Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/429

Cette page n’a pas encore été corrigée
849
850
BIENS ECCLÉSIASTIQUES


sunt omnino excludendi. Déminer, n. 1574, 1075. Il faut ajouter à ces textes les innombrables passages du Corpus juris qui supposent le droit de propriété de l'Église ; sans négliger 13, C. XII, q. I, et 16, ibid., édit. Friedberg, col. 68l" 682, qui l’affirment.

5° Preuves tirées de la pratique de l'Église. — Leur exposé sera fait dans la seconde partie de ce travail.

6° Preuves tirées du consentement universel des peuples. — Cf. Thomassin, op. cit., c. i, n. 1. Il est remarquable que, même les États modernes, reconnaissent à l'Église, au moins dans certaines circonstances solennelles, un droit intrinsèque de posséder qui est en contradiction avec leurs principes anticbrétiens basés sur les seuls droits de l’homme. Le document le plus caractéristique est certainement, pour les Français, l’art. 13 du Concordat de 1801, où le souverain pontife fait condonation des biens ecclésiastiques aliénés. La signature de cet article par le premier consul est une reconnaissauce manifeste du droit de l'Église.

2e proposition : Le droit pour l’Eglise de posséder n'émane pas de la société civile, mais du droit nature} et divin. Ce droit est donc indépendant dans snn exercice. — 1° Preuves tirées de l’Ecriture sainte. — Les textes cités plus haut se réfèrent tous à l’autorité divine seule.

Preuves tirées des saints canons.

La fameuse

bulle Clericis laicos de Boniface VIII, tempérée (quant aux sanctions pénales) par Benoît XI et abrogée par Clément V, est rétablie dans toute sa vigueur par Léon X au concile général de Latran (1512-1517). Voir le texte au Corpus juris, III, xxiii, 3, in VI » , et5, ibid., tiré de la même bulle, Friedberg, col. 1062, 1064.

Preuves de raison.

1. Le droit d’acquérir et de

posséder est, nous l’avons vii, la conséquence du droit d’exister ; or ce dernier vient à l'Église de la volonté divine et non de celle de l'État. — 2. Les biens ecclésiastiques sont la juste rémunération de services rendus dans l’ordre spirituel. Cette rémunération découle comme toutes les autres de la nature des choses ; donc pas d’une concession de l'État. — 3. L’Eglise est une société parfaite, indépendante de toute autre, par la nature même de sa fin ; or la faire dépendre, au temporel, du pouvoir civil serait la mettre en servitude.

La conclusion de tous ces arguments est que l'Église est seule juge de savoir quels sont les moyens à employer pour accomplir son œuvre. A elle seule donc, de déterminer dans quelle mesure les biens temporels lui sont nécessaires ou utiles. De tout temps, pour éviter les conllits, elle a d’ailleurs accepté de s’entendre sur ce point avec l’Etat. L’histoire témoigne que le pouvoir civil, coutumier des abus de force, s’est d’ordinaire, en celle matière, montré beaucoup moins respectueux de la justice que l'Église.

Terrât, De la personnalité morale, dans le Compte rendu du ! i congrès international des catholiques, Sciences juridiques, Fribourg, 18 !)", p. 325 sq. ; Affre, Traité de la propriété des biens ecclésiastiques, Paris, 1837 ; Moulart, L’Eglise et l’Elut, Louvain, 187 !) (3 éditions depuis) ; tous les canonistes, en particulier Soglia, Devoti, et surtout R. de M. (Roquette de Malviel), Instituliones juris canonici publiai et privati, Paria, 1853 ; Carrière, Prælect. de jure et justitia.

II. Histoire des possessions temporelles de l'Église depuis l’origine jusqu'à nos jours. — Il ne s’agit, évidemment, que d’un exposé très sommaire des principales questions se rattachanl à l’histoire des biens d'Église, Nous étudierons successivement, dans les grandes lignes, en suivant l’ordre chronologique : 1° les sources (lu patrimoine ecclésiastique ; 2° l’usage îles biens ecclésiastiques et leur partage entre les intéressés ; 3° les administrateurs ecclésiastiques ; 4° la principale ri de de l’administration des biens d'Église ; 5° le sujet juridique du droit de propriété dans II li e.

I. LES SOURCES DU PATRIMOINE ECCLÉSIASTIQUE.—

La source originaire, dont les autres découlent, c’est l’aumône. Saint Jean fait déjà allusion à la bourse commune du collège apostolique que portait Judas, XII, 6 ; xiii, 29, et qui semble avoir été destinée à recevoir des aumônes. En tout cas, les Actes, iv, 31, 35, nous mettent en présence de l’héroïque charité des disciples de Jérusalem, qui établissent le régime de la communauté parfaite. Leurs biens sont vendus, le prix en est apporté aux pieds des apôtres qui se chargent de subvenir aux besoins de tous. De pareilles marques de détachement apparaissent d’ailleurs, dans cette mesure du moins, absolument libres. Acl., v, 4. Il en est de même des collectes que recommande saint Paul. I Cor., xvi, 12 ; II Cor., viii, IX. Cela n’empêche sans doute pas l’apôtre de rappeler le droit naturel et divin qu’a le prêtre de vivre de l’autel, et l'évangéliste de l'Évangile. I Cor., IX, 4-14 ; Gal., VI, 6. Mais le bcatius est magis dare quam accipere, Act., xx, 35, règle tellement la conduite de tous, que l'Église n’a pas à cette époque à réclamer ses droits, ni à en organiser la perception. La quête dont parle Tertullien, Apologet., c. xxxix, P. L., t. i, col. 470, a conservé ce caractère de spontanéité. Cependant, de très bonne heure, l’usage et les textes canoniques perfectionnèrent ce système par trop primitif de contribution, en instituant des offrandes réglementées, peu à peu tarifées, et enfin pour quelques-unes sanctionnées par des peines canoniques.

1° Les prémices {' A.Tzaçy où). — C’est l’impôt ecclésiastique à la fois le plus ancien et le plus populaire. Il appartient à la discipline apostolique, car il est contemporain de la hiérarchie extraordinaire des charismes. Didachè, xi ii, 3-7, Funk, Patres apostoiici, Tubingue, 1901, t. î, p. 32. Nous le retrouvons avec la dime dans la Didascalie, c. viii, ix, etc., trad. Nau, p. 47 sq. ; cf. Hauler, Didascalise apostolornm fragmenta Veroncnsia latina, Leipzig, 1900, p. 40, et dans les Constitutions apostoliques, 1. II, c. xxv, xxxiv, xxxv ; 1. VII, c. xxix, P. G., t. i, col. 660, 681 sq., 1020-1021. Les canons 186194 d’Hippolyte ordonnent d’apporter les prémices à l'évêque à l'église, les spécifient et dans la formule de bénédiction indiquent que les prémices sont offertes pour nourrir les pauvres. Mo r Duchesne, Origine du culte chrétien, 3e édit., Paris, 1902, p. 537-538 ; Achelis, Die Canones Hippohjli, dans Texte und Unters., Leipzig, 1891, t. vi, fasc. 4, p. 112-114. La Constitution apostolique égyptienne signale simplement l’offrande et la bénédiction des prémices. Achelis, loc. cit. Thomassin donne, dans sa Discipline de l'Église, part. III, 1. I, de nombreux textes des Pères relatifs aux prémices. Ce n’est qu’au v c siècle qu’elles sont tarifées au 50e de la récolte. Cette offrande est si populaire que la coutume universelle est de l’apporter à l’offertoire en même temps que le pain et le vin. Les Canons apostoliques, 3e, 4°, P. G., t. cxxxvii, col. 37-4 i, les conciles d’Hippone (393), de Carthage (397), Mansi, t. iii, col. 884, etc., et enfin in Trullo (692), Mansi, t. xi, col. 955, réagissent contre cette coutume. Mais au ixe siècle, l’institution est en décadence au point qu’on a dû permettre l’oblation des prémices à la messe. Elles disparaissent peu à peu de la pratique ; en sorte que si le concile de Trente suppose encore leur existence, sess. XXIV, De rej., c. xiii, Zypeus, Consult. '/, de parochiis, déclare, vers la même époque, qu’elles sont arbitrio fidelium relictse.

2° Les dîmes (As/tiTor.)- — La Didachè n’y lait aucune allusion. Mais la Didascalie les désigne nettement, comme une des formes reçues de la contribution ecclésiastique, c. ix, trad. Nau, p. 52. La discipline des t'.oustitutions apostoliques, qui diffère si peu de celle de la Didascalie, répète les mêmes explications. On ne peut affirmer cependant que les dîmes étaient obligatoires aux iue et iv siècles, même dans les Églises de Syrie, dont ces documents reflètent la discipline. A la même époque l’institution est inconnue en Afrique et en Egypte. Elle