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BAIUS

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qui sont de Baius, quatorze à peine, ont chez lui le même sens que dans saint Augustin et les autres Pères ; aucune n’a été condamnée dans le sens de Baius, puisque l’Église n’a pas prétendu atteindre la doctrine de saint Augustin ; toute l’affaire a été montée par les adversaires de Baius, scolastiques à outrance et teintés de pélagianisme ; ils lui ont faussement attribué ces propositions ou, pour celles qui sont de lui, dénaturé sa pensée. D’où il résulte, et la chose estclaire comme le jour, que tout le baianisme est un fantôme, dû à l’imagination de ces gens-là : itaque meridiana lace clarius est bajanismum omnem esse phantasma ab Baii « mu-Us excogilatum. Et pour mieux le prouver, ut phantasma bajanismi clarius appareat, l’auteur fait suivre ces assertions d’une sorte de commentaire explicatif dont voici le titre : Explicatio apologetica 16 articulorum qui Michæli Baio falso adficti sunt et a Pio V damnati. Ubi ostenditur ex una parle in quo sensu censurant meruere : et ex altéra quse genuina sit Michælis Baii circa singulos doctrina, et quantum distet a damnalo illorum sensu. L’ouvrage ne parut pas, mais il fut cité au cours du procès fait à l’auteur à Malines, et on le trouve à la Bibliothèque royale de Bruxelles, ms. il, il 8, sous cette rubrique ; Phantasma Bajanismi revolutum ac dissipatum.

Quoi d’étonnant dès lors que, dans les Réflexions morales, Quesnel ait renouvelé nombre de propositions condamnées par Pie V, et repris la doctrine de Baius sur les dons de l’état primitif, sur le péché originel et ses suites, sur la liberté dans l’état de nature tombée, sur la charité et l’observation de la loi, etc. ? La constitution Unigenitus, émise par Clément XI le 8 septembre 1713, fut la réponse de Rome. Denzinger, Enchiridion, n. 1216 sq. La lutte continua, pour aboutir à une nouvelle et dernière condamnation. Le synode janséniste de Pistoie avait inséré, dans ses articles 16e, 17e, 19e, 23 e et 24e, diverses doctrines baianistes. sur l’état d’innocence en particulier et sur le principe fondamental de la cliarité ou de la cupidité se partageant tous nos actes. Le 28 août 1794, le pape Pie VI foudroya ces articles dans la constitution Auclorem fidei. Denzinger, Enchiridion, n. 1379 sq. Depuis cette époque, le baianisme, pris dans son ensemble, n’a pas reparu, mais sur tel ou tel point de détail, en particulier sur la notion du surnaturel ou le rapport des dons de la justice originelle à la nature angélique ou humaine, il n’est pas rare de saisir son influence persistante ou de trouver des conceptions voisines chez des théologiens même catholiques ; fait qui tient soit à l’ignorance des décisions rendues contre Baius, soit aux malentendus qui existaient autrefois touchant ces décisions, comme le remarque Scheebendans sa Dogmatique, § 161, trad. Bélet, Paris, 1881, t. iii, n. 651. Voir aussi Schàzler, Natur und Uebernatur. Das Dogma von der Gnade und die theologische Frage der Gegenwart, in-8°, Mayence, 1865.

Parmi ces auteurs, il en est qui se rattachent directement à un groupe de théologiens des xviie et xviiie siècles, désignés habituellement sous le nom d’augustiniens. Les principaux représentants sont trois religieux de l’ordre des ermites de saint Augustin : le cardinal de Noris, Vindicise augustinianæ, Padoue, 1673, ouvrage inséré par Migne dans son supplément aux œuvres de saint Augustin, P. L., t. xlvii, col. 571 sq. ; Fulgence Bellelli, Mens Augustini de statu creaturæ rationalis ante peccatum, in-8°, Anvers, 1711 ; Mens Augustini de modo reparationishumansenaturx post lapsum, * ?. in-4°, Rome, 1737 ; Laurent Berti, Opus de theologicis disciplinis, 1. XII, appendice. Le trait le plus caractéristique de ces théologiens et le point de départ de leur système se trouvent dans leur doctrine sur Dieu fin naturelle de toute créature raisonnable. Dieu, vu et possédé en lui-même, est notre fin naturelle, non pas en ce sens que nous puissions y parvenir par nos propres forces ou

par des moyens naturels, mais en ce sens que nous sommes portés vers cette fin par une inclination et un désir fondés sur notre nature. Dieu devait donc à la créature raisonnable de l’aider, au moins par un secours actuel, à mener une vie digne de la béatitude éternelle, sous peine de laisser tomber cette créature dans le dernier excès de la misère. Ce n’est pourtant pas là une dette rigoureuse par rapport à la nature ; c’est plutôt Dieu qui se doit à lui-même d’agir ainsi, ex decentia solius creatoris, comme dit Noris ou, comme dit Bellelli, attenta suprema lege providentise sicse, c’est-à-dire en tenant compte des convenances qu’imposent à Dieu son rôle de créateur et la loi souveraine de sa providence. De ce principe fondamental découle, comme conséquence immédiate, l’impossibilité de l’état de nature pure, quand on considère la puissance de Dieu non pas d’une façon absolue, abstraction faite de la sagesse et des autres attributs divins, potentia absoluta, mais d’une façon pratique, comme puissance réglée dans ses opérations par la sagesse et la bonté, potentia ordinaria sive ordinata. Viennent ensuite diverses conséquences sur la relation de nos actes à Dieu (in dernière, sur le rôle de la charité, sur la nécessité de la grâce pour éviter le péché, sur les vertus et les œuvres des infidèles, etc.

Cette doctrine avait, sur tous ces points, beaucoup d’affinité avec celle de Baius et de Jansénius ; aussi donna-t-elle lieu à de grandes controverses. Les Vindicige augustinianæ furent soumises par le saint-siège à un double examen, sans qu’il en résultât aucune condamnation. Hurter, Nomenclator literarius, 2e édit., Inspruck, 1893, t. ii, col. 829. Plus tard, Bellelli et Berti furent attaqués dans un ouvrage anonyme en deux parties, dont l’auteur était M" Jean d’Yse de Saléon, alors évêque de Rodez : Baianismus et Jansenismus redivivus in scriptis PP. FF. Bellelti et Berti, in-4°, s. 1., 1744. Berti riposta par son Augustinianum systema de gratia ab iniqua bajani et janseniani erroris insimulalione vindicatum, Rome, 1747. Devenu archevêque de Vienne, M<J r de Saléon publia contre cette apologie une Instruction pastorale ou Documentum pastorale, in-4°, Vienne, 1750. La même année, M^Languet, archevêque de Sens, se prononça officiellement contre les doctrines des deux théologiens augustiniens : Judicium de operibus theologicis FF. Bellelli et Berti. Ce dernier répondit par une nouvelle apologie : In opusculum inscriptum RR. J. Languet archiep. senon. Judicium de operibus theologicis FF. Bellelli et Berti œquissima expostulatio, in-4°, Livourne, 1756. Sur les instances de M9 r Languet qui lui écrivit deux lettres à ce sujet, le pape Benoit XIV fit examiner les écrits incriminés par deux théologiens, devenus plus tard cardinaux ; ils rendirent un jugement favorable aux accusés. Hurter, op. cit., Inspruck, 1895, t. iii, col. 3. L’ouvrage Baianismus redivivus et le Judicium de l’archevêque de Sens se trouvent dans les Œuvres de Berti, t. vin et ix de l’édition citée, Bassano, 1792.

Sans entrer dans d’autres détails sur cette controverse, qui dépasse le baianisme, contentons-nous de constater les faits qui précèdent. Ils nous serviront dans le commentaire sur la bulle de Pie V, pour réduire à sa juste valeur la censure de certaines propositions et ne pas aller plus loin que le saint-siège. Toutefois n’oublions pas que la constitution Auctorem fidei, signée par Pie VI, est postérieure aux faits que nous venons de rappeler.

I. Éditions.

M. Baii… opuscula théologien. Ejusdem apologia hactenus inedita, in-12, Louvain, 1566 ; M. Baii… Opéra, cum bullis pontifteum, et aliis ipsius causant spectantibus, jam primum ad Bomanam Ecclesiam ab conviliis protestanlium, simul ac ab Arminianorum exterorumque hujusce temporis Pelagianorum imposturis vindicandam collecta, expurgata et plurimis qux hactenus delituerant opr.sculis