Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/439

Cette page n’a pas encore été corrigée
869
870
BIENS ECCLÉSIASTIQUES
« cote personnelle » , et qui, frappant les individus,

n’est pas tlu domaine de cette étude.

Dans l’intervalle des quinze ans d’une indiction, des circonstances graves pouvaient se présenter qui obligeaient à demander à l’impôt des ressources supplémentaires. Il y avait alors une indiction extraordinaire. Les redores provinciarum répartissaient la contribution totale entre les cités, et les ciu-iales taisaient, dans chaque cit<' la répartition entre les contribuables tenus aux contributions extraordinaires. Mais beaucoup ne payaient que les contributions ordinaires, et l'Église partageait ce privilège avec les nombreux contribuables, dipensés de payer ces « centimes additionnels » du lise romain.

Les contributions sordides (que Thomassin confond à tort avec les extraordinaires, cf. Godefroy, Commentaire du Code tliéod., De extraordinariis sive sordidis muneribus. Paratitlon, t. IV, p. 115, 116) étaient, les unes personnelles, les autres réelles, frappant les personnes comme la corvée d’angaric imposée sur le cbemin du Calvaire à Simon le Cyrénéen, Matth., xxvii, 32 ; ou frappant les fonds, comme l’obligation d’entretenir les roules et les ponts. Même dans le cas de charge réelle, le paiement se traduisait, en dernière analyse, en travaux serviles dont l'Église était dispensée.

Il importe d’ailleurs de remarquer que, sans toucher au principe de l’exemption des contribu lions extraordinaires ou serviles, les empereurs faisaient payer à l'Église telle contribution qu’il leur plaisait. La nécessité ou la fantaisie faisait déclarer ordinaire une contribution considérée jusque-là comme sordide, et par là même le patrimoine ecclésiastique était astreint à la paver. Il suffit pour s’en convaincre de comparer à la loi iO, Cod. théod., XVI, n (année 412), citée plus haut, la loi 7, Cod., I, n (année 423). La première dispense l'Église de l’entretien des chemins et des ponts parce que ce sont des sord’ula mimera, la seconde déclare que ce ne sont pas des sord’ula mimera dont l'Église soit dispensée. Justinien renouvelle, Novelle cxxxi, c. v, l’exemption des contributions extraordinaires ou sordides, mais en notant que les réparations de routes ou de ponts seront exigées.

Tel est le droit commun des biens d’Eglise, dans le dernier état de la législation romaine.

Mais certaines églises sont l’objet d’exemptions plus étendues. Ainsi celle de Thessalonique, L. 8, Cod., I, n ; L. 12, Cod., X, xvi ; celle de Constantinople, Novelle xliii, c. i ; i.ix, proef. ; celle d’Alexandrie, L. 6, Cod. théod., XI,

XXIV.

Au contraire, certains biens, grevés d’un impôt spécial, n’en sont pas dispensés le jour où ils entrent dans le patrimoine (le l'Église. La Novelle XLIII note avec soin que les boutiques de Constantinople appartenant à l'Église son ! frappées comme les autres de la charge supplémentaire destinée à compenser l’exemption des onze cent boutiques privilégiées, dont les revenus servent à pourvoir aux funérailles gratuites. La Novelle xxxvii ne donne à l'Église les biens des ariens qu'à charge de payer les impôts qu’acquittaient les hérétiques. La Novelle cxxxi, c. iv, déclare que les biens des curiales devenus biens d’Eglise restent soumis aux charges antérieures, saufla descriplio lucrativorum (quatre siliques par caput et par an) dont l’empereur fait remise.

Nous en aurons fini avec la période romaine, quand nous aurons constat que l'Église ne fil aucune difficulté pour se conformer aux variations que subirent, en ce qui concernait ses biens, les lois fiscales de l’empire. Valentinien le remarque à l'éloge des évêques. Théodorwt, Hist. ecel., I. IV, c. VIII, /'. C-, t. i.xxxii, col. Il iO. Nous avons cité le passage si clair de saint Amhroise. On trouvera des passages de saint Grégoire le Grand non moins explicites dans Thomassin, part. III, 1. I, c. xxxiv, n. 10. Le grand pape va jusqu'à recommander

à l’intendant (defensor) du patrimoine ecclésiastique en Sardaigne de faire cultiver avec soin les terres, ut possessiones Ecclesise… ad tributa solvenda idoneæ si ut.

Notons en terminant que tous ces faits se concilient fort bien avec la théorie du cardinal Bellarmin, Controv., De clericis, c. xxviii, xxix, t. ii, sur la nature positive humaine du droit d’immunité dont les biens d'Église ont joui à certaines époques. La conduite des saints évêques et des empereurs chrétiens est au contraire en opposition avec un droit divin qu’aucun texte scripturaire, ni aucune décision de concile œcuménique n'établit d’ailleurs.

Période franque.

A peu près dans le même

temps où Justinien fixait définitivement, pour l’empire, le régime des biens ecclésiastiques en matière d’impôt, Clovis fondait en Gaule des églises et des monastères, et complétait son œuvre en statuant que les terres données parlui aux églises seraient exemptes d’impôt. Cf. I er concile d’Orléans (511), can. 5, Mansi, t. viii, col. 350. Grégoire de Tours rapporte, Hist. Franc., 1. IV, c. il, P. L., t. lxxi, col. 270-271, que Clotaire I er voulut exiger un impôt du tiers de tous les revenus ecclésiastiques et que les évêques allaient céder quand Injuriosus, évêque de Tours, protesta, menaça le roi de la vengeance divine et quitta l’assemblée ; ce qui mit fin à la discussion et amena le roi à l’abandon de ses prétentions. Mais quoi qu’il en soit de cet attentat contre la propriété ecclésiastique, le principe posé par le droit romain de l’immunité des charges extraordinaires, ne semble pas contesté par les rois francs. Le Pacluni Guntchrammi et Cliildeberti, de581 y Monumenta Germanise hislorica, Boretius, Capitularia regum Francorum, t. i, p. 14, proteste que tout ce que les rois antérieurs ont fait en faveur de l’Eglise doit être maintenu. Clotaire II (584628), dans une præceptio qu’on a longtemps attribuée à Clotaire I et ' (par exemple P. Labbe, Concil., t. v, col. 827 ; P. Thomassin, Discipline, pari. II, 1. III, c. v), et que Boretius reproduit, op. cit., p. 19, fait allusion, pour les maintenir, aux nombreuses exemptions dont certaines églises ont été gratifiées par son père et son aïeul. Grégoire de Tours nous donne une idée de la générosité des rois francs dans les concessions d’immunité, par ce qu’il nous dit, Hist. Franc., 1. III, c. xxv, P. L., t. lxxi, col. 262, de Théodehert Ie  : Onme tributum quod in fisco suo ab ecclesiis in Arverno sitis reddebatur, clementer induisit. Ce lexte nous montre à la fois qu’il n’y avait pas d’exemption générale de tout impôt en faveur de toutes les églises, et que certains biens ecclésiastiques étaient privilégiés en cette matière. On peut même affirmer qu’il en était ainsi d’une laçon fréquente pour les terres que les rois donnaient à l’Eglise. Il leur semblait, sans doute, qu’une donation n'était pas complète, si l'Église avait chaque année une redevance à payer au roi à l’occasion de la chose donnée.

Les lettres d’immunité, eniunitatis, comme disent la plupart des textes, sont si nombreuses qu’elles finissent par devenir de style, en sorte qu’on les trouve couramment à la fin des formules toutes faites que nous a laissées Marculfe, édit. Canciani, Venise, 1782, 1. II, n. 2, t. il, p. 185.

Il est cependant important de noter que souvent les promesses d’immunité signifient tout autre chose. Ceci oblige à lire les textes sur ces matières avec grande attention. C’estainsi que Van Espen, op. cit., part. II, sect. viii, lit. IV, n.26, a mal lu un pseudo-capitnlaire qui contient une promesse d’immunité à tous les biens ecclésiastiques, La lecture du contexte établit à n’en pas douter qu’il s’agit simplement d’une promesse de protection matérielle contre les usurpations des voisins puissants. Le document appartient de plus au I. V des capitulaires, n. 271). C’est dire qu’il est de Benoît Lévite, et par conséquent sujet à caution. Mais si nous ne pouvons l’accepter comme témoin de l’existence d’une immunité générale