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BOÈCE DE DACIE — BŒHME
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tombait le 7 mars, l’évêque de Paris, Etienne Ternpier condamnait en synode, solennellement, 219 propositions. Elles étaient extraites pour la plupart des cahiers de divers régents es arts. Longtemps on a ignoré le nom de ces régents. Aujourd’hui la lumière commence à venir. Déjà Siger de Brabant, l’un d’eux, est bien connu. Voir Averroïsme, t. i, col. 2636-2637, et Siger de Brabant. Or un volume de la Sorbonne, Bibl. nat., lat. 16533, fol. 60, à la suite du texte des articles condamnés, porte cette mention : Principalis asserlor islorum arliculorum fuit quidam deviens Betus appellatus. Un signe d’abréviation placé sur l’e de Betus et les recherches d’Hauréau montrent qu’il faut lire Boetius. Une autre copie de la sentence de 1277, Bibl. nat., lat. 4391, fol. 68, qui date probablement de la fin du xine siècle, dit : contra Segerum et Boetium hereticos. Enfin la réfutation des propositions condamnées, composée en 1297 ou 1298 par Raymond Lull, est intitulée en 1311, dans un catalogue de ses œuvres : Liber contra errores Boetii et Sigerii. Bibl. nat., lat. 15450, fol. 80. Mais c’est surtout au P. Mandonnet, dans son excellente et en la plupart des points définitive étude sur Siger de Brabant et l’averroïsme latin au XIIIe siècle, que nous devons le peu que l’histoire est aujourd’hui à même d’affirmer sur le complice philosophique de Siger.

II. Biographie.

Boèce de Dacie ou le Dace est antérieur à l’année 1354 que lui assigne Echard, puisqu’en 1277 il est déjà maître es arts assez ancien pour avoir fait école, et, observe Hauréau, au sujet de sa condamnation, assez jeune aussi cependant : car « les témérités qui ont de telles suites, c’est ordinairement la jeunesse qui les fait commettre » . llist. litt. de la France, t. xxx, p. 272. Il n’est pas docteur en théologie de l’ordre des frères prêcheurs : « Nous possédons un catalogue complet et très précis des maîtres en théologie dominicains dû à Bernard Gui, et Boèce de Dacie n’y paraît pas. » Mandonnet, op. cit., p. ccxl. Il n’est pas dominicain. Il appartient à la faculté des arts, où les dominicains et en général les religieux n’enseignaient pas. Il n’est donc pas religieux non plus. Du reste Peckham nous dit que Siger et lui étaient séculiers. Mandonnet, p. cxvi. Il n’est même ni prêtre, ni théologien, il est simple clerc séculier dans la hiérarchie, et scientifiquement il est exclusivement philosophe. « L’enseignement au temps dont nous parlons était aux mains de l’Église, et par conséquent donné par des clercs. Ceux-ci, après s’être livrés plus ou moins longtemps à la profession des arts libéraux, finissaient toujours, semble-t-il, par arriver à la prêtrise et à l’enseignement de la théologie. Siger et Boèce firent exception à la règle, par suite des événements de 1277 qui brisèrent subitement leur carrière ecclésiastique et ne leur permirent pas d’aller plus loin. Ils durent donc à ces circonstances exceptionnelles de demeurer de simples philosophes. » Mandonnet, p. cccxv. Boèce enseigne à Paris à la faculté des arts. Nous avons dit, dans l’article Averroïsme, t. i, col. 2632-2634, l’agitation qui règne alors dans la grande université parisienne. Boèce, quoique moins inlluent que Siger, est sûrement un des auteurs des troubles par son enseignement, puisque les propositions condamnées sont spécialement indiquées comme soutenues par lui et extraites de ses cahiers. Probablement aussi, ses intrigues entretiennent et augmentent l’agitation, puisqu’il est l’objet de poursuites spéciales avec Siger. Quelle part précise eut-il dans les faits qui compromirent alors l’existence de l’université ? Nous ne le savons pas.

Quoi qu’il en soit, frappé par la condamnation du 7 mars 1277, il ne dut pas se soumettre immédiatement. Prit-il la fuite comme Siger de Brabant et tut-il cité Comme lui à comparaître devant le grand inquisiteur de France ? On l’ignore. Ce qu’on sait, c’est qu’il quitta la France et périt misérablement au delà des monts.

Peckham l’atteste dans un passage que l’on doit appliquer à Siger de Brabant et à Boèce de Dacie : Ncc eam (opinioncm de unitate formée) credimus a religiosis personis, sed ssecularibus quibusdam duxisse originem, cujus duo prsecipui defensores vel forsilan inventores niiserabiliter dicuntur conclusisse dies suos in parlibus transalpinis, cum tamen non essent de illis partibus oriundi. Begistrum epislolarum Joannis Peckham, édit. Martin, t. iii, p. 847, dans Mandonnet, p. cclxx. Siger et Boèce avaient comparu en cour de Rome à la suite de la condamnation. Ils avaient été l’objet d’un procès en règle. Leur doctrine avait été examinée et jugée hérétique. Mais, soit parce qu’à côté d’une philosophie hérétique ils protestaient de leur fidélité à l’Église et à ses dogmes, soit parce qu’ils abjurèrent, ils n’avaient pas été condamnés à mort, ils avaient été soumis à la peine des hérétiques qui abjuraient, c’est-à-dire à la détention perpétuelle. Ils moururent donc en prison, Siger sous le fer d’un fou furieux. Quant aux détails de la mort de Boèce, on les ignore. On sait seulement qu’il n’était plus en 1284.

III. Œuvres. — Elles comprennent un commentaire sur les Topiques d’Aristote (Bib. nat., lat. 16170) et un traité intitulé dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale (lat. 14876) : Commentant magistri Boetii super majus volumen Prisciani et qui n’est autre qu’une grammaire divisée en deux parties, dont la première traite des signes en général, de modis significandi (d’où le nom parfois donné à cette œuvre) et la seconde des parties du discours. Dans le manuscrit 509 de la bibliothèque de Bruges on trouve des questions sur les Premiers et seconds analytiques, et neuf Sopltismata, ou exercices pratiques de sophistique. Le commentaire sur les Topiques renvoie à deux ouvrages, le premier sur la Métaphysique, et le second qu’il désigne sous le nom de Questiones elencliorum ou ars sophistica. Il y avait encore un livre De animalibus auquel l’auteur fait allusion dans sa grammaire. Fit-il d’autres ouvrages ? C’est probable et il est vraisemblable qu’on peut accepter comme de lui la liste suivante des ouvrages attribués par Bernard Gui à un Boetius natione Dacus : Fr. Boetius natione Dacus, scripsit [1°] libros de modis signijicandi. [2°] Item questiones super topica Arislotelis. [3°] Item super librum physicorum questiones. [4°] Item questiones super de celo et mundo. [5°] Item questiones super librum de anima. [6°] Item questiones super de generalione et corruptione. |7°] Item questiones super de sensu et sensato. [8°] Item questiones super de somno et vigilia. [9 » ] llem questiones super de longitudine et brevilalevite. [10°J llem questiones super de memoria et reminiscentia. |11"] Item questiones super de morte et vila. [12°] llem questiones super de plantis et vegetabilibus. [13°j Item librum de elernilate mundi. Deniile, Archiv fur Litt. und KirchengescliiclUe, t. il, p. 230.

On le voit, il se serait donné exclusivement à des questions relatives aux traités d’Aristote. Mais il aurait commenté à peu près toute l’œuvre du Stagyrite. Quant à en faire un traducteur des livres d’Aristote, il y faut renoncer, et les traductions qui lui ont été attribuées sont dues à la plume de l’ancien Boèce, Manlius Severus Boethius. Voir Hauréau et Mandonnet, op. cit.

A. Chollet.

BŒHME Jacques, visionnaire luthérien, surnommé le Philosophe teutonique, fondateur de la secte des bœhmistes. Né en 1575 à Seidenberg en Lusace, il exerça le métier decordonnierà Gorlitz ; dès son enfance il montra une grande exaltation mystique, prétendit avoir eu des extases, et se crut appelé à une mission nouvelle. Il publia en 1612 : Aurora oder die Morgenrolhe im Au f gang, où il prétendait dévoiler sur Dieu et le monde des mystères jusqu’alors impénétrés. Ce livre fut jugé hérétique par le pasteur de Gorlitz, Grégoire Richter, et