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BERNARD (SAINTE

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ramener dans le giron de l’Église romaine les schismatiques grecs. « Ils suiit avec nous, sans être avec nous ; unis par la foi, ils se séparent de nous par la désobéissance ; leur loi même est chancelante. Qui brisera leur opiniâtreté ? > De considérât., 1. III, c. i, n. 4. L’unité de doctrine est plus nécessaire encore que l’unité de gouvernement. Les hérétiques sont les pires ennemis de l’Église : « pervertis eux-mêmes, ils se plaisent à pervertir les autres ; ce sont des chiens pour déchirer et des renards par la ruse. » Deux moyens s’offrent pour leréduire : la persuasion ou la force : « Qu’on les corrige, s’il est possible ; sinon, qu’on leur ôte le moyen de perdre les autres, n De rmisiilrrat., 1. III, c. I, n. 3. On connaît la théorie de l’abbé de Clairvaux sur le pouvoir coercilif de l’Église. Il enseigne, à la vérité, qu’il « faut prendre les hérétiques par des arguments, et non par les armes » , non armis, sed argumentis, In Cantica, serm. LXIV, n.’J ; cl. ibid., note de Manillon ; et en cela il ne lait que suivre la doctrine de saint Augustin ; mais pour se conformer entièrement à la pratique de l’évêque d’Hippone, il ne dédaigne pas le secours du bras séculier dans la répression des manœuvres ouvertes de l’hérésie. L’hérésie était, en effet, au moyen âge, un attentat contre l’ordre public, en même temps qu’une attaque contre la religion. Les lois, conformes aux mœurs, s’opposaient à sa propagation. Un hérétique n’avait, aux yeux de Bernard, qu’un moyen d’échapper à leur rigueur ; c’était de s’abstenir de toute propagande. L’Église était vis-à-vis de lui en état de défense ; attaquée, elle frappait ; et, si les armes spirituelles ne suffisaient pas à écarter le péril, elle avait recours à l’épée de celui que l’on appelait l’évêque du dehors : Aut corrigeai li [hæretici], ne perçant ; aut ne périmant coercendi. De considérât., 1. III, c. I, n. 3 ; cf. Epist., CCXLI, CCXI.II. On ne s’étonnera donc pas que, sur les rapports de l’Église et de l’État, l’idéal de Bernard consiste dans l’union des deux pouvoirs, impliquant la réciprocité et un échange perpétuel de bons oflices : Regnum sacerdotiumque. .. omnes reges et sacerdotes… jnngant se animis, ijai juncli sunt institutis ; invicem se fovcant, invicem se défendant, invicem onera sua portent.

Epist., CCXL1V, n. 1, P. L., t. CLXXXIl, col. 441, Sans doute l’Église a droit aux deux glaives ; mais c’est l’État qui porte en son nom le glaive matériel, qu’elle ne saurait brandir sans violer la décence. La société chrétienne reçoit-elle une atteinte au dehors et au dedans, la tête commande et le bras exécute - Pétri uterque gladius, aller sua nutu, alter sua manu, quolies neeesse est, evaginandus. Epist., CCLVi ; De considérât., 1. IV, c. ni, n. 7. Cf. sur les deux glaives, Vacandard, Vie de saint Bernard, c. xxxit, n. (>, t. ii, p. 470.

3. L’Eglise est sainte, et sa sainteté doit reluire dans ses membres et spécialement dans son chef. Bernard signale au pape les vertus qui conviennent à sa dignité. Dr considérât., 1. I, c. viii, n. 9-11 ; 1. II, c. vi, vii, etc. Le De officio episcoporum est avant tout un miroir de sainteté que I abbé de Clairvaux présente à l’archevêque de Sens, ainsi qu’à ses collègues. Le Sermo de conversione ad clericos donne la même leçon, c. xx, aux clercs en général. Il faut lire aussi le beau passage que Bernard consacre à La tenue et à la conversation des prêtres, dans le De considérations, 1. II, c. xiii. « Entre séculiers, les plaisanteries ne sont que des plaisanteries ; dans la bouche il un prêtre ce sont des blasphèmes… Vous ave/, consacré votre bouche à l’Évangile ; l’ouvrir désormais pour de pareilles choses vous est défendu ; l’y accoutumer sérail un sacrilège, » etc. On voit quel idéal élevt l’abbé de ClSirvaux se faisait du clergé. Il avait la même conception de l’Église en général, représentée surtout par les âmes saintes : Ecclesia perfecloriim. In Cantica, serm. xiv, c. v. Mais la sainteté n’est pas l’œuvre de l’homme seul, elle est avant tout l’œuvre de la grâce, et la grâce nous arrive plus particulièrement par les sacrements dont l’Église est la dispensatrice.

IX. LES SACREMENTS.

Bernard, comme tous les docteurs de l’Église, gémit sur le sort que le péché d’Adam a fait à l’humanité. L’homme nait coupable, et les sacrements sont les principaux canaux par où la grâce coule sur lui pour le sanctifier. Tel est l’enseignement de l’abbé de Clairvaux. Selon sa doctrine les sacrements sont au nombre de sept. Il les nomme en diverses circonstances, par exemple le baptême. De baptisnto, c. 1, il, P. L., t. clxxxii, col. 1031-1038 ; la confirmation, Vita Malachiæ, c. ni, n. 7, ibid., col. 1079 ; l’eucharistie, ibid., c. xxvi, n. 57, col. 1105 ; la pénitence (qu’il désigne quelquefois par le nom de confession : usum confessionis), ibid., c. ni, n. 7, col. 1079 ; l’extrême-onction, ibid., c. xxiv, n. 53, col. 1101 ; l’ordre, De conversione ad clericos, c. XX, n. 31, ibid., col. 853 ; le mariage (qu’il appelle en un endroit contractant conjugiorum), ibid., c. iii, n. 7, col. 1079.

Baptême. —

Dans sa lettre à Hugues de Saint-Victor, De baplismo, il cherche à déterminer le moment où le sacrement de baptême est devenu obligatoire pour la rémission du péché originel, ce péché le plus grave de tous : maximum plane, quod sic totum non modo genus humanum, sed et quemlibel ipsius generis occupât, ut non sit qid évadât non sit usque ad union. Sermo in feria /v a hebdomadæ sanctee, c. VI, P. L., t. clxxxiii, col. 265. La difiiculté venait du texte de saint Jean, ni, 5 : Nisi guis renatus fuerit ex aqua et Spirilu Sancto, non intrabit in regnum cœlocum. Bernard enseigne que, chez les juifs, le péché originel était eifacé par la circoncision ; chez les gentils, les adultes en obtenaient la rémission par leur propre foi, et les enfants par la foi de leurs parents ; les femmes juives n’avaient pas d’autre ressource que les gentils. La loi nouvelle a rendu inutiles tous ces moyens. Mais pour les remplacer il a fallu qu’elle fût connue. L’obligation de recevoir le baptême d’eau n’est pas un précepte naturel ; « il est en quelque sorte factice, » quedammodo faclitium, c’est-à-dire purement positif ; et par conséquent nul n’était obligé de s’y soumettre avant qu’il lui fût notifié : Valde quippe injuste exigitur obeditio, ubi non præcessit audilio. De baptismo, c. i, n. 2, col. 1032. Même connu, il peut être remplacé, en cas de nécessité, soit par le mai tue, soit par le désir, connue l’enseigne saint Ainbroise à propos de la mort de Valentinien, et à sa suite saint Augustin. Quant aux enfants, à défaut du baptême d’eau, ils peuvent toujours être sauvés par la foi de leurs parents. C’est là un effet de la miséricorde divine ; car le péché originel n’est pas un péché personnel, et si les enfants en héritent de leurs parents, n’est-il pas juste que la foi de leurs parents puisse leur en obtenir le pardon’.' Ibid., c. i, II, col. 10331038.

Le baptême n’éteint pas le foyer de la concupiscence. Mais la grâce et plus particulièrement le sacrement de l’eucharistie en atténuent considérablement les ellels. Sermo in cœna Domini, c. ni, P. L., t. clxxxiii, col. 272.

Eucharistie. —

La présence réelle de Jésus-Christ dans l’eucharistie était déjà contestée du temps de saint Bernard. Il s’élève avec force contre ce prétendu savant (sciolus) qui avait eu la présomption de dire que dans l’eucharistie il y avait seulement saccamentum, et non rem sacramenti, id est solam sanctificationem et non corporis récitaient. Vita Malachiæ, c. xxvi, toc. cit., col. 1105. Bar ce sacrement, Jésus-Christ devient la nourriture de nos âmes : se appoint in refectione animarum sanctarum-. De diligendo Deo, c. vii, n. 22, P. L., t. CLXXXII, col. 987. lue lois « investis du corps et du sang précieux du Seigneur » , nous n’avons plus à nous effrayer des redoutables ellels de la concupiscence, « car ce sacrement opère deux choses eu nous : il