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BENOIT XII


les évêques qui lui sont proposés celui qui offre le plus d’argent, a. 88. La simonie n’intervient pas moins dans l'élection et la consécration des autres clercs, évêques ou prêtres, a. 89, 97, 99.

13° Mariage. — Les Arméniens tiennent pour coupables les rapports conjugaux ; si Adam et Eve n’avaient pas péché, l’humanité se serait propagée d’une autre manière, a. 19. Ils refusent d’absoudre et traitent en païen celui qui s’est marié trois ou quatre fois, a. 49. Les mariages se font sans formules déterminées, parfois même sans le consentement des parties, a. 100. Les lois canoniques et divines sont violées : ainsi, malgré l’empêchement de consanguinité et d’affinité qui, en Arménie, s'étend jusqu’au septième degré, des mariages se contractent entre gens unis au troisième degré et audessous, sans que les évêques les inquiètent ; le divorce suivi d’une nouvelle union est souvent permis ; beaucoup d’Arméniens ont plusieurs femmes, soit au même endroit, soit ailleurs, a. 101-103."

14° Eschatologie. — Avant le jugement général, les âmes humaines n’entrent pas au ciel ni ne vont en enfer ; elles restent sur cette terre ou dans l’air, comme les démons, a. 7, 15, 23, 31. Après le jugement, les âmes saintes verront, non point l’essence divine, mais la gloire qui en émane, comme la lumière émane du soleil, sans être le soleil lui-même, videbunt claritatem Dei, quse ab ejus essentia émanât, sicut lux solis émanât a sole et tamen non est sol ; les enfants non baptisés et les hommes d’une sainteté imparfaite iront dans le paradis terrestre ; les hommes médiocrement mauvais, c’est-à-dire les personnes mariées ou menant dans le siècle une vie commune, demeureront sur cette terre ; les hommes pleinement mauvais, c’est-à-dire les infidèles et les chrétiens pécheurs, seront, d’après les uns, jetés dans l’océan devenu tout de feu, ou, d’après les autres, ils seront tourmentés par leurs propres péchés, a. 8-12, 24, 105. A ces erreurs s’ajoutent la négation du purgatoire, a. 17, puis diverses conceptions singulières qui se rattachent à la descente de Jésus-Christ aux enfers, comme sa prédication aux damnés, leur délivrance et la destruction de la géhenne, a. 14, 18, 22, 24. Un catholicos a dit enfin qu'à la résurrection des corps il n’y aurait plus de distinction sexuelle ; des laïques de distinction ont nié la résurrection elle-même, a. 106, 108.

15° Fêtes, pratiques et observances religieuses. — Les Arméniens fêtent la résurrection du Christ le samedi saint, usage qu’ils prétendent fonder sur une révélation divine, a. 27. Ils fêtent la Nativité de Notre-Seigneur le jour de l’Epiphanie, et font de ce point un objet d’attaques passionnées contre les Latins, a. 32, 34. Dans la Grande-Arménie, on ne voit pas de crucifix ni d’images saintes, a. 74. Bon nombre de pratiques superstitieuses régnent dans le pays : sacrifices d’animaux, a. 45 ; distinction entre mets purs et mets impurs, a. 46 ; exagération et interprétation pharisaïque du jeûne ecclésiastique, a. 47, 78, 79 ; fixation de certains jours pour la célébration de la messe ou la communion, a. 80, 81 ; substitution d’un peu de terre à l’eucharistie, quand on ne peut recevoir celle-ci en danger de mort, a. 107.

III. Réponse des Arméniens.

Ce document, beaucoup plus étendu encore que le Libellus, mérite d'être considéré sous un double aspect, l’un polémique, l’autre dogmatique. Les références se rapportent au Supplementum ad concilia Veneto-Labbeana, par Mansi.

Aspect polémique.

Dans son ensemble, cette

réponse est surtout une apologie de l'Église arménienne. Les Pères du concile de Sis rejettent la plupart des accusations ou comme fausses, ou comme fondées sur des faits réels, mais mal compris et mal présentés. A propos des articles 75 et 78, col. 514 sq., ils se plaignent vivement de Nersès Balientz et dépeignent la conduite de cet évêque d’une manière propre à infirmer l’impar tialité de son témoignage. Discuter la valeur objective des accusations et des récriminations serait une tâche difficile et dépassant le but du présent travail. Une remarque s’impose toutefois, remarque dont il faut tenir compte pour apprécier le Libellus ad Armenos plus équitablement que ne l’ont fait certains des auteurs cités à la fin de cet article, en particulier J. de Serpos. Il y a dans ce document autre chose que des accusations calomnieuses, dues à l’ignorance ou à la malveillance. Les ambassadeurs du roi d’Arménie contessèrent devant Clément VI que beaucoup d’erreurs s'étaient propagées clans leur pays. Raynaldi, an. 1341, n. 70, t. vi, p. 279. La réponse qu’ils apportaient suffit, du reste, à produire la même impression sur l’esprit du lecteur attentif.

Si les Pères du concile de Sis prennent la défense de l'Église arménienne en général, on ne peut pas voir dans leur mémoire une apologie de tous les Arméniens, ni même de l'Église arménienne entière, car ils savent, et ils nous en avertissent, que l’autorité du catholicos légitime n’est pas universellement reconnue, et qu’un parti schismatique maintient de vraies erreurs et des préjugés anciens ; aussi défendent-ils surtout l’orthodoxie des évêques de la Petite-Arménie, suivant la juste remarque de Mansi, note dans Raynaldi, an. 1341, n. 48, t. vi, p. 261 sq. De là des passages fréquents où se glissent, à l’endroit de la Grande-Arménie, des formules restrictives ou dubitatives, par exemple, à propos des articles 3, 34, 37, 38, 46, 49, 89, 94, 102, 108, op. cit., col. 450, 482, 485, 487, 491, 493, 523, 527, 530, 532. Souvent encore, en présence des propositions incriminées, les apologistes distinguent plutôt qu’ils ne nient. Autre chose est ce qu’on croit ou pratique maintenant chez eux, et ce qu’on y a cru ou pratiqué avant l’union avec Rome : hoc tune faciebanl, quando ignorabant verilateni, a. 3 ; opinio ista communiter inveniebatur inler Armenos, tamen ex tune quod uniti fuimus cum Ecclesia romana…, a. 111, col. 450, 533. Autres sont les vues et les pratiques approuvées par l'Église arménienne, autres sont des imaginations et des pratiques bizarres, fruits de l’ignorance ou de la simplicité : hœc sunt verba derisoria et puerorum, a. 16 ; possibile est quod aliqui de simplicibus faciunt sic, a. 70, col. 461, 511. Surtout, autre est la doctrine officielle d’une Église, autres sont les opinions particulières de certains docteurs : aliqui de magistris habenles opinionem Grœcorum dïcebant, a. 7 ; quamvis inveniatur in dictis aliquorum sicut scriptum est in ai’ticulo, tamen nos…, a. 112, col. 453, 533. Des exemples plus frappants se trouvent dans la réponse aux articles 110 et 116 ; plusieurs livres invoqués dans le Libellus, comme ceux du catholicos Jean Otznetzi et de l’abbé Paul de Taron, y sont désavoués, et Vartan de la Montagne-Noire est traité d’homme sans autorité et de brouillon, vir ignotus et amator rixæ, col. 533, 535.

Quiconque voudra mesurer la portée de ces aveux, n’aura qu'à parcourir l’ouvrage déjà cité de. Galano, pars altéra controversialis, Rome, 1658, 1661. Les trois traités dont se composent les deux tomes de cette se-r conde partie portent sur toutes les grandes questions dogmatiques qui apparaissent dans le Libellus : la procession du Saint-Esprit et la dualité des natures dans le Christ, l'étal des âmes avant ou après cette vie, la primauté du pontife romain et les sacrements de la loi nouvelle. Or, la partie importante des erreurs relevées par Benoit XII s’y rencontre dans les citations faites d’auteurs que Galano appelle les faux docteurs des Arméniens, pseudoniagistri ; tels Jean Otznetzi, Paul do Taron, Vartan de la Montagne-Noire, Jean Vanagan, Mekhitar de Schirvaz, Simon de Joulfa, Etienne de Siounik, Jean d’Orodn, dépassé plus tard par son disciple, Grégoire de Datev, l’ardent et anticatholique auteur du Livre des Questions. Dès lors, pour pouvoir dénoncer dans le Libellus ad