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BESSARION


lium, Rome, 1677, t. il, col. 908. Calliste III (14551458) fut élu. Pendant le court pontificat de ce pape, Bessarion fit des démarches très actives auprès des princes italiens pour organiser une croisade contre les Turcs. Le pape le chargea d’une mission auprès d’Alphonse d’Aragon, roi de Naples et de Sicile. Bessarion s’appliqua aussi à la réforme de l’ordre de SaintBasile en Italie. Pie II (1458-1464) le nomma protecteur de l’ordre des franciscains. Bandini, col. xxv. Bessarion transféra à ses protégés l’administration de la basilique des Saints-Apôtres, dont il était titulaire, et qui appartenait auparavant au clergé séculier. Il seconda aussi le vieux pontife dans le projet de croisade contre les Turcs. Ils intervinrent tous deux au congrès de Mantoue ; mais les guerres civiles qui désolaient l’Italie et les hésitations de Venise firent échouer leurs efforts. Pie II envoya Bessarion en Allemagne auprès de l’empereur Frédéric III et de Mathieu Hunyade de Hongrie pour solliciter leur concours contre les Turcs. Bandini, col. xxviii. Selon Jacques Piccolomini, il remplit avec zèle sa mission. Epistolse, Milan, 1506, fol. 76. îl ne parvint pas néanmoins à mettre d’accord les deux souverains, ni à les allier contre les Turcs. Galcondylas, P. G., t. clix, col. 425. Créé patriarche de Constantinople par Pie II, il adressa à cette occasion, aux Grecs, une lettre très émouvante et un pressant appel à l’union avec l'Église romaine.

Sous Paul II (1464-1471) il eut le loisir de se consacrer à l'étude ; le pape ne l’employa à aucune négociation politique. Bandini, col. xli.

Ce fut à cette époque que Bessarion légua sa bibliothèque à la ville de Venise. Il prit cette décision sous l’inlluence intéressée de Paul Morosini, ambassadeur de Venise à Borne. C'était un cadeau royal. Il l’avait d’abord destinée aux bénédictins de Saint-Georges de Venise ; ayant changé d’avis, il obtint de Paul II que la donation fût révoquée, et de son vivant, il expédia à Venise (1468) ses trésors littéraires. Dans une lettre adressée au doge et au sénat, il exposa les raisons de sa générosité à l'égard de leur ville : Cum enim in civitatem vestram omnes fere tolius orbis nationes maxime confluant, tum præcipuc græci quie suis provinciis navigio venientes, Venetiis primo descendant, ea præterea vobiscum neccssitudine devincti, ut ad vestram appulsi vrbem, quasi alterum Byzanthium introire videantur. Valentinelli, t. i, p. 18. Cf. Zanetti et Buongiovanni, Divi Marci bibliotheca codicum manuscriptorum, per titulos digesta, Venise, 1740 ; Zanetti, Latina et italica Divi Mai-ci bibliotlieca codicum manuscriptorum, Venise, 1741 ; Vogel, Bessarions Sliftung, oder die Anfange der s. Markusbibliothek im Venedig. Serapeum, Leipzig, 1841, t. il, p. 90-107.

A la mort de Paul II (1471), Bessarion faillit de nouveau être élu pape. Les chroniqueurs italiens de cette époque racontent que les cardinaux favorables à son élection s'étaient rendus chez lui pour le consulter à ce sujet. Un de ses familiers, Nicolas Perotti, plus tard archevêque de Siponto, Ugtælli, Italia sacra, Venise, 1721, t. vii, col. 857-858, les congédia sous prétexte que son Mécène était absorbé dans l'étude. Ce procédé froissa les cardinaux qui portèrent leurs suffrages sur le franciscain^ Délia Rovere ou Sixte IV (1471-1484). Bessarion aurait dit à Perotti : Usée tua Nicolae intempestiva sedulilas et tiaram mihi et tibi galerum eripuit. Jove, Elogia virorum littcris illustrium, etc., Bâle, 1577, p. 29-30. Selon Hody, Paul Jove qui nous a transmis cette anecdote, insulsam istam fabulant ex anilibus hausit rumusculis. Op. cit., p. 146.

Sixte IV s’empressa d’envoyer Bessarion en France auprès du roi Louis XI en vue de l’intéresser à la guerre contre les Turcs. Bessarion chercha à écarter loin de lui, à cause de sa mauvaise santé, cette nouvelle et difficile mission. Ses instances et ses prières ne fléchirent

pas Sixte IV. Il se rendit en Belgique et de là en France, où Louis XI, prévenu contre lui soit pour des motifs politiques, soit en raison de ses antipathies contre les Grecs, le fit attendre deux mois avant de lui accorder une audience. Forcé enfin de le recevoir, il ne lui cacha point son mépris et le saisissant par la barbe, il lui dit : Barbara greeca genus retinent, quod habere solebant, ou selon une autre version : Grseca per Ausonios fines sine lege vagantur. Le cardinal Bessarion quitta la France navré de l’accueil reçu. L'état de sa santé empira, et les souffrances morales ajoutées aux souffrances physiques abrégèrent ses jours. En arrivant à Ravenne, il expira le 18 novembre 1472. Le cardinal Jacques Piccolomini annonçait sa mort en termes émus. Epistolse, fol. 343. Son corps transporté à Rome fut inhumé dans la basilique des Saints-Apôtres. Le pape assista aux funérailles. Le sénat de Venise s’associa officiellement aux manifestations de deuil de toute l’Italie.

Bessarion mourut sans que le double rêve de sa vie, l’union des Églises et la restauration de l’empire byzantin, se fût réalisé. L'Église catholique le regarde comme un de ses défenseurs les plus illustres au xve siècle. Les Grecs de l’orthodoxie, tout en rendant hommage à ses talents et à son patriotisme (ô àxâ^aTo ; 7taTpttiTy]ç), l’appellent le grand traître qxÉyoc ; èÇo{j.ÔTv]ç) II. Œuvres. — 1° Œuvres philosophiques. — Bessarion était 1res versé dans la philosophie de Platon et d’Aristote. On lui doit des traductions latines d’Aristote et de Tbéophraste (Metaphysica). Il défendit le platonisme contre les attaques des péripatéticiens. Il analyse la philosophie de Platon dans le livre De natura et arte adversus Trapezuntium, tractatus admodum acutus ac doclus, et dans sa fameuse réponse In -calumniatorem Platonis, opus variumac doclissimum in qua prseclarissima quseque et digna leclu quse a Platone scripta sunt ad homines tam moribus quam disciplinis instruendos breviter clareque et placido stylo narrantur, Venise, 1516. La première édition avait paru à Rome en 1469. L’humaniste Campani a porté sur ce dernier ouvrage un jugement favorable. Epistolse, 1. V, epist. xxx, Milan, 1497. S’il préfère Platon, il n’attaque pas Aristote. P. G., t. clxi, col. 688-692. Cf. Legrand, Bibliographie hellénique, xve -xvie siècle, t. I, p. lxiii.

Le pamphlet de Georges de Trébizonde ne contient que des injures à l’adresse de Platon. In calumniatorem Platonis, 1516, p. 1. Le témoignage de Platon a été au contraire invoqué par les Pères de l'Église, et invoqué pour confirmer la vérité divine du christianisme. Denysl’Aréopagite, que le cardinal Bessarion vénère comme un disciple des apôtres, a puisé aux sources platoniciennes. Le platonisme s’adapte aux vérités de la religion chrétienne et s’en rapproche. Toutefois ces deux systèmes renferment des erreurs. Platon a enseigné la préexistence de l'âme, et inventé la théorie d’une prétendue pluralité divine, de l'âme du monde, etc. Aristote, à son tour, a soutenu l'éternité du monde, a limité la providence divine, et n’est pas explicite sur l’immortalité de l'âme. Tous deux aussi énoncent des axiomes conformes à la révélation divine ; mais Platon est supérieur à Aristote. En ce qui concerne les attributs de Dieu, la trinité, la création, l’origine des êtres, l’immortalité de l'âme, il ne tombe pas dans les contradictions et les obscurités du système péripatéticien. Bessarion déclare qu’il s’efforce de concillier les deux philosophes et de montrer qu’ils ont droit, à des titres divers, à la reconnaissance de la postérité.

Selon Brucker, le cardinal Bessarion, dans sa défense du platonisme, jeta, par un exposé très érudit et très clair, une vive lumière sur le platonisme et contribua efficacement à le répandre en Occident. Historia criticaphilosophise a tempore resuscitatarum in Occidente HUerarwn ad noslra tempora, Leipzig, 1766, t. iv,