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BŒCE — BŒCE DE DACIE


Jourdain, op. cit., etc., que Boèce n’était pas chrétien, du du moins ne l’était que de nom. La Consolation de la philosophie n’est pas du tout une confession de l’écrivain, le miroir fidèle de sa vie morale ; c’est un des très rares échantillons de cette littérature parénétique de l’antiquité, qui tenait dans la vie une place fort importante et qui devait avoir pour Boèce, du fait de son éducation et de ses goûts, un particulier attrait. Il s’en faut pourtant que ce soit, d’une manière absolue, un livre païen ; il est tout empreint au contraire de christianisme. Boèce n’y parle pas de nos dogmes en termes exprès ; mais on sent qu’il les présuppose. Il n’y a rien dans son œuvre qui ne soit conforme à la morale chrétienne, rien dans ses paroles et son ton qui ne trahisse la foi vive et profonde du chrétien. A. Engelbrecht, Die « Consolalio philosophie » des Bœthius ; Beobachtungen ûber den Stil des Autors und die Ueberlieferung seines Werhes, in-8°, Vienne, 1902.

3° Les œuvres scientifiques se bornent à deux traités, l’un en cinq livres Sur la musique, l’autre en deux livres De institutions arithmetica, P. L., t. lxiii, col. 10791300. Cf. édit. Eriedlein, Leipzig, 1867 ; G. Schepss, Zu den mathematisch-musikalischen Werken des Boethius, dans Abhandlungen ans dem Gebiet der klassischen Altertums-Wissenschaft, publiées par W. v. Christ, Munich, 1891, p. 107-113. Boèce avait écrit une Géométrie ; mais l’authenticité de la Géométrie qui porte son nom est des plus suspectes, et la renommée littéraire de Boèce n’y perd rien. D’après Cassiodore, Yar., 1. I, epist. xlv, P. L., t. lxix, col. 539, Boèce avait aussi traduit un ouvrage de Ptolémée sur l’astronomie et un ouvrage d’Archimède sur la mécanique. De ces deux versions, il ne nous est rien resté.

III. Influence.

Très peu d’écrivains se sont survécu dans leurs ouvrages autant que Boèce et ont exercé sur les siècles suivants une influence égale à la sienne. Esprit et méthode, les opuscules de théologie présagent et préparent les travaux des scolastiques ; car, en acceptant le dogme, ils vont, non pas à le comprendre, mais à le prouver aux yeux de la raison ; la foi y cherche l’intelligence, et, d’autre part, les avantages que la philosophie retire de la révélation en ressortent nettement. Telles des définitions théologiques de Boèce, notamment celle de l’éternité, que s’est appropriée saint Thomas, Sum. theol., I*, q. x, a. 1, et plus encore celhs de la nature et de la personne, P. L., t. lxiv, col. 1341, 1312, sont devenues classiques. Pierre Lombard, dans fcûn Livre des Sentences, a emprunté plus d’un texte à Boèce. Dès le ixe et le Xe siècle, témoins les manuscrits, les opuscules qui nous occupent ont trouvé des interprètes. Les commentaires de Gilbert de la Porrée, P. L., t. i.xiv, col. 1254-1412, de Geotl’roy d’Auxerre et de saint Thomas d’Aquin seront dans la suite imprimés. Voir col. 831-835.

Plus générale et plus profonde fut l’influence des ouvrages philosophiques. Boèce est, sans contredit, après Aristote, la plus grande autorité philosophique du moyen âge. Tout ceque le moyen âge. avant la seconde moitié du xii c siècle, avait connu d’Aristote, il l’avait lu dans Boèce ; c’est de l’habile interprète de la logique péripatéticienne que la scolastique a tout reçu, langue et méthode ; c’est l’interprète de Porphyre qui a donné le branle aux longues et ardentes querelles du réalisme et du nominalisme. La vogue et l’influence de la Consolalion en particulier dépassent toute idée. Aucun ouvrage n’a eu pi us de traductions, de commentaires, d’imitations. Jourdain, Commentaires de Guillaume de Conciles ride Nicolas Triveth sur la Consolationde la philosophie de Boèce, Paris, 1861. Leibnitz mémo composa des deux premiers livres un abrégé pour son propre usage. Voir Foucher de Careil, Lettres et opuscule » inédit* de Leibnitz, Paris, 1864, p. 265 sq. Depuis Asser, le maître du roi Alfred, vers la fin du jxe siècle, jusqu’à Murmellius,

dans les premières années du xvie siècle, la Consolation de la philosophie, a été traduite, commentée ou imitée dans la plupart des langues de l’Europe : en anglosaxon par Alfred le Grand ; en provençal, au Xe siècle, par un poète inconnu ; en allemand par le moine Notker, de l’abbaye de Saint-Gall, voir P. Piper, Die Schriften Notker s und seiner S chute, Fribourg-en-Brisgau, 1882, t. I, p. 1-588 ; en français, au xiii c et au xive siècle, par Jean de Meung, Benaud de Louhans, peut-être Charles d’Orléans, et des interprètes anonymes ; en italien, en espagnol, en flamand, par nombre d’interprètes ; en grec, vers le milieu du xive siècle, par un moine de Constantinople, Maxime Planude. La bibliothèque Vaticane en possède aussi une version hébraïque ; de nos jours, M. Octave Cottreau en a publié une traduction française très soignée et très exacte, Paris, 1889. Aux traductions en langue vulgaire, il faut ajouter nombre <le commentaires latins, les uns déjà publiés, les autres encore inédits, et tous en général médiocres. Voir Jourdain, op. cit., p. 28-69. Parmi les imitations, la Consolation de la théologie, que Gerson, réfugié dans les montagnes de la Bavière, écrivit en 1118-1419, mérite le premier rang. Voir Di Giovanni, Severino Boelio /ilosofo e i suoi imitatori, Palerme, 1880.

Les ouvrages scientifiques de Boèce ont également servi, pour leur part, à l’éducation du moyen âge. C’est sur le traité de la Musique principalement qu’Hucbald, au xe siècle, appuie sa théorie de l’harmonie.

If a paru des éditions complètes de Boèce à Venise en 1492, 1499, 1556, à Bàle, en 1546 et 1570. L’édition de Migne, P. L., t. lxiii, col. 537 sq. ; t. lxiv, de toutes la plus complète, contient à la t’ois l’apocryphe et l’authentique.

Gervaise, Histoire de Boèce, Paris, 1715, P. L., t. lxiv, col. 14Il sq. ; G.Baur, De A. M. S. Boethio christianx doctrine assertore, Darmstadt, 1841 ; Suttner, Boethius, der lelzte Rbrner (Progr.), Eichstædt, 1852 ; Fr. Nitzsch, Das System des Boethius und die ihm zugeschrieben theologischen Schriften, Berlin, 1860 ; L. Biraghi, BoetiO fllosofo, teologo, ruartire Calvenzana milanese, Milan, 1805 ; Bourquard, De A. M. S. Boetio christiano viro, pliilosopho ac tlieologo, Paris, 1887 ; G. Bednarz, De universo orationis colore et syntaxi Boethii, Pats /", Brestau, 1883 ; Id., De syntaxi Boethi, Parlicula I’, Striegau, 1892 (Progr.) ; Ebert, Hisl. générale de la littérature du moyen âge en Occident, trad. franc.. Paris, 1883, t. i, p. 516-529 ; Bardenhewer, Les Pères de l’Église, trad. franc., Paris, 1899, t. iii, p.156-164 ; Hurter, Nomenclator, 1903, t. i, col. 459-462.

P. Godet.

2. BOÈCE DE DACIE.

I. Identification. H. Biographie. III. Œuvres.

I. Identification.

Le catalogue des écrivains de l’ordre des frères prêcheurs, dû aux recherches de Bernard Gui, au commencement du xive siècle, cite treize ouvrages de philosophie aristotélicienne composés par un Boetius natione Dacus (cf. Denille, Archiv fur Litt. und Kirchengeschichte, t. il, p. 230) qui, si l’on en croit Jean Meyer, chroniqueur dominicain du xve siècle, aurait été docteur en théologie. Echard, Scriptores ord. prsed., t. I, p. 6MJ, 73’*, le place en 135’t, mais attribue la plupart des ouvrages mentionnés plus haut à un anonyme. Jourdain, Recherches critiques sur les anciennes traductions d’Aristote, p. 57, 400, et Cousin, Journal des savants, 1848, p. 232, voient dans Boèce de Dacie le traducteur des livres Dr Vdme et île La métaphysique d’Aristote cité par saint Thomas d’Aquin. Le premier qui ait réussi à donner quelque chose, sinon de complet — il reste presque tout à découvrir de la vie de notre personnage — du moins île précise ! il certain sur Boèce de Dacie, est Hauréau, Un des hérétiques condamnés à Paris en t277, dans le Journal des savants, 1886, p. 167-183 ; Boetius, maître es arts à Paris, dans Hisl. litt. de la France, 1888, t. xxx, p. 270. On sait (voir AvERROïSME, .t, i, col. 2632-2634) les troubles causés dans l’université de Taris au xiue siècle par l’enseignement averroiste de certains maîtres de la faculté « les arts. L’an 1277, le quatrième dimanche de carême, qui