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BERNARD (SAINT)

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diminue l’attrait pour les fautes légères, et il ôte tout à fait le consentement pour les péchés graves. Si quelqu’un d’entre vous ne sent plus si souvent ni si violemment les mouvements de la colère, de l’envie, de la luxure ou d’autres passions semblables, qu’il en rende grâces au corps et au sang du Seigneur, parce que c’est la vertu du sacrement qui opère en lui » ces effets. Sernio in ca’na Dotnini, P. L., t. clxxxiii, col. 272.

Pénitence. —

Bernard reconnaît aux prêtres et aux évêques le pouvoir de remettre les péchés aux pénitents bien disposés et confessés ; sed nec absolvant etiam compunctum, nisi viderint et confession. Liber ad milites Templi, c. u.P. L., t. clxxxii, col. 938. Et il a fait condamner Abélard pour avoir enseigné que ce pouvoir avait été accordé seulement aux apôtres et non à leurs successeurs. Capitula hæresum, 12, P. L., t. clxxxii, col. 105’*. Rendue dans les conditions convenables, la sentence des prêtres précède celle de Dieu qui la ratifie : ut prsecedat sententia Pétri sententiam cseli. Serni., i, in fest. SS. Pétri et Pauli, c. il, P.L., t. clxxxiii, col. 406. La confession était-elle fréquente du temps de l’abbé de Clairvaux ? Nous voyons du moins que les fidèles avaient l’habitude de se confesser pour la communion pascale : venlv.ro paras ! is hospitium, con/itentes peccata, Sermo in die sancto Paschse, c. xvi, P. L., t. clxxxiii, col. 282, et à l’article de la mort pour la réception du viatique : viix.it infirmum, eux mox moriluro salutarem con/itendi et communicandi obtinuit facuitatem. Vita Malachiæ, c. xxi, P. L., t. clxxxii, col. 1100.

Extrême-onction.

Bernard, à propos de l’extrêmeonction, rappelle que ce sacrement, selon la doctrine de saint Jacques, v, 14-15, remet les péchés, et que la « prière de foi sauve le malade » . Vita Malachiæ, c. xxiv, P. L., loc. cit., col. 1104.

Ordre. —

Sur l’ordre, cleri sacratissimus ordo, et les saints ordres, curritur ad sacros ordines, Serait) de conversione ad clericos, c. xx, P. L., t. clxxxii, col. 853, la doctrine de l’abbé de Clairvaux n’offre rien de particulier. Lire son sermon De conversione ad clericos, son épître De moribus et officio episcoporum et son traité De considérations 1, P. L., t. clxxxii, col. 727 sq.

Mariage.

Certains hérétiques de son temps, les manichéens, lui fournirent l’occasion de défendre et de proclamer la sainteté du mariage. « Il faut être bestial, leur dit-il, pour ne pas s’apercevoir que condamner les justes noces, c’est lâcher les rênes à toutes sortes d’impudicités. Otez de l’Église le mariage honoré et le lit sans tache, et vous la remplirez de concubinaires, d’incestueux, d’êtres immondes. Choisissez donc, ou de remplir le ciel de ces monstres, ou de réduire le nombre des élus aux seuls continents. Mais la continence est rare sur la terre. Faut-il croire que le Sauveur se soit anéanti uniquement pour elle ? Comment aurions-nous tous reçu la plénitude de sa grâce, si les continents seuls y ont part ? Et de quel droit raccourcit-on ainsi les bras de Dieu ? — Je le sais, il en est parmi vous qui accordent que le mariage entre vierges est permis. Mais sur quoi repose leur distinction ? Ils en appellent à ce verset de la Genèse, I, 27 (Matth., xix, 4, 6) : Masculin » et feminam creavit illos ; quod Deus conjunxit Uomo non separet, « Dieu les a créés homme et femme, et c’est dans cet état de virginité qu’il les a unis. » Vaine subtilité ! Sans doute le premier homme et la première femme étaient vierges, « mais autre chose est d’être unis étant vierges, autre chose est d’être unis parce qu’ils étaient vierges. La Bible dit simplement : Dieu les a créés liomme et Jemme. Et c’est juste. Le mariage ne requiert pas l’intégrité des corps, il requiert seulement la diversité des sexes. Ah ! si, au lieu d’indiquer les sexes, l’Esprit-Saint eut dit : Dieu les a créés vierges, comme vous eussiez pris occasion de ces mots, pour insulter à l’Eglise catholique qui unit les hommes et les femmes perdus, d’autant plus volontiers qu’elle espère les faire passer ainsi d’une vie déréglée à une vie honnête ! » Saint Paul autorise tous ces mariages. « Si vous prohibez ce que saint Paul approuve, votre prohibition ne me persuade qu’une chose : c’est que vous êtes hérétiques. » In Cantica, serin, lxvi, n. 4, 5, P. L., t. clxxxiii, col. 1095-1096.

X. JUSTIFICATION ET PRÉDESTINATION. —

Libre arbitre et grâce.

Bernard, qui rencontra sur sa route le problème des rapports du libre arbitre et de la grâce, n’eut garde de l’esquiver. Fidèle à la pensée de saint Augustin, il déclare que « les mérites de l’homme ne sont que les dons de Dieu » . Un jour qu’il développait cette doctrine, l’un de ses auditeurs l’interrompt et lui dit : « Si Dieu est l’auteur de tout le bien que vous faites, quel espoir pouvez-vous avoir d’une récompense ? » C’est pour répondre à cette question que l’abbé de Clairvaux composa son traité De gratia et libero arbilrio. P. L., t. clxxxii, col. 1001-1030. Dès les premiers mots la réponse est formulée : « Qu’est-ce qui sauve ? C’est la grâce. Que devient alors le libre arbitre ? Il est sauvé ; breviler respondeo : salvatur. Enlevez, en effet, le libre arbitre, il n’y a plus rien qui puisse être sauvé ; enlevez la grâce, il n’y a rien qui sauve : l’un et l’autre sont nécessaires ; l’un reçoit, l’autre opère. » C. I, n. 2, ibid., col. 1002.

Cela amène l’abbé de Clairvaux à définir le libre arbitre et à étudier ses divers aspects dans le triple état de nature, de grâce, et de gloire. « Le libre arbitre, dit-il, est un pouvoir de la raison et de la volonté ; on le nomme libre par rapport à la volonté qui peut se diriger d’un côté ou d’un autre ; on le nomme arbitre par rapport à la raison qui a le pouvoir de discerner. » C. ii, n. 4, col. 1004. Dans quelque état que l’on considère la volonté de l’homme, elle est toujours libre : « même après la chute, le libre arbitre, si misérable soit-il, est encore dans son intégrité, » etsi miserum, lanten inlegrum. C. viii, n. 24, col. 1014. Aussi bien la liberté proprement dite ne diffère pas essentiellement en Dieu et dans la créature raisonnable, bonne ou mauvaise. « Elle n’est perdue, ni diminuée, ni par le péché ni par la misère, elle n’est pas plus grande dans le juste que dans le pécheur, ni plus pleine dans l’ange que dans l’homme. » C. iv, n. 9, col. 1006. Mais la liberté ainsi entendue, c’est la capacité de vouloir ; vouloir n’est pas la même chose que vouloir le bien ou vouloir le mal. « Le vouloir est en nous, en vertu du libre arbitre ; je dis le vouloir, et non vouloir le bien ou vouloir le mal. C’est le libre arbitre qui nous fait vouloir, et la grâce qui nous fait bien vouloir, » libcruni arbilrium nos facit volentes, gratia benevolos. C. VI, n. 16, col. 1010. « En cela quel est le mérite de la volonté ? C’est de consentir. Non pas que ce consentement, dans lequel consiste tout le mérite, vienne d’elle, puisque nous ne sommes pas capables d’avoir une bonne pensée de nous-mêmes, à plus forte raison un bon consentement. Mais si ce consentement vient de Dieu et non de nous, cependant il ne se fait pas en nous sans nous. La grâce et le libre arbitre agissent de concert, et mêlent leur opération si bien que leur œuvre indivise est tout entière l’œuvre de la grâce et tout entière l’œuvre du libre arbitre ; » mislim, non singillalim ; simul non vicissim ; non parlim gratia, partim liberum arbitrium, sed toluni singula opère indiriduo peraguut, etc. C. xiv, n. 46, 47, col. 1026-1027. Et c’est à ce titre que Dieu nous l’impute à mérite. Aussi’, dans le ciel, en couronnant nos mérites, Dieu ne fera que couroniiir ses dons : Dona sua, qnse dédit hominibus, in mérita divisit et præmia. C. xiii, n. 43, col. 1024.

Justification et prédestination.

Cet exposé suffit pour montrer comment l’abbé de Clairvaux répudie le pélagianisme et abonde dans la doctrine de la justification et de la prédestination au sens augustinien. Tous 1rs