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BERNARD (SAINT)

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ce point en divers endroits de sa lettre. La trinité et la rédemption sont 1rs seuls dogmes spéciaux dont il s’occupe avec étendue.

En même temps qu’il s’adresse au souverain pontife, l’abbé de Clairvaux circonvient les cardinaux. Il savait que plusieurs d’entre eux, notamment le cardinal Guy de Castello, et. lient favorables à Àbélard. l » e peur que le novateur n’échappât à la condamnation qu’il mérite, Bernard met la cure’en garde contre la tentation d’indulgence ; il consacre à ce sujet jusqu’à dix lettres, toutes plus pressantes les unes que les autres. Epist., CIXWVIII. CXCH, CXCIII, Cl.CXXXI-CCCXXXVI, CCCXXXVIII, P. L., t. clxxxii, col. 3.">1 sq.

On sait comment ses démarches furent couronnées de succès. Voir t. I, col. 43 sq. Il faut simplement changer les dates des rescrits du souverain pontife. Ils sont du 16 juillet 1140 et non de 1141. Cf. Yacandard, Revuedes quest. hist., juillet 1891, p. 235-245.

IV. Doctrine.

I. SOURCES. —

Bernard nous apprend lui-même qu’il avait la douce habitude de chercher son aliment « dans la Loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes. Souvent aussi, ajoute-t-il, je me suis reposé dans les pâturages évangéliques et aux pieds des apôtres » . In Cantica, serm. xxxiii, n. 7, P. L., t. ci. xxxiii, col. 955. La Bible lui devint à ce point familière, lui-même en fait l’aveu, que durant ses méditations solitaires elle se déroulait sous son regard comme un livre immense dont il pouvait lire à son gré toutes les pages. Pour saisir le sens du texte ou en résoudre les difficultés, il consulte rarement les commentaires des saints Pères. « Les choses, avait-il coutume de dire, ont plus de saveur quand on les goûte à leur source. » Cf. Yacandard, Vie de saint Bernard, t. I, p. i, "17.

Sa connaissance des Pères n’était cependant guère inférieure à celle des Ecritures, j’entends sa connaissance des Pères latins et surtout de ceux que ses contemporain. , considéraient à bon droit comme les plus émincnts docteurs de l’Église. Il invoque rarement l’autorit i de saint Jérôme ; mais saint Amhroise, saint Augustin et saint Grégoire le Grand sont ses auteurs favoris. Il appelle les deux premiers « les colonnes de l’Église » , el va jusqu’à dire, d’une façon évidemment oratoire : « qu’ils soient dans l’erreur ou dans la vérité, je confesse que je suis avec eux. » Tractât. X, De baptismo, etc., c. il, n. 80, P. L., t. clxxxii, col. lôliG. Il est aussi tributaire de Cassiodore, auquel il fait de notables emprunts. Cf. Vacandard, Vie de saint Bernard, l re édit., t. i, p. 458-459. Origène est, ce semble, le seul des Pères grecs dont l’exégèse lui ait été- familière. De diversis, serm. xxxiv, n. 1 ; In Cantica, serm. liv, n. 3. Il cite aussi saint Athanase dans sa lettre à Innocent II, De erroribus Abselardi, P. L., t. clxxxii, col. 1057.

II. PRINCIPES et METHODE. —

Bernard a des principes bien arrêtés en matière de foi et de théologie. Il s’en tient à l’Écriture et aux Pères ; traiter ces questions philosophiquement lui a toujours paru dangereux et suspect.

Abélard avait justement donné une définition de la foi, qui prêtait à l’équivoque. Avec quelle force l’ahbéde Clairvaux la relève ! « Dès le début de sa Théologie, ou plutôt de sa stultologie, dit-il, il définil la toi une estimation (une estimation des choses qui n’apparaissent pas, c’est-à-dire qui ne tombent pas sous les sens), comme s’il était loisible à chacun de penser et de dire en matière de foi ce qui lui plaît, on que les mystères de notre foi demeurassent suspendus à des opinions vagues et variables, au lieu d’être fondés sur une vérité certaine… « Je sais à qui j’ai cru, et je suis certain. » s’écrie l’Apôtre, el lui, lu me siuillles toul l>as : « La foi « est uniestimation. « Dans ton verbiage, tu fais ambigu ce qui est absolument certain. Mais Augustin parle autrement : « La loi, dit-il, n’est pas, dans le cu-ur où j elle réside et pour celui qui la possède, comme une « conjecture ou une opinion, elle est une science certaine, un cri de la conscience. » Loin donc, loin de nous de donner à la foi chrétienne ces limites ! C’est pour les académiciens que sont ces estimations, gens dont le fait est de douter de tout, de ne savoir rien. Pour moi, je vais en toute sécurité à l’avis du maître des gentils…, elle me plaît, sa définition de la foi : « La foi, dit-il, est « la substance des choses à espérer, l’argument des choses o non apparentes » . Heb., xi, 1. La substance de choses à espérer, non la fantaisie des vaines conjectures. Tu l’entends, la substance ! Il ne t’est pas permis dans la foi de penser et de disputer à ton gré, ni de vaguer çà et là dans le vide des opinions. Par le mot de substance, quelque chose de certain et de fixe t’est d’avance imposé, tu es emprisonné dans des limites déterminées ; car la foi n’est pas une estimation, mais une certitude. » De erroribus Abselardi, epist. ail. Innocentai, n, c. iv, 4, P. L., t. clxxxii, col. HJbT-1002.

Il ne semble pas que Bernard ait bien saisi le sens qu’Abélard attachait au mot estimation. Cf. Vacandard, Abélard, Paris, 1882, p. 396. Mais du moins il est clair qu’il réprouve toute définition de la foi qui impliquerait la moindre hésitation de l’esprit. Il distingue « trois états de l’esprit vis-à-vis de la vérité : l’opinion, la foi et l’intelligence. L’intelligence s’appuie sur la raison, la loi sur l’autorité, l’opinion sur la seule vraisemblance. Les deux premières possèdent en toute certitude la vérité : la foi sous enveloppe et comme close ; l’intelligence, toute nue et manifeste ; l’opinion, au contraire, n’a rien de certain, elle cherche le vrai par la vraisemblance plutôt qu’elle ne le saisit » . Il importe de ne pas confondre ces trois états ou altitudes de l’esprit humain. « L’opinion, qui prétendrait être affirmative, serait téméraire ; la foi, qui hésiterait serait infirme ; l’intelligence, qui essaierait de rompre le sceau de la foi, serait coupable de lèse-majesté, » repulatur scrutalor rnajestatis. VA là-dessus Bernard donne de la foi, de l’intelligence et de l’opinion, les définitions suivantes : Fides est voluntaria quseddm et certa prælibalio needum propalatse verilatis. Intellectus est rei cujusdam invisibilis certa et manifesta notilia. Opinio est quasi pro rero habere aliquid quod falsum esse nescias. De consideralione, 1. V, c. ni, n. 5-0, col. 790-791.

Il indique sa méthode quand il dit que « l’intelligence qui tenterait de rompre le sceau de la toi serait coupable de lèse-majesté » . Abélard avait posé en principe qu’on ne peut croire ce qu’on ne comprend pas : nec credi pusse aliquid, nisi jirimilus intellectum. llistoria calamitatum, édit. Cousin, p. 18. Dans cette maxime git encore une équivoque. Qu’on ne puisse croire une proposition inintelligible, c’est évident ; mais qu’on ne puisse croire une vérité qu’on ne comprend pas, c’est une erreur et une hérésie. Et c’est par crainte de tombèr dans cette erreur que l’abbé de Clairvaux s’élève si fortement contre toute tentative qui aurait pour objet de mettre les vérités de la foi à portée de la raison. Selon lui les vérités de foi sont humainement et rationnellement inexplicables ; vouloir les rendre accessibles à la raison, c’est commettre un attentai contre la foi et même contre la raison : Dum paratus est (Abélard) de omnibus reddere rationem, elian quse sunt supra rationem, ri contra rationem prsesumit, ci contra fidem. « Car qu’y a-t-il de plus contraire à la raison que d’essaur de taire surpasser la raison par la raison.’El quoi de plus contraire à la foi, que de refuser de croire tout ce que la raison ne peut atteindre’.' o De erroribus Abselardi, c. i, / « <. cil., col. 1055. Bernard se bornera donc à exposer h’dogme, sans faire aucune incursion dan :  ; le domaine de la théologie spéculative mise en crédit par saint Anselme, et continuée par Abélard et les SCOlastiques.

III.LA REGLE DE FOI

Loin de s’en rapporter à sa