Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/474

Cette page n’a pas encore été corrigée
939
940
BOHÈMES (LES FRÈRES)


leurs principes de vie politique, ils se placèrent en dehors de la société ; de toute façon ils s’interdisaient l’espoir de constituer une Eglise.

Cette doctrine paraît d’abord dans une lettre adressée à Rokytsana et dans un manifeste rendu public, où ils font connaître leur croyance au symbole apostolique et aux sept sacrements, ensuite dans une confession à Georges Podiébrad, où ils exaltent la foi des trois premiers siècles. Au point de vue dogmatique, c’est le salut par la foi. Le symbole apostolique sert de règle et s’impose à la foi des frères. Mais la foi peut être vivante ou morte, selon qu’elle se traduit ou non en bonnes œuvres et en une vie vertueuse, d’après la parole de saint Jacques ; elle fournit l’aliment de l’espérance, d’après l'épître aux Hébreux ; elle s’attache à Dieu par le cœur, compte sur sa grâce ainsi que sur l’accomplissement de ses promesses. Par la pratique de ces trois vertus théologales, l’homme peut mériter le pardon de ses tautes et obtenir la récompense future, en s’appuyant toujours sur le sacrifice expiatoire du Christ. La vie chrétienne, étant ainsi essentiellement constituée, tendait naturellement à supprimer entre Dieu et l’homme tout intermédiaire, celui des prêtres comme celui des sacrements. Et pourtant les frères se gardèrent bien de supprimer le clergé. Visant à établir une Église, ils tinrent à en posséder un. Aussi se préoccupèrent-ils d’avoir des évoques dûment consacrés et des prêtres dûment ordonnés, mais dont la consécration ou l’ordination se rattachât aux origines apostoliques. Seulement, comme les donatistes du IVe siècle, ils firent dépendre la validité des sacrements de la dignité morale de celui qui les conférait, et en conséquence ils décrétèrent l’exclusion de tout prêtre reconnu indigne. De même ils conservèrent l’usage des sacrements. — Le baptême était regardé par eux comme le sacrement nécessaire qui servait d’entrée solennelle et d’admission dans l’Unité ; mais ils ne se contentèrent pas de le conférer aux enfants nés dans l’Unité, ils l’imposèrent encore aux étrangers, ce qui n'était point, prétendaient-ils, une réitération du baptême, attendu qu'à leurs yeux tout baptême était nul, même celui des catholiques. De plus ils exigèrent de la part des parrains l’engagement formel d'élever leurs filleuls dans les principes de la foi et les pratiques de la vie chrétienne, faute de quoi ces derniers ne pourraient pas être promus à un rang supérieur. Aussi, afin de constater si les initiés remplissaient les conditions requises, avaient-ils institué un examen spécial ; et dès que l'épreuve était jugée satisfaisante, ils faisaient administrer la confirmation. Par là les candidats étaient admis à la classe des avancés ou des élus et avaient droit de prendre part désormais à la cène. — La communion passait pour être la réception de Jésus-Christ sous la forme du pain et du vin consacrés. Mais, au début, les frères ne s’expliquèrent pas sur le mode de la présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie. En 1468, ils se contentèrent de déclarer qu’ils s’en tenaient à la lettre de l'Évangile et de l’apôtre saint Paul ; deux ans après, dans une de leurs confessions, ils affirmèrent que le Christ devient présent dans l’hostie dès que le prêtre prononce avec foi les paroles de la consécration, et que tout frère qui communie avec foi reçoit réellement le corps et le sang de Notre-Seigneur ; mais ils n’acceptaient pas l’enseignement catholique de la transsubstantiation. Un siècle plus tard, Lukach précisa que la présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie n'était qu’une figure ; car de même qu’on lit dans l'Évangile que le Christ est la voie, la porte, l’agneau, etc., expressions qu’il faut entendre au sens métaphorique, de même le pain et le vin consacrés figurent simplement le corps et le sang de Jésus-Christ. Dans la suite cette doctrine eucharistique subit de plus en plus l’influence luthérienne. — Il n’en fut pas de même de la doctrine çénitentielle ; car la pénitence était en grand honneur

DICT. DE TIIÉOL. CA.TIIOL.

parmi les frères, à titre de pratique ascétique préparatoire à la rémission des péchés. Les péchés publics étaient soumis à une pénitence publique et déclarés absous par toute la communauté. Les péchés secrets devaient être confessés au prêtre ; mais, même dans ce cas, l’absolution n'était acquise qu’après un acte d’humiliation publique ; le pénitent déjà confessé devait, en effet, en présence des frères, reconnaître sa culpabilité, exprimer son regret, demander pardon et prier Dieu de lui pardonner. — Beaucoup plus sévères que les protestants sur la question matrimoniale, à raison de l’austérité de leurs principes, les frères ne proscrivirent pas le mariage comme tant d’autres sectes de l’antiquité, mais ils le permirent à quiconque ne pouvait pas vivre autrement et gardèrent toutes leurs préférences en faveur de la continence. — Enfin ils n’envisagèrent jamais l’extrême onction comme un sacrement proprement dit, mais seulement comme une cérémonie religieuse, signalée par saint Jacques, propre à satisfaire la piété des mourants.

C’est surtout dans les synodes que s’est manifestée l’activité des frères bohèmes, et dans la partie disciplinaire de ces synodes qu'éclate leur incontestable originalité. Décisions et décrets forment un ensemble de mesures législatives, poussées parfois jusqu'à la minutie, mais qui sont une source de renseignements très précieux pour le moraliste et l’historien. On n’en saurait dire autant de leurs productions littéraires ou théologiques. Mais il est juste de constater qu’ils comptèrent dans leurs rangs beaucoup d'écrivains, dont quelquesuns sont restés célèbres. A côté de commentaires, de traités et d’homélies, il faut signaler leur traduction de la Bible en langue tchèque, leurs manuels d’instruction religieuse sous forme de catéchisme et leur recueil de cantiques, composés par Lukach, Augusla et Blahoslav. Ce recueil a été maintes fois édité depuis 1501, date de son apparition, et s’est continuellement accru jusqu'à l'édition qu’en donna Comène en 1059 ; il a été également traduit en allemand, publié pour la première fois par Michel Weise, en 1531, réédité à plusieurs reprises et complété par Comène, dans son édition de 1661. Bealencjclopàdie, 3e édit., Leipzig, 1897, t. iii, p. 4C8.

Sur les sources, restées manuscrites ou récemment publiées, voir la Realencyclopiidie fur protestantische Théologie und Kircke, 3e édit., Leipzig, 1897, t. iii, p. 445, en tête de l’article Brùder bbhmische. — Sur les travaux qui renferment un exposé complet, voir : Blahoslav, Summa quxdam brevissima collecta de Fratrum origine et actis, 1556 ; Lasicius, De origine et instituas Fratrum libri VII f, Gœttingue, 1508-1599 ; Camerarius, Historica narratio de Fratrum orthodoxorum in Bohetnia, Moravia et Polonia, Francfort, 1025 ; Rudiger, De ecclesiis Fratrum in Bohemia et Moravia historia, Heidelberg, 1605 ; De origine ecclesise Bohemix et eonfessionibus, Heidelberg, 1605 ; Amos Comène, Historia Fratrum bohemorum, Halle, 1702 ; en tête de sa Batio disciplina ordinisque ecclesiaslici in unitate Fratrum bohemorum, Amsterdam, 1660, Se trouve un historique intitulé : Ecclesix slavonicx ab ipsis apostolis fundatse, ab Hieronymo, Cyrillo, Methodio propagalx, Bohema in gente potissimum radicatse et in unitate Fratrum bohemorum fastigiatse, brevis historiola ; Buddée, Principes de lu constitution des frères moraves, dans les œuvres de Zinzendorf, Francfort, 174(1 ; Bost, Histoire de l'Église des frères de Bohême et de Moravie, Genève, 1831 ; Gindely, Geschichte der bôhmisch. Brùder, Prague, 1857-1858 ; Ezerwenka, Geschichte der evangelisch.cn Kirche in Bohmen, Leipzig, 1870 ; De Schweinitz, The history of the Church known as the Unitas Fratrum, BethU’hem, 1885 ; Kirchenlexikon, 2e édit., Fribourgen-Brisgau, 1883, t. H, p. 1334-1339. — Sur quelques points particuliers, consulter : Jafet, Geschichte vom Ursprung der Brûderunitdt, Hernnhut, 1614 ; Bossuet, Histoire des variations, 1. XI ; Jablonski, Historia consensus Sendomiriensis, Berlin, 1731 ; Kœcher, Catechetische Geschichte d. Waldenser, Iéna, 1768 ; Lochner, Ensteh. und erste Schickder Brudergemeinde, Nuremberg, 1832 ; Koppen, Die Kirehenordnung und Disciplin der allen huait. Bruderkachen, Leipzig, 1845 ; Zezrhwilz, Die

II.

30