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BAI US


Toutes les actions des infi dèles sont des péchés, et les

vertus des philosophes sont

des vices.

Sans le secours de la grâce

de Dieu, le libre arbitre ne

peut que pécher.

C’est une erreur pélagienne

de dire que le libre arbitre

peut nous faire éviter un seul

péché.

démériter. L’Église l’a solennellement reconnu en proscrivantcomme hérétique la 3e proposition de Jansénius. Corps de doctrine, c. VI, Baiana, p. 169 ; Bellarmin, Refutatio Baii, M. 188 sq. ; De gratia et lib.arb., 1. III, c. iv-vi ; Ripalda, op. cit., disp. VIII, sect. n ; disp. XIV-XVI1 ; Palmieri, De Deo créante, th. lxxx, Rome, 1878.

25. Omnia opéra infïdelium

sunt peecata, et philosophorum

virtutes sunt vitia. De virtut.

impiorum, c. v, viii ; Annot.,

4, 7, in Censur. Sorbon..

27. Liberum arbitrium, sine

gratiae Dei adjutorio, nonnisi ad

peccandum valet. De virtutibus

impiorum, c. viii, tit.

28. Pelagianus est error di cere, quod liberum arbitrium

valet ad ullum peccatum vi tandum. Ibiii., c. viii ; Annot.,

4, in Censur. Sorbon.

Ces propositions se rapportent aux forces du libre arbitre dans l’état de nature tombée. Elles sont doublement importantes : pour la place qu’elles occupent dans la doctrine baianiste et janséniste, et pour les vives controverses auxquelles elles ont donné lieu. Dans ses apologies, Baius les a maintenues et défendues, en exprimant son étonnement de voir proscrire ce qui parait beaucoup plus conforme aux saintes Écritures et aux anciens auteurs. Il fait constamment appel au célèbre texte de l’Apotre, Rom., xiv, 23 : Omne quod non est ex /ide, peccatum est, en l’entendant de la foi qui opère par la charité. Mais il invoque surtout l’autorité de saint Augustin, qui refuse de reconnaître dans les païens de vraies vertus, et déclare péché tout ce qui ne procède pas de la foi ou n’est pas rapporté à Dieu. De civitale Dei, 1. XIX, c. xxv ; Contra duas epistolas pelag., 1. III, c. v ; Contra Julian., 1. IV, c. III, P. L., t. xli, col. 656 ; t. xliv, col. 598, 743 sq.

La pensée de Baius sur les vertus et les actions des infidèles nous est suffisamment connue parce qui en a été dit dans l’exposé général de sa doctrine. Il s’occupe des vertus dont les philosophes païens ont parlé dans leurs livres, sans s’inquiéter d’ailleurs de savoir s’ils ont pratiqué ou non ce qu’ils ont enseigné. Sa thèse, à lui, est plus radicale : ces prétendues vertus des philosophes, celles-là même qu’Aristote a décrites, en leur assignant pour objet les devoirs de l’honnêteté voulus pour eux-mêmes, toutes sans exception ne sont, à proprement parler, que de véritables vices qui damnent. Pourquoi ? Ce n’est pas pour les devoirs de l’honnêteté que les philosophes enseignent ou que les infidèles accomplissent ; c’est pour la fin qui est toujours vicieuse, tant que l’homme ne rapporte pas ses actions à Dieu sous la lumière de la foi et l’empire de la charité ; c’est en ce sens que Baius dit de toute action des infidèles, ipso non recto fine peccatum est. C. v. A cette affirmation se rattache étroitement, dans la pensée decetauteur, la négation de toute grâce dans les infidèles. Il suffit de lire ses remarques sur la 7e proposition censurée par la Sorbonne : « Sans la grâce spéciale de Dieu, le libre arbitre ne peut éviter de pécher ; d’où il s’ensuit que toutes les actions d’un homme purement infidèle sont des péchés. » Les docteurs parisiens avaient déclaré la seconde partie de cette proposition fausse et mal inférée de la première partie, Baius réplique : « Si la Sorbonne avait cru que le secours de la grâce est nécessaire à l’homme, non seulement pour s’abstenir de pécher pendant un temps notable, mais encore pour ne point pécher en chaque action, motif, pensée et mouvement, ainsi que les anciens et vénérables Pères l’ont défini contre Pelage, elle n’aurait pas émis cette censure ; car il est manifeste que ceux qui sont purement infidèles, ne sont aidés de la grâce de Dieu dans aucune de leurs

actions. » Et le docteur lovaniste prouve alors que toutes les actions de ces infidèles sont péché, parce qu’ils ont l’obligation stricte de les rapporter toutes à Dieu et à sa gloire, et qu’ils ne le peuvent faire dans l’état d’aveuglement et d’orgueil où ils sont.

Les propositions 27e et 28e complètent la doctrine de Baius, en montrant ce qu’il pensait du libre arbitre laissé à lui-même dans l’état de nature tombée. Là encore, il importe de connaître ses observations sur une autre proposition censurée par la Sorbonne, la 4e, ainsi formulée : « Le libre arbitre de soi-même ne peut que pécher ; et toute action du libre arbitre abandonné à lui-même est un péché mortel ou véniel. » Cette proposition avait été déclarée hérétique dans toutes ses parties. Que répond Baius ? « La Sorbonne a tort de qualifier cette proposition d’hérétique ; elle est vraiment catholique et pleinement conforme à la doctrine du texte sacré et des saints Pères. » Les arguments invoqués se retrouvent dans le traité De virtutibus impiorum. Ce sont tous les anciens passages dont Calvin s’était déjà servi pour battre en brèche la liberté de l’homme déchu : Liberum arbitrium captivatum nonnisi ad peccandum valet. Neque liberum arbitrium quicquam, nisi ad peccandum valet, si lateat verilatis via. S. Augustin, Contra duas epistolas pelag., 1. III, c. viii ; De spirilu et littera, c. ni, P. L., t. xliv, col. 607, 203. Nemo liabet de suo nisi mendacium et peccatum. Concile d’Orange de 529, can. 22, Denzinger, n. 165. D’où ce commentaire de Baius, qui contient le dernier mot de sa doctrine sur le libre arbitre dans l’état de nature déchue : « Comme la volonté qui n’est pas encore délivrée est toute cupidité, et que la cupidité est un vice, il s’ensuit que tout ce qu’elle opère, elle l’opère sous l’influence de cette cupidité vicieuse, et ainsi elle ne se porte qu’au péché. » De virtutibus impiorum, c. vin. En somme, le libre arbitre n’est de lui-même qu’une puissance viciée, dont le mouvement propre sera nécessairement un mouvement vicieux. Doctrine qui, rapprochée de deux autres assertions de Baius, à savoir que l’infidèle ne reçoit point de grâces et que cependant il reste moralement responsable de ce qu’il fait, est simplement affreuse et ne le cède en rien, pour ce qui est du fond des choses, aux sombres dogmes d’un Calvin. Ce libre arbitre qui ne s’exerce que sur des biens d’ordre temporel, mais de telle sorte qu’alors même il pèche et ne puisse que pécher, qu’est-ce sinon une nécessité inéluctable de faire le mal ?

On ne saurait donc s’étonner que l’Eglise ait proscrit les propositions 25e, 27e et 28 e. Mais quelle est la porlée de la censure ? Non seulement les baianistes et les jansénistes, mais des théologiens de nuances diverses qui croyaient voir en cause l’autorité de saint Augustin, l’ont ou diminuée ou même totalement faussée par des interprétations arbitraires, quand elles ne sont pas chimériques. On en trouve jusqu’à sept, au sujet de la proposition 25, dans le carme Henri de Saint-Ignace, Etliica amoris, loc. cit., p. 153 ; beaucoup sont, par rapport à la pensée de Baius, des contre-sens ; d’autres auraient leur application, s’il s’agissait de montrer en quel sens la proposition serait soutenable, mais ne l’ont pas, quand il s’agit de déterminer ce que l’auteur avait réellement en vue. La même remarque s’applique à la proposition 27* ; il est faux, en particulier, de restreindre les mots sine gratise Dei adjutorio à la grâce habituelle ; Baius entend parler du libre arbitre laisse à ses seules forces. Voir Duchesne, ouv. cité, v éclaircissement. D’autres auteurs, prenant les propositions sans ambages, mais craignant d’accorder que la doctrine ail été atteinte, supposent que la 25e et la 27e font un tout avec les suivantes qui contiennent l’odieuse qualification de pélagianisme et que, par suite, elles participent virtuellement au me vice. Supposition arbitraire et fausse ;

dans les écrits de Baius, comme dan^ la bulle de saint