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BINAGE


pline actuelle. III. Particularités liturgiques de la première messe en cas de binage.

I. Histoire.

A l’origine, on ne célébrait qu’une messe dans chaque église à certains jours de la semaine. La coutume, d’après laquelle tout prêtre offrit chaque jour le saint sacrifice, se répandit dans la chrétienté au cours dis ve et VIe siècles. La piété amena même certains prêtres à célèbre* plusieurs messes privées dans le même jour. Le XIIe concile de Tolède, tenu en l’année 681, blâme fortement les prêtres qui, célébrant plusieurs fois chaque jour, ne communiaient qu'à la dernier i messe. Iiruns, Concilia, 1. 1, p. 326. Walafrid Strabon. De rébus ecclesiaslicis, c. xxi, P. L., t. cxiv, col. 943, nous apprend que le pape saint Léon III, son contemporain, pour satisfaire sa piété ou celle du peuple, dirait le saint sacrifice jusqu'à sept et même neuf fois par jour. Cet historien constate une grande variété de pratiques chez les prêtres de son temps. Tel se contente de célébrer une fois seulement chaque jour ; tel autre croit convenable de réitérer les saints mystères bis, ter vel quoties libet. Walafrid approuve ce dernier usage. D’autre part, au témoignage de Réginon, abbé de Priim († 915), il était reçu partout et en quelque sorte commandé de dire une seconde messe vers l’heure de midi en faveur des étrangers et des pèlerins. De ecclesiaslicis disciplinis, n. 33, P. L., t. cxxxii, col. 187.

D’après Walafrid Slrabon, loc. cit., la coutume de biner résulta de l’usage, introduit dans certaines églises, et notamment à Rome, de célébrer deux ou plusieurs messes solennelles aux jours de grandes fêtes, surtout lorsqu’elles comprenaient une vigile avec messe de nuit. Ainsi, en plusieurs lieux d’Afrique, on disait deux messes au jeudi saint, l’une pour les fidèles qui jeûnaient, l’autre pour ceux qui mangeaient le soir. S. Augustin, Epist., i.iv, ad Januarimn, n. 6-9, P. L., t. xxxiii, col. 202-204. Du temps de saint Grégoire le Grand, Eom.il., viii, in Ev., P. L., t. lxxvi, col. 1103, on célébrait à Rome, à Noël, deux ou même trois messes solennelles. Ii y avait aussi deux messes à Pâques, Mabillon, In ordinem ronianum commentarius prævius, n. 15, dans Musœum italicum, t. ii, p. xcvii, ou P. t., t. lxxviii, col. 906 ; et à la Pentecôte. Sacramentaire grégorien, P. L., t. lxxviii, col. 110 ; cf. col. 391. A la fête de saint Jean-Raptiste, on en disait trois. Amalaire, De eccl. officiis, I. III, c. xxxviii, P. L., t. cv, col. 1157 ; pseudo-Alcuin, De divinis of/iciis, c. xxx, P. L., t. ci, col. 1230. Saint Léon I er, Epist., ix, c. ii, P. L., t. liv, col. 626, rapporte qu'à Rome, il était reçu : ut, cum solemnior quæque festivitas conveittum populi numerosioris imli.rerit, et ea ftdelium multiludo conveneril, quam recipere basilica simul una non possit, sacrificii oblatio indubitanter iteretur. Or, dans ces diverses circonstances, n’y avait-il qu’un seul prêtre qui pût ou voulût célébrer, il se trouvait dans l’obligation de chanter plusieurs messes le même jour. Même en présence d’autres prêtres, l'évêque, ou son remplaçant, célébrait, en ces cas, deux ou trois messes solennelles. Les messes multiples, dites en un seul jour par le même prêtre, étaient des messes solennelles. Cet usage reconnu donna bientôt occasion de dire aussi plusieurs messes privées le même jour.

Quand le nombre des prêtres se fut accru, et que malheureusement la ferveur eut diminué en plusieurs d’entre eux, l'Église, pour empêcher les abus qui se glissaient dans l’usage de la pluralité des messes, fit des lois restrictives. Elles l'étaient cependant beaucoup moins qu’elles ne le furent dans la suite. Mlles n’interdirent d’abord que la célébration de plus de trois messes en un.joui'. Le 39 « des Canones edili sub Edgardo rege Angli<v ('.157-975) (nonce cette prescription : Doceriins etiam ut nullus sacerdos unodie seepius quam ter ad summum misxas celebret. Mansi, Concil., t. xviii, col. 516. Les Leges presbyterorum Norlhumbriæ,

n. 18, Mansi. t. xix, col. 68, ajoutent à cette prescription une peine contre les délinquants. Le concile, tenu à Seligenstadt en 1022. ordonne encore, can. 5, ibid., col. 397. que chaque prêtre in die non amplius quam 1res missas celebrare prsesumat. Plus tard, la restriction s'étendit à une seule messe par jour. Déjà, au vme siècle, Egbert, archevêque d’York (735-771), l’avait imposée à ses prêtres. Excerptiones Egberti, c. lvi, dans Mansi, t. xii, col. 418.

Vers la fin du xie siècle, le pape Alexandre II fit pour l’Eglise entière une prescription identique. « C’est assez pour un prêtre, aftirme-t-il, de célébrer une messe par jour, car le Christ n’est mort qu’une fois, et, par cette unique immolation, a sauvé le monde. Certes, c’est beaucoup déjà que d’oll’rir une fois ce redoutable sacrifice, et très heureux devrait s’estimer celui qui pourrait l’offrir dignement une seule fois. Cependant, quelquesuns, quand ils le croient nécessaire, disent deux messes, l’une pour les défunts, et l’autre de l’office occurrent. Quant à ceux qui, pour l’amour du gain ou pour plaire aux séculiers, ont l’audace de célébrer plusieurs fois par jour, je ne pense pas qu’ils évitent la damnation. » Cette prescription est inscrite au décret de Gratien, part. III, De consecratione, dist. I, c. 53.

Il est à remarquer que le pape condamne seulement ceux qui, par avarice ou par flatterie, célèbrent la messe plusieurs fois par jour. Quant aux autres, qui, mus par un sentiment surnaturel, et dans le but de soulager les défunts, montent plusieurs fois au saint autel, il ne les réprouve pas. Cette coutume paraît donc avoir existé encore à cette époque, avec le consentement au moins tacite de l'Église. Tel est le sentiment de Benoit XIV, dans sa lettre apostolique Declarasli, du 16 mars 1746, n. 7. Benoit XIV, Bultarium, Venise, 1778, t. ii, p. 8.

Ainsi il était permis alors de biner, même les jours ordinaires ; mais cette coutume fut réprouvée au xme siècle. Consulté sur la question utrum presbyter duas missas in eadem die v(deat celebrare, le pape Innocent III répondit, en 1212 : Quod, excepta die Nativitatis dominical, niai causa necessitatis suadeat, sufjic.it sacerdoti semel in die imam missam soliimmodo celebrare. Décrétai.. 1. III, tit. xi.i, De celebralione missaruni, c. 3. La Glose de ce décret a été seule à l’interpréter en ce sens que le pontife n’interdisait pas la réitération de la messe. Mais tous les autres commentateurs l’ont entendu dans le sens prohibitif, qu’exige d’ailleurs le contexte, puisque, autrement, Innocent III n’eût pas introduit de restriction et n’eût pas lait d’exceptions. Cette interdiction fut encore plus formelle lorsque le pape Honorius III déclara officiellement, que nul prêtre, quelle que lût sa dignité, ne pourrait célébrer plusieurs messes par jour, pas même l'évêque au jeudi saint. Décrétai., 1. 111, tit. xli, De celebralione missarum, c. xii.

Cette prescription est dès lors rappelée souvent dans les actes d’une foule de conciles provinciaux de cette époque, par exemple dans le concile de Lambeth en 1204, can. 3, Mansi, t. xxii, col. 752 ; dans celui de Rouen en 1231, llardouin, Collectio maoàma conciliorum, Paris, 1715, t. vii, p. 186 ; dans celui de Nîmes, en 1284, sous le pontificat du pape Martin IV. Labbe, Collectio conciliorum, Paris, 1672, t. xii, p. 1213, etc. Voir aussi Martène, De antiquis Ecclesiæ ritibus, I. I, c. iii, a. 3, n. 18, l. i. p. loi ;. Thomassin, Discipline de l’Eglise, part. III, I. I, c. i.xxii, n. 6, 7, Paris, 1866, t. VI, p. 477 sq. Elle avait pour but de réprimer les nombreux abus, introduits dans la multiplicité des messes par des prêtres cupides.

II. Discipline actuelle.

Le décrel d’innocent XIII, expliqué ou modifié par quelques concessions postérieures des souverains pontifes, règle encore aujourd’hui la pratique du binage ou de la réitération de la