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BONIFACE VIII

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et le pouvoir directif, si elles ont été inventées après coup par des hommes qui ne comprenaient plus le moyen Age et l’état d’esprit qui prévalait alors, elles répondent cependant à la préoccupation de certains papes de marquer que les princes sont soumis à leur autorité en raison du péché dont ils doivent être déliés, après jugement, comme tous les autres fidèles. Mais nombre de textes pontilicaux ne comportent même point cette distinction. Pendant deux siècles, de Grégoire VII à Boniface VIII, la doctrine théocratique a régi la vie et la politique de l’Église ; elle a été promulguée à maintes reprises par une série de papes, dans des encycliques destinées à l’Église universelle.

Quant à la bulle Unam sanctam en particulier, l’on a épilogue de bien des manières sur le sens précis de ses termes. Une des laçons les plus sûres de l’atteindre est de rapprocher le texte avec les sources dont Bonilace VIII s’est inspiré et dont il s’est approprié les considérations. La métaphore des deux glaives employée par Geoffroy de Vendôme, évêque entre les années 1091 et 1 1 15, a été reprise par saint Bernard dans le De consideratione, 1. IV, c. iii, P. L., t. clxxxii, col. 776, d’où elle a passé dans toute la littérature ecclésiastique pour } devenir un lieu commun sur l’appartenance des deux pouvoirs à l’Église.

Un passage de la bulle Unam sanctam mérite une attention particulière. Un voici le texte : Nam veritate testante spiritualis potestas terrenam potestatem instituere habet, et judicare, si bona non fuerit. Certains esprits ont paru choqués de voir le pape revendiquer le droit d’instituer le pouvoir temporel et se sont efforcés d’interpréter le mot instituere dans le sens d’instruire, informer, redresser, corriger, qui est un sens secondaire mais très légitime du mot latin. Mais tout le contexte de la bulle montre que le pape entend le mot dans le sens d’établir. La chose est mise hors de doute par la source de ce passage qui a pu être également emprunté à son premier auteur Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, c. il, 4, P. L., t. clxxvi, col. 418, ou à Alexandre de Halès qui le répète, Sum. theol., IV a, q. x, m. v, a. 2 : Quanto vita s/iiritualis dignior est quant terrena et spiritus quam corpus^ tanlo spiritualis potestas terrenam sire ssecularem honore ac dignitate prsecedit. Nam spiritualis potestas terrenam potestatem et 1N-STIl’UERE habet UT SIX, et judicare habet si bona non fuerit.

Malgré la solennité de déclarations si souvent réitérées par les papes, les théologiens se sont donné plus tard une grande latitude d’interprétation, soit en raison des manifestations nouvelles des papes qui ont accentué l’indépendance du pouvoir temporel dans sa sphère d’action, soit en alléguant pour une multitude de lettres et d’encycliques pontificales l’absence d’expressions impliquant une volonté absolue de porter une définition. Ce ne sont pas seulement des gallicans comme Baillet qui ont atténué le sens de la bulle Unam sanction, mais Gosselin qui, d’accord avec Fénelon, l’a expliquée dans le sens du pouvoir directif, et divers théologiens ultramontains. C’est en effet la conclusion Porro subisse qui contient l’expresse volonté de définir et séparée du contexte elle s’accommode de bien des adoucissements.

Toutefois la conclusion dite dogmatique étant reliée à la bulle par la conjonction porro, doit être déterminée plus ou moins par les considérations qui la précédent et par la tradition qu’elle résume. Les interprétations les plus favorabb s à l’omnipotence pontificale semblent donc ici les plus exactes, les plus conformes à l’esprit

(les papes du XIII 1’siècle. Si les théologiens adoptent légitimement des interprétations mitigées, dans le sens vague d’une subordination générale du pouvoir spirituel au temporel, ou même si, comme Martens, ils ne font porter la conclusion que sur le pouvoir spirituel, c’est un illustre exemple du départe l’aire dans les documents ponti ficaux entre la pensée personnelle des pontifes, ce que sous l’impression du moment, des circonstances et des applications contingentes, les fidèles et même les papes saisissent dans leur enseignement, et l’alluvion déiinitive dont s’enrichit le dépôt dogmatique.

Ni Benoit XI, ni Clément V n’ont rétracté les principes de la bulle Unam sanctam. Clément V a seulement déclaré que la situation de la France à l’égard du saintsiège demeurait ce qu’elle était auparavant.

I. Sources.

G. Digard, Faucon et Thomas, Les registres de Boniface VIII, Paris, 1884 ; Potthast, Regesta pontifleum, t. ii, n.1923 sq. ; Acta sanctorum, martii t. îv ; Posse, Anatecta Vatieana, Inspruck, 1878, p. 167 sq. ; Kaltenbrunner, Actenstùcke zur Geschichte des Deutschen Reichs unter Rudolf I und Albrecht I, Vienne, 1889 ; v. Pflugk-Harttung, lier Ilalicitm, Stuttgart, 1883 ; Dœllinger, Beitràge zur polit, kirchl. und Kultur Geschichte, Vienne, t. iii, 1882, p. 347 ; les continuateurs de Baronius : Bzovius, Sponde et Raynaldi, Annales ecclesiastici, an. 1294-1303 ; Motinier, Inventaire du trésor du saintsiège sous Boniface VIII dans la Bill, de l’École des chartes, 1882, p. 277 ; 1884, p. 31 ; 1885, p. 16 ; dans Muratori, Rerum italicarum scriptores : Historié florentine de G. Villani, t. xiii, p. 348 ; Histor. eccles. de Ptolémée de Lucques, t. XI, p. 1202 ; Vitse pontifleum romanorum de Bernardus Guido, t. m a, p. 670 ; Historia rerum in ltalia gestarum, t. IX, p. 967 ; Chronicon de Franciscus Pippinus, t. îx, p. 735, peu sur. Clironica Urbevetana, 1291-1304, dans Himmelstern, Eine angebliche u. e. wirkl. Chronik v. Orvieto, Strasbourg, 1882 ; Martinus Oppaviensis, Continuatio Brabantina et continuationes Anglicæ, dans Pertz, t. xxiv, Processus super zelo quem habuit D. Philippus Francise rex in petendo convocari concilium super htrresi imposita D. Boni/acio VIII, dans Abhandlungen d. histor. Classe d. k. bayer. Académie, iii, 3, Munich, 1843. L’Istoria florentina de Dino Corapagni, dont l’authenticité a été contestée à tort par Scheffer-Boichorst, Florentiner-Stinlien, Leipzig, 1874, p. 45 ; Die Chronik des Dino Compagni, Leipzig, 1875, est une source de premier ordre, surtout dans l’édition annotée qu’en a donnée del Lungo, 3 vol., Florence, 1879-1887. Dans Bouquet, Recueil des historiens des Gaules et de la France.’Gailelmus de Nangiaco, Chronicon, t. XX, p. 577 ; dans l’édition de Hamilton, Walteri de Heminghburgh, Chronicon de gestis rerum Angliæ, Londres, 1849, t. il, p. 39 ; Rishangeri chronica, édition de Riley, 1805 ; les pièces du trés< r des chartes de Fiance (J. 478-493, J. 968-909, J J. 29, etc.) sont publiées, du moins les plus intéressantes, dans l’ouvrage gallican de Pierre Dupuy, Histoire du différend entre le pope Boniface VIII et Philippe le Bel roi de France, Paris, 16Ô5. Boutaric, Documents inédits sur Philippe le Bel, dans Notices et Extraits des manuscrits, t. xxii ; G. Picot, Documents relatifs aux États-Généraux et assemblées sous Philippe le Bel, Paris. 1901. Divers textes publiés par Kervyn de Lettenhove, Recherches sur la part que l’ordre de Clteaux et le comte de Flandre prirent à la lutte de Boniface VIII et de Philippe le Bel, Bruxelles, 1853, reproduits dans Limburg-Stirum, Codex diplumalicus Flandrise, Bruges, 1879-1889, complétés dans différentes notes de Funck Brentano, Philippe le Bel et la Flandre, Paris. 1896. Des rapports très intéressants d’ambassadeurs aragonais ont été publiés avec une bonne introduction par Finke, A us den Tagen Bonifaz VIII, Munster, 1902 ; un autre d’un ambassadeur anglais l’a été dans English historical Review, 1902 ; sur les Colonna et les fraticelles il faut consulter les articles des P. Finie et Denille dans Archiv f. I.itteratur u. Kirchengeschiclite, t. n-ni ; Rub ; eus, Bonifacius VIII et fatnilia Gajetanorum, Rome, 1651 ; Dante, contre Boniface, Inf., XIX, 52 ; xxvii, 85 ; Constitutions et décrois de Bonilace dans le Corpus juris canonici ; Raynaldi, an. 1291-1303 ; Mansi, t. xxiv, col. 1131 ; t. xxv, col. 1-123 ; Hardouin, t. vii, col. 1171.

II. TRAVAUX.

L’ouvrage important de ( !. Digard, un des éditeurs du Regeste de Boniface VIII, Philippe le Bel et le saintsiège, Paris (sous presse) ; A. Baillet, Histoire des déni

du pape Boniface VIII avec Philippe ! > Bel, Paris, 1 7 1 si (très hostile au pape) ; Planck, Histoire de lo constitution de la société ecclésiastique chrétienne, 1809, t, v. p. 12-154 (favorable) ; dom Tosti, Storia di Bonifacio Vllle de’suoi tempi, 2 vol., Mont-l lassin, 1846 (très favorable au pape), trad franc, pai Warie-Duclos, 1854 ; Drumann, Geschichte Bonifatius Vlll. Ko berg, 1852 (hostile au pape) ; Edg. Boutaric, La France sous Philippe ! ’/>'</, Paris. 1861 ; Victor Leclerc et Ernes ! Renan, ///, ; taire littéraire de la France au ri v siècle, Paris, 1865 ; cf. une réimpression de Renan, Études sur la politique religieuse du

règne de Philippe le Bel, Pari--, 1899 ; Histoire littéraire de U :