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BENOIT XII

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Benoît XII l’a officiellement sanctionné en publiant la J m lie (lue la mort de son prédécesseur avait seule empêchée. Du reste, amis et ennemis de Jean XXII conviennent du fait. Raynaldi, ann. 1334, n. 38, t. vi, p. 16. Mais on glosa sur les intentions, et les révoltés ne se firent pas faute de mettre en doute la sincérité, ou de nier la valeur de cette rétractation. Il fallait bien qu’ils pussent dire : mortuus est pertinax hærelicus. Michel de Cezena, Appellatio a consli tutione Quia vir rcprobus, dans Baluze, Miscellanea, édit. Mansi, t. iii, p. 350 sq. Mais quelle justice attendre de ces fanatiques ! Jean XXII avait réellement incliné pendant plusieurs années vers l’opinion défavorable à la vision béatifique immédiate, sans toutefois lui donner jamais une adhésion ferme. Plus tard, les discussions qu’il souleva, la lecture des nombreux travaux que firent, sur son ordre, les évêques et les théologiens, les attaques même de ses adversaires jurés l’amenèrent peu à peu à réformer sa première impression. C’est à tort, du reste, qu’on a prononcé le mot d’hérésie, puisque, au moment de la controverse, le point en litige n’avait pas encore été sanctionné par l'Église, ni par une définition formelle, ni par une croyance de fait suffisamment claire et universelle. A tort aussi, qu’on a prêté à Jean XXII bien des actes qui lui sont étrangers, par exemple, une pression exercée sur l’université de Paris pour faire écarter des grades théologiques quiconque ne jurerait pas de défendre et de tenir à jamais l’opinion du délai de la vision. Assertion fausse, dont Adrien VI, encore simple théologien, s’est fait malencontreusement l'écho. Qumstiones in IV Sententiarum, in-fol., Paris, 1516, De sacramento con/irmatwnis, fol. 23.

V. La définition ; sa portée et les attaques dont elle A été l’objet. — Le successeur de Jean XXII avait été très intimement mêlé à la controverse dont nous avons vu l’origine et le développement. Juge dans l’affaire de Thomas VValleis, consulté par le papeau sujet de l’ouvrage incriminé de Guillaume Durand, il avait condamné leurs erreurs ou relevé leurs conceptions moins heureuses, mais en partageant leur doctrine sur la vision béatifique immédiate. Aussi l’une de ses premières préoccupations comme souverain pontife fut de terminer la controverse. Dès le 2 février 1335, cinq semaines après son exaltation, il affirma publiquement dans un sermon que les âmes saintes voient clairement l’essence divine. Deux jours plus tard, il tint un consistoire où il convoqua ceux qui avaient prêché l’opinion contraire, et leur fit exposer leurs raisons. Le 17 mars, il publia le projet de bulle, où son prédécesseur avait, avant de mourir, affirmé sa croyance à la vision béatifique des âmes entrées au ciel. Enfin, il désigna, pour examiner avec lui cette question, une vingtaine de théologiens, parmi lesquels on distinguait Pierre de la Palu avec un autre dominicain, et Gérard Eudes avec cinq religieux de son ordre. Denifle, op. cit., p. 441, 453. Pour s’occuper plus librement de cette grande affaire, il se retira, le 4 juillet, à son château du Pont-deSorgues, prés d’Avignon.

Là, Benoît XII fit réviser avec le plus grand soin le traité De statu animarum ante générale judicium qu’il avait composé au temps de son cardinalat, ouvrage considérable et divisé en si livres, dont Raynaldi donne de longs extraits, an. L335, n. 9 sq. ; an. 1336, n. 4 sq., t. vi, p. 27 sq., ô : t sq. Après une préface où se trouvent de précieux renseignements sur l’objet et la marche de la controverse, l’auteur parlait des points unanimement admis, à savoir l’entrée immédiate des âmes justes dans le royaume des ci. n ri le paradis, la possession du repos éternel et la vision de Jésus-Christ dans sa gloire, poni' démontrer aux adversaires qu’ils devaient

logiquement conclure a la jouissance parées âmes de la

ision béatifique, et à l’exclusion en elles de la foi et de 1 1. pi rance propre me ni dites, l.es preuves étaient tirées de

la sainte Écriture : Luc, xxiii, 43 ; Joa., XVII, 24 ; Heb., IX, 17 sq. ; x, 19 sq. ; I Cor., xiii, 8 sq. ; II Cor., V, 6 sq. ; Phil., i, 23 ; des saints Pères et des docteurs, Ainbroise, Augustin, Grégoire, Bède, Bernard, Thomas d’Aquin, Bonaventure et quelques autres ; des offices dont l'Église fait usage aux fêtes des bienheureux. Le IP livre avait pour objet d'établir que les âmes des hommes morts en état de péché mortel commis par eux sont dès maintenant dans l’enfer, et qu’elles y sont tourmentées par le feu de l’enfer non moins qu’un certain nombre de démons. Dans le IIIe livre, Jacques Fournier établissait qu’après le jugement général la béatitude des âmes croîtra, comme leur connaissance, et que pareillement il y aura pour les méchants accroissement de supplice. Dans le livre suivant, il répondait aux difficultés proposées par les adversaires, et renversait une à une les autorités dont ils se servaient. Dans le Ve, il combattait les raisons de ceux qui prétendaient qu’actuellement il n’y a pas de démons en enfer. Dans le dernier livre, enfin, il réfutait l’opinion soutenant le délai des peines de l’enfer, et complétait ce qu’il avait déjà dit sur ce sujet dans le IIe livre. Plus tard, quand il se décida à publier cet ouvrage, Benoit XII déclara que, sauf les points définis dans la constitution Benediclus Deus, on devait y voir non des oracles pontificaux, mais l'œuvre d’un théologien.

Le pape resta près de quatre mois au château du Pont-de-Sorgues. Cette longue étude et ce rigoureux examen l’avaient confirmé dans sa résolution de trancher le débat. Le 29 janvier 1336, il procéda à la définition, in sollemni missarum celebritate satis cmrentonialiter, dit la seconde des vies de Benoît XII, éditées par Baluze, op. cit., p. 217. La portée de cette définition est maintenant facile à déterminer. La controverse avait roulé sur deux questions principales : l'état précis des âmes justes, et celui des âmes pécheresses séparées du corps. Mais, comme l’indique Benoit XII dans la préface de son grand traité et dans le préambule même de sa constitution, à ces questions principales s’en étaient rattachées d’autres, soit logiquement, soit incidemment. On peut ainsi, dans la controverse relative aux âmes justes, distinguer cinq points : 1° Depuis la mort et l’ascension du Sauveur, les âmes pures ou complètement purifiées voient-elles l’essence divine clairement et face à face, avant le jugement dernier et la résurrection des corps ? 2° Cette vision et la jouissance qui l’accompagne constituent-elles, pour les âmes des justes, la vraie béatitude, la vie et le repos éternels ? 3° La foi et l’espérance, en tant que vertus théologales, subsistentelles en ces âmes ? 4° La vision que possèdent maintenant les bienheureux au ciel, cessera-t-elle après le jugement dernier, pour faire place à une autre vision d’un ordre supérieur ? 5° Cette vision, sans cesser, deviendrat-elle au moins plus parfaite ? De ces questions, quatre ont été résolues par la constitution Bénédictin ; Deus, la première et la seconde dans le sens aflîrmatit, la troisième et la quatrième dans le sens négatif. Mais la cinquième n’a pas été tranchée ; elle reste sujet de libre discussion parmi les théologiens catholiques. Le plus grand nombre n’admet pas d’accroissement, sous le rapport de l’intensité, dans la béatitude essentielle ou la vision béatifique. Suarez, De ultimo fine honiinis, disp. XIII, sect. ii, n. 4. Les autres sont d’un avis contraire, et Benoit XII soutenait personnellement ce second sentiment. Moins nombreuses étaient les questions engagées dans la controverse relative à l'état des damnés ; elles se réduisaient aux trois suivantes : 1° Avant le jugement dernier, les âmes pécheresses vontelles en enfer, non dans un sens quelconque, mais pour y subir dès maintenant les peines infernales, el notamment la peine du feu ? 2° Les damnés souffrirontils davantage en leurs âmes après la résurrection des corps ? 3° Où sont lès démons ? Y ena-t-ildéjà en enfer,