Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

G7

BAIUS

G8

évidemment de mieux démasquer l’erreur dans l’intérêt des fidèles.

En réalité, les soixante premières propositions sont de Baius, suivant un ordre qu’il est facile de suivre, en les confrontant avec ses opuscules imprimés. Cf. Baiana, p. 50 sq.

Traité De meritis operum Prop. 1-20

— De prima hominis justitia… — 21-21

— De virtutibus impiorum — 25-30

— De charitale — 31-38

— De libero liominis arbilrio…. — 39-41

— De justitia — 42- i t

— De sacrificio — 45

— De peccato originali — 46-55

— De oratione pro defunctis…. — 50-58

— De indulgentiis — 59-60

Les autres propositions ne se rapportent pas d’une façon précise aux ouvrages imprimés de Baius. Steyært raconte qu’il avait vu à Rome un ancien exemplaire manuscrit où l’on donnait les soixante premières propositions pour extraites des opuscules du docteur lovaniste, et le reste pour assertions courantes dans le parti, ta’es quse vulgo circum ferrentur. Pour tenir compte de cette question qui, sans être capitale, a pourtant son importance, puisque les articles ont été’condamnés dans le sens des auteurs, voici quelle sera ma méthode. J’indiquerai, après le texte latin de chaque proposition, l’endroit d’où elle a été tirée, toutes les fois qu’il sera possible de le faire ; j’ajouterai, quand il y aura lieu et en me référant aux Baiana, les passages des apologies où Baius a consigné ses réclamations ou explications ; enfin, quand il y aura raison suffisante, je tiendrai compte de la question dans le commentaire. Ce travail a déjà été fait, ou plutôt ébauché, par Bellarmin, dans une réfutation manuscrite des propositions de Baius, qui sera citée à la fin de cet article, et par Ripalda, op. cit., disp. I, sect. XI.

II. Commentaire des propositions condamnées. — Pour procéder d’une façon plus rationnelle et ne pas m’exposer à des redites, j’imiterai la méthode communément suivie par les théologiens, en groupant les propositions qui se rapportent à un même sujet. Les numéros, conservés avant chacune, permettront, à qui voudra, de reconstituer l’ordre où elles se trouvent dans la huile. Le groupement comprendra neuf chefs de doctrine : 1° dons de l’état primitif ; 2° mérites ; 3° libre arbitre ; 4° charité ; 5° péché ; 6° concupiscence ; 7° justification ; 8° sacrements ; 9° satisfaction et peines temporelles.

I. PROPOSITIONS RELATIVES AUX DONS DE L’ÉTAT PRI-MITIF.

21. Humanæ naturæ subliL’élévation do la nature hu matio et exaltatio in consortium maine et son exaltation à la

divinæ naturic débita fuit inteparticipation de la nature di gritati primée conditionis, et vine étaient dues à l’intégrité

proinde naturalis dicenda est, de son premier état ; aussi

etnonsupernatuialis. De prima doit-on l’appeler naturelle, et

hom. justit., c. I, iv, vi, quant non pas surnaturelle.

au sens ; Baiana, p. 92. L’intégrité de la première

2(i. Integritas prima ; creatiocréation n’était pas une élevants non fuit indebita humanæ tion gratuite de ta nature liunaturae exaltatio, sed naturalis maine, mais bien sa condition ejus conditio. Ibid., c. iv. naturelle.

La proposition 21°, prise textuellement, ne se trouve pas et ne peut pas se trouver dans Baius, puisque dans son système il n’y avait ni élévation, ni exaltation proprement dite de la nature humaine ; mais le docteur lovaniste se sert de l’expression integritas prima creationis, et comme il avait établi que cette intégrité comprend, comme premier élément, l’inhabitation du Saint-Esprit avec tous les dons qui s’y rattachent, la rédaction de la huile substitue aux termes de liaius leur équivalent théologiquc et met ainsi en relief la portée de sa

doctrine, en montrant qu’elle revient à ceci : ce qu’on appelle communément élévation de la nature humaine et son exaltation à la participation de la nature divine n’est, au fond, que l’état normal de la nature humaine sortant des mains du créateur. La proposition 26e, portant sur l’intégrité de la première création, est plus générale, car, d’après liaius, cette intégrité renfermait non seulement la justice intérieure, mais encore l’exemption de la concupiscence. Ainsi entendues, les deux assertions se rattachent intimement à l’idée fondamentale de l’auteur : l’homme étant naturellement destiné à la pleine connaissance et à la parfaite possession de Dieu, les dons de l’intégrité lui étaient dus, comme moyens proportionnés à cette fin, et dans le même sens, ils lui étaient naturels. Dès lors, plus de grâce qui soit une élévation de la créature raisonnable au-dessus de son état et de son rang ; la grâce se trouvera seulement dans l’état de la nature déchue, où l’homme aura perdu le droit aux dons primitifs, alors aussi l’élévation de la nature humaine pourra s’appeler en nous surnaturelle, « comme la vue serait appelée surnaturelle en ceux qui devraient à la vertu divine de la recouvrer miraculeusement. » La comparaison est de Baius dans son apologie à Pie V. Baiana, p. 92. Il y soutient nettement la doctrine contenue dans les propositions 21* et 26°, en se référant surtout aux témoignages anciens où les dons primitifs sont dits naturels.

Baius se trompait en supposant que l’union à Dieu par la vision intuitive et la possession immédiate étaient nécessairement la fin dernière de toute créature raisonnable ; en cela il faisait une confusion entre la question de fait et la question de droit. Mais il se trompa surtout dans les conséquences qu’il tira de cette supposition et dans l’exégèse des témoignages anciens qu’il avait invoqués. Il aurait dû remarquer que le terme naturel se prend dans des sens très différents. On donne parfois ce nom à ce qui se trouve en nous dès notre naissance, alors même qu’il ne s’agit ni d’une partie constitutive ni d’une propriété essentielle de notre nature ; c’est en ce sens que saint Paul dit que nous sommes par nature enfants de colère, natura filii ira : Eph., ii, 3. On appelle encore naturel tout ce qui est convenable à un être, tout ce qui le perfectionne, par opposition à ce qui le diminue et le dégrade ; ainsi la vertu est naturelle à l’homme, et le vice, contre nature. Mais on donne plus strictement le nom de naturel à ce qui appartient en propre à un être considéré dans ses éléments essentiels et les propriétés ou exigences qui en découlent. Les témoignages anciens que Baius invoquait, s’expliquent dans les deux premiers sens ; leur donner la troisième signification, c’était en dépasser la portée réelle ; c’était méconnaître tous Ces autres témoignages des Pères, saint Augustin compris, où ils appellent grâce les dons de la justice originelle et nous montrent en eux des biens d’ordre supérieur et divin, qui dépassent en eux-mêmes les forces et les exigences de notre nature. Bellarmin, Befutatiu Baii, ms., loi. 150 sq. ; De gratta primi liominis, c. v-vm ; Ripalda, . ! </versus Baium, disp. V ; Casinius, Quid est homo sire conlroversia de statu purée nature, 4e édit., Mayence, 1802. a. 1, 6, 7 ; Palmieri, De Deo créante et élevante, th. xxx sq., Rome, 1878.

Aussi, quand on lui soumit la doctrine de Baius relative aux dons de la justice originelle, l’université de Salamanque émit ce jugement : « Bien que l’intégrité de la première création et les dons conférés au premier homme dès le début de son existence puissent s’appeler naturels, en ce sens qu’ils lui furent comme innés et qu’ils devaient se transmettre avec la nature aux descendants d’Adam, si celui-ci avait persévéré dans l’état d’innocence ; toutefois, en affirmant que ces dons étaient dus à la nature humaine, et en niant qu’on doive les appeler surnaturels, la proposition est erronée, » Après