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BENOIT XII

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un point de doctrine indiscutable, la présence au ciel des âmes saintes et la béatitude dont elles y jouissent ; il leur attribue la claire vision de Dieu, sur laquelle il fonde leur science suréminente : Quia enim illic omnes communi claritate Deurn conspiciunt, quiet est quod ibi nesciant, ubi scientem omnia sciunt ? Dialogi, 1. IV, c. xxxiii ; Moral., 1. XII, c. xxi, P. L., t. lxxvii, col. 376 ; t. lxxv, col. 999. Saint Bédé présente la vision intuitive de l’essence divine comme impossible à obtenir en cette vie, dum adhuc constituli in corpore, peregrinamur a Domino, mais en même temps comme l’objet de notre espérance pour la vie future, comme le terme qui répond au Cupio dissolvi et peut se réaliser avant le temps de la résurrection. Exposit. in / am epist. Joa., iii, 5 ; tlomil, , xi, in vigilia Pentecostes, P. L., t. xciii, col. 109 ; t. xciv, col. 192 sq. A remarquer, parmi les œuvres apocryphes du même docteur, le Liber aliquot quæstionum, q. xii, P. L., t. xciii, col. 465.

A ces docteurs, particulièrement recommandables par leur autorité ou le caractère officiel dont l'Église les a revêtus, s’ajoutent, pour les continuer en quelque sorte ou pour confirmer la permanence de la même doctrine, beaucoup d’autres écrivains ecclésiastiques qu’il serait trop long de rapporter ici ; quelques exemples suffiront. Au Ve siècle, un évêque de Constantine, Honorât, adresse à un chrétien exilé pour sa foi une lettre d’encouragement ; parmi les considérations qu’il lui propose, on lit celle-ci : Mors aperit tibi régna cselorum… Christum mox tua anima videbit. Epist. consolatoria, P. L., t. L, col. 568. Julien Pomère, parlant de la vie future qu’il fait commencer avec la mort, l’appelle l’a vie contemplative par excellence, parce qu’on y voit Dieu, in futura vita, quse ob hoc appcllatur contemplativa, videndus est Deus. De vita contemplativa, 1. I, c. i, n. 1 sq. ; c. vi, n. 2, P. L., t. lix, col. 419, 424. Au viie siècle, saint Julien de Tolède nous offre, dans son Prognosticon, tout un chapitre intitulé : Quod post depositionem corporis hujus statim videatur a sanctis spiritibus Deus, 1. II, c. xxx, P. L., t. xevi, col. 495. Au siècle suivant, Candide, moine de Fulda, traite sous forme épistolaire ce problème singulier : Num Christus corporis oculis Deum videre potuerit ; à cette occasion, il met entre le Christ et les autres hommes cette différence, que l'âme du Sauveur a joui de la vision intuitive, dès le premier instant de son existence, tandis que les autres n’en jouissent qu'à la fin. Epist., n. 7, P. L., t. evi, col. 106. Haymon, évêque d’Halberstadt, admire les saints qui vivent avec leur créateur et trouvent dans la vision de sa volonté la règle de leurs propres désirs : vident voluntatem illius, et ideo ab ipso accipiunt, quod eum velle faccre noverunt, et de ipso bibunt quod ab ipso siliunt. Exposilio in Apoc, VI, 10, P. L., t. cxvii, col. 1030.

L’Orient ne reste pas en arrière. Au vie siècle appartient un panégyrique des martyrs, lu en partie au IIe concile œcuménique de Nicée ; Constantin, diacre de Constantinople, y célèbre longuement tous ces saints qui, mêlés aux chœurs des anges, jouissent maintenant au ciel de la récompense promise, de la couronne de justice, de la gloire, de la vie éternelle, et dont l’un des plus glorieux privilèges est de faire participer leurs frères à cette splendeur qu’ils puisent à la source même de la vérité, èx to-j tt, ç vor^r^ itrjyr] ; àuauyào-|j.aToç. Lau dalio… martyrum, n. 36, 40 sq., P. G., t. Lxxxviii, col. 519, 526 sq. Dans l'éloge funèbre d’Eutychius, le prêtre Eustrate nous montre ce saint patriarche de Constantinople soupirant après son départ de ce monde et répétant les paroles du Psalmiste : Quando veniam et apparebo an'.e faciem luam "? A son tour, il demande d'être reçu à sa mort dans les demeures éternelles des justes, pour y connaître clairement et d’une manière plus parfaite qu’ici-bas les mystères de la sainte, consubstantielle et coéternelle Trinité, ci ; àv xai èv aùxat ;

PICT. DE TI1ÉOL. CATIIOL.

SioàÇac yihx ; xa6xp<Sv te xai re), st<5Tspov toc nepl tv) ; àyfa ; xai ÔLiooucriou xa cruvaïSiou Tp ; â30 ;. Encomium S. Eutychii, c. x, n. 91, 102, P. G., t. lxxxvi, col. 2378, 2390. Idéesqui se retrouvent dans un écrit polémique du même auteur contre la fausse doctrine du sommeil des âmes, Aôyoç avaTpETTTixb ; itpôç to’j ; XéyovTa ; lxy) èvÉpyeïv toc ; tiôv àvôpcoirov <î/'j/à ; i.s.ia. tyjv Sidc^svEiv iaurùv <Tto|j.âTcov. Voir Léon Allatius, De utriusque Ecclesise occidentales atquc ori/'ulalis perpétua in dogmate de purgatorio consensione, Rome, 1655, p. 319-580. Au vu siècle, André de Crète nous fait voir au ciel les saints Tile et Nicolas, le premier transporté de joie dans son âme en lace de la divine Trinité, 0scîi xi] TptâSi Ttspr/opeijcov lv 7rvs-jp.aTi, le second immédiatement présent à Dieu, parfaite et adorable Trinité, xiÔapài ; irpocreûpeuiov 0ei, frj xt'/.ûy. xai n : po<TxuvT]T7j TpiâSi, vu par Dieu et le voyant autant qu’il est possible, ©sôv 8<rov èpixtôv ôpcov xai ôpcôjj.Evo ;. Orat., xvi, xviii, P. G., t. xcvii, col. 1170, 1202, 1206. L’auteur de la Vie de Barlaam et de Joasaph, longtemps attribuée à saint Jean Damascène, décrit ainsi la mort de Joasaph : « Il s’en va en paix vers le Dieu de paix, le Seigneur qui avait été l’objet continuel de ses désirs, et paraît en présence du Seigneur sans intermédiaire et sans voile, xai tcô irpocrioirio Kupt’ou à(J.Éo-(oç xai xaOapùc. ÈjiçavîÇetat ; il reçoit la couronne de gloire qui lui avait été' préparée, il obtient ce don ineffable de voir le Christ, d'être avec le Christ et de se réjouir perpétuellement à l’aspect de sa beauté. » Vita Barlaam. et Joasaph, c.xl, P. G., t. xevi, col. 1238. A la mort de saint Théodore le Studite en 812, Naucratius console ses lils en leur parlant de son pouvoir d’intercession, d’autant plus grand désormais qu'étant avec Dieu face à face, vûv Sa Kpôatùrcov 7rpbç TtptWtoTcov, il s’emploie à son service d’une façon plus relevée et plus pure. Enctjclica de obilu S. Theodori Studitæ, P. G., t. xcix, col. 1833. Contemporain de Photius, Nicétas David, évêque en Paphlagonie, exprime à plusieurs reprises la même doctrine dans ses discours sur les apôtres, les martyrs ou les confesseurs ; l'âme de sainte Thècle lui apparaît aux cieux « comme déifiée, et jouissant de l’unique beauté désirable et aimable, non plus par la foi seule, mais par la vision, non plus comme dans un miroir et d’une manière obscure, mais face à face » . Orat., xvi, P. G., t. cv, col. 332. L’historien de saint Joseph l’Hymnographe, le diacre Jean, parle dans les mêmes termes de son héros, n. 36, P. G., ibid., col. 976.

Tout cet ensemble de témoignages donne le droit de conclure, pour les siècles postnicéens jusqu’au temps de Photius, à l’existence, en Orient comme en Occident, d’une croyance ferme non seulement à l’entrée immédiate au ciel des âmes saintes, mais à la possession actuelle par ces mêmes âmes de la vision intuitive de Dieu, élément principal de la béatitude dont ulles jouissent. Mais ne peut-on pas infirmer la valeur de la preuve par des autorités contraires ?

d) Témoignages opposés. — On connaît par l’exposé historique de la controverse quelles ont été, pour la période qui nous occupe, les autorités invoquées contre la doctrine définie par Benoit XII. Ce sont, en réalité, les plus importantes ; non pas celles qui viennent d’auteurs secondaires, comme Cassiodore, André de Césarée et le Pseudo-Athanase, mais celles qui sont prises de docteurs attitrés, comme les saints Hilaire, Cyrille de Jérusalem, Ambroise, Augustin, Chrysostome, Cyrille d’Alexandrie et Jean Damascène. Une discussion détaillée de tous ces témoignages n’est pas possible ; elle relève, pour les cas principaux, de l’article spécial qui concerne chaque docteur. Parfois l’examen attentif du texte et du contexte fait disparaître toute difficulté en I montrant que tel ou tel témoignage est complètement j en dehors de la question. Ainsi, quand saint Hilaire parle de cette loi qui pèse sur tous les hommes, ut consepultis corporibus ad inferos animas descendant, In

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