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que bulle ; l’un restait dans les archives du Saint-Office, l’autre se transcrivait immédiatement sur le registre pontifical, in Regesto ; le premier portait points et virgules, le second n’en avait pas. C’est de celui-ci qu’on tirait les copies envoyées au dehors, à moins que le pape n’en ordonnât autrement. Conformément à cet usage, les copies envoyées à Morillon en 1567 et à l’université de Louvain en 1580 étaient sans ponctuation. Cette circonstance servit en quelque sorte de prétexte à Baius d’abord, puis à ses partisans, à Janson en particulier, pour mettre en avant et soutenir l’interprétation de la clause Quas quidem sententias qui était favorable à leurs vues, et de cette interprétation sortit la ponctuation arbitraire et illégitime des manuscrits invoqués par dom Gerberon, dans ses Baiana, p. 236 sq. Cependant les rétractations imposées à Baius, le corps de doctrine de 1586 et le bon sens lui-même auraient dû suffire pour résoudre le cas. Ne serait-il pas injuste et absurde de proscrire des propositions à cause d’un sens étranger qu’elles n’auraient ni dans les ouvrages ni dans l’esprit des auteurs, mais que d’autres pourraient leur donner ? Voir, pour plus de détails sur cette question du comma pianum, J.-B. Duchesne, Histoire du baianisme, 1 er éclaircissement ; Conférences ecclésiastiques du diocèse d’Angers, sur la grâce, Besançon, 1823, 5e confér., t. I, p. 279 sq.

La décision de Rome ne fit aucune difficulté à l’université de Douai. Ses docteurs avaient accepté purement et simplement la bulle In eminenti. Quelques années plus tard, trois d’entre eux, Georges Colvenerius, Théodore vanCouverden et Valentin Randour, publièrent une défense des actes pontificaux contre Baius : Veritas et xquitas censurée pontificise PU V, Gregorii X11I, Urbani VIII, super articulis lxxvi damnalis, propugnala constante)' ac illustrata a facultate theologica duacena antiquiore ac recentiore ; sive antithèses deprompt.se digestseque admentemS. Augustini exluculentiscommer.lariis eximiorum DD.ac MM. NN. Guilielmi Estii et Francisci Sylvii, Douai, 1649. Cet ouvrage, dédié au pape Innocent X, est comme le pendant du corps de doctrine lovaniste de 1583 ; les docteurs de Douai ydémasquent le baianisme et justifient les anathèmes dont il a été frappé, en lui opposant saint Augustin et saint Tbomas d’une part, et de l’autre Estius et Sylvius, leurs deux plus célèbres théologiens. Après avoir démontré que la censure frappe les propositions dans leur sens propre, ils s'élèvent contre les opposants et s'écrient : « Que ces anonymes comprennent donc qu’aucun des soixante-seize articles ne peut être soutenu dans la rigueur des termes et dans le sens propre des auteurs, et que c’est là un point tranché par Urbain VIII ! » Dom Gerberon ne manque pas de voir dans cet acte la main d’un jésuite. Histoire générale du jansénisme, Amsterdam, 1700, t. I, p. 296.

Les choses n’allèrent pas si vite à l’université de Louvain. L’opposition continua, dirigée et entretenue par Sinnich, Libert Fromond et autres docteurs. Le jésuite Ripalda ayant fait paraître en 1618 sa grande réfutation du baianisme, Adversus Baium et baianos, d faculté de tbéologie lui fit répondre, l’année suivante, par un pampblet : J oannis Mar liriez de Ripalda esocielate nominis Jesu vui.pes capta per theologos sacrée facultatis Academiæ lovaniensis : de mandata ejusdem sacrai facultatis, in-i° de 63 p., qui fut mis à l’index le 23 avril 1654. Libert Fromond attaqua pareillement l’apologie Veritas et xquitas des docteurs de Douai dans deux écrits intitulés Lucemula Fulgentii et Emunctorium lucernulæ ; mais trois lettres de Valentin Bandour éteignirent la Petite lanterne de Fulgence et endommagèrent les Mouchettes de la petite lanterne. Pour se rendre compte dis iiiliuences baianistes qui régnaient alors à l’université de Louvain, il suffit de se reporter à l’ouvrage cité plus haut : Duclrina theologica per lielyium munuiis

ex academia loraniensi ab anno 1644 usque ad annum 1617, ouvrage largement utilisé dans le présent dictionnaire, t. I, col. 751 sq. La condamnation, portée par Alexandre VIII contre trente et une propositions, le 7 décembre 1690, atteignit plusieurs docteurs lovanistes, comme Jean Sinnich, Libert Fromond, François van Vianen, Gérard van Werm, Christian Lupus. Voir, en particulier, le commentaire des propositions l re, 7e, 8e, 11e, 31 e. Dans cette période de trouble, le corps de doctrine de 1586 ne comptait plus ; on en avait même fait disparaître les exemplaires, à tel point que Martin Steyært ne put se procurer le texte qu’après de sérieuses recherches, comme il nous l’apprend dans ses Annotationes in propositiones damnatas, 4e édit., Louvain, 1753, p. 193. Ce docteur publia le document et donna des bulles pontificales un commentaire franc et modéré, où il soutient la condamnation des propositions de Baius dans le sens propre de l’auteur. Il eut la joie de voir un puissant mouvement de réaction se développer à Louvain et aboutir, en 1701, à cette déclaration de la faculté de théologie relative au même objet : « Nous affirmons que ces propositions ont été légitimement condamnées par Pie V et ses successeurs, et condamnées de manière que, prises à la rigueur et dans le sens propre des auteurs, elles sont respectivement hérétiques, erronées, etc., et toutes fausses, les contradictoires étant par là même vraies, ce que nos anciens ont partaitement démontré dans l’excellente exposition qu’ils ont faite jadis de leurs sentiments. » Declaratio plenior facultatis theolog. lovan., anno 1701.

En dehors des Pays-Bas, l’opposition vint des jansénistes de France, qui, pendant la seconde moitié du xviie siècle et la première moitié du xvine, ne cessèrent d’attaquer violemment les bulles contre Bàius, ou d’en fausser la vraie signification et la portée. Récriminations contre la constitution Ex omnibus afflictionibus qu’on trouve informe et irrégulière dans toutes ses parties, ou d’une façon plus générale, contre les censures in globo et le terme respective, qui laisse le jugement ambigu et par suite le rend inutile ; chicanes de toute sorte, puériles parfois, pour s’arroger le droit de proclamer les bulles obreptices ou subreptices ; thèses interminables pour démontrer que ces bulles, n’ayant pas été suffisamment publiées ou acceptées, ne sauraient constituer une décision ou une loi de l’Eglise universelle, qu’elles sont même abusives par leurs clauses opposées aux libertés gallicanes ; surtout, plaintes amères sur le préjudice que peuvent causer à la vérité et à l'Église catholique ces censures qui, prises à la lettre, condamnent les expressions des anciens Pères et la doctrine même de saint Augustin, et donnent ainsi aux protestants un spécieux prétexte de calomnier l'Église, en lui imputant l’abandon de l’antique croyance ; tels sont les moyens d’attaque, empruntés pour la plupart à Jansénius, qu’on trouve dans les ouvrages baianistes et jansénistes de cette époque, et qui ont eu pour principaux défenseurs Antoine Arnauld, Gerberon, Quesnel, l’auteur des Hexaples, le P. de Gennes et l’abbé Coudrette. Voir la bibliographie, à la fin du présent article.

Ces mêmes écrivains reviennent sur la question, pourtant tranchée, du comma pianum ; s’appuyant sur l’interprétation baianiste et sur divers principes subsidiaires, ils font si bien qu'à les entendre, aucune des propositions condamnées ne serait de Baius dans le sens où elles ont été condamnées, et même presque toutes lui seraient complètement étrangères. Dom Gerberon fournit un modèle du genre dans les Vindiciee Ecclesiæ romanæ qu’un trouve à la fin de ses Baiana, p. 210 sq. Il avait même composé, sous le pseudonyme de l’r. van de Sterre, un ouvrage spécial sur le fantôme du baianisme, où il avançait ces diverses assertions : les (envies de liaius ne contiennent qu’un très petit nombre, paucissimas, des propositions condamnées ; toutes celles