarations et l’enseignement commun des théologiens. Au tribunal de la pénitence, l'Église supplée certainement la juridiction sacramentelle en faveur de la bonne foi commune des fidèles, pourvu que le prêtre possède un titre de juridiction apparemment suffisant, bien qu’entaché de quelque vice secret ignoré des fidèles. Même en l’absence de ce titre, le simple fait de l’erreur de bonne foi, appuyée sur quelque raison apparente et partagée par un grand nombre de fidèles, est encore, selon de nombreux théologiens, une cause suffisante pour que l'Église veuille en réalité conférer ou suppléer la juridiction nécessaire. Pratiquement, le cas se résout en celui de la juridiction probable, probabilitate juris, et bénéficie du principe, communément admis par les