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BENOIT XII

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harmonie entre ce prince et le roi de Portugal, il fit prêcher la croisade contre’les mahométans d’Afrique qui, en 1339, avaient envahi la péninsule ; la brillante victoire remportée par les croisés à Tarifa, le 30 octobre 13M), récompensa le zèle du pontife. Enfin, divers actes témoignent de l’intérêt que portait Benoît XII aux missions étrangères et aux chrétiens d’Orient. En 1338, il envoie des nonces et des lettres apostoliques au grand Khan des Tartares et à l’empereur de la Chine. L’année suivante, il reçoit de l’empereur grec Andronique une ambassade, restée célèbre par le mérite personnel du principal négociateur, le moine basilien Barlaam de Seminara. P. G., t. cli, col. 1 2 13 sq. Voir col. 407. Malgré les dispositions conciliantes de l’envoyé, cette démarche n’eut pas de résultat sérieux ; le pape jugea, non sans fondement, que la réunion des Églises n’était qu’un prétexte, et que le but réel d’Andronique était d’obtenir des secours pour se défendre contre les Turcs. Raynaldi, op. cit., an. 1339, n. 19 sq., t. VI, p. 167 sq. ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1873, t. IX, p. 513 sq.

Sur le terrain politique, Benoît XII fit preuve de tendances conciliantes. Non seulement il ne renouvela pas l’anathème lancé par Jean XXII conlre Louis de Bavière, mais, dans le mois qui suivit son avènement, il fit faire à ce prince des propositions de paix. Par deux fois, au printemps de 1335 et à l’automne de 1336, des négociations s’ouvrirent ; elles auraient abouti sans l’opposition formelle et même violente du roi de France, Philippe de Valois, secondé par les cardinaux qu’il tenait sous sa dépendance, et par les rois de Naples, de Bohême, de Hongrie et de Pologne. La polémique recommença, plus passionnée que jamais, entre les partisans du pape et ceux de Louis de Bavière. Bientôt de nouveaux obstacles surgirent, surtout quand les électeurs de l’empire, réunis à Rense, eurent déclaré, le 16 juillet 1338, que l’empereur tient ses droits à la couronne du seul fait de son élection ; c’était refuser au pape le droit de confirmation, sans distinguer suffisamment entre le royaume et l’empire. Excité par les franciscains schismatiques qui s’étaient réfugiés à sa cour, Louis serait même allé plus loin, le 8 août suivant, en proclamant dans la constitution Licet juris utriusque testamenta, révoquée en doute par quelques-uns, que l’empereur ne pouvait pas être jugé par le pape, mais que le pape pouvait l’être par un concile œcuménique. Voir sur ces actes et les difficultés historiques qui s’y rattachent, .1. Ficker, Zur Geschichte des Kurvereins zu Rense, dans Sitzungsberichte der Wiener Akademie, 1853, p. 673 sq. ;, 1. Hergenrother, Kaiholische Kirche und christlicher Slaat, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p.’210 sq. ; Hefele, op. cit., t. îx, p. 534 sq. Enfin tout espoir d’accommodement s’évanouit quand, malgré toutes les représentations du pape, l’empereur résolut de marier son fils aîné, Louis de Brandebourg, avec l’héritière de la Carinthie et du Tyrol, Marguerite Maultasch ; il bravait ainsi les plus sévères lois de l’Église, car la princesse n’avait pas craint d’abandonner, pour cause d’impuissance prétendue, son mari, Jean-Henri de Bohème, et de plus il existait entre elle et le prince Louis un empêchement de parenté.

Le désir de la paix ne venait pas seulement chez Benoit XII de son caractère doux et conciliant ; il se rattachait encore à deux grands desseins. Il aurait voulu secourir les saints lieux ; mais il dut abandonner ce projet de croisade, quand éclata entre la France et l’Angleterre la funeste guerre dont l’avènement de Philippe de Valois fut le point de départ. L’autre dessein était de rétablir le trône apostolique au delà des monts. Dès le lendemain de son élection, Benoît avait donné des ordres pour faire restaurer, entre autres monuments, le palais de Latran et l’église de Saint-Pierre. Le 6 juillet 1335, il promit aux envoyés romains de retourner

dans leur ville. Au sortir d’une grave maladie, il se proposait enfin de donner à cette promesse un commencement d’exécution en transportant sa résidence à Bologne, quand les intrigues du roi de France, jointes à l’état de trouble où se trouvait l’Italie et aux dispositions malveillantes des Bolonais, le firent changer d’avis. En vain Pétrarque lui adressa-t-il cette célèbre épitre en vers latins où, sous les traits d’une antique matrone, Rome représentait éloquemment au pape son époux l’état d’humiliation et de misère où son abandon l’avait réduite. Benoit XII ne cessa pourtant pas de s’intéresser vivement à Rome et à l’Italie ; il eut la consolation, à partir de 1339, de voir successivement revenir à l’obédience pontificale Vérone, Bologne, Milan et autres villes de Lombardie qui s’étaient ralliées à Louis de Bavière. Pour mieux assurer ce résultat et empêcher de plus graves désordres, il transmit alors une sorte de vicariat de l’empire aux chefs des plus puissantes familles de la haute Italie. Liber ponlificalis, édit. Duchesne, Paris, 1892, t. il, p. 486.

Le nom de Benoit XII reste attaché au palais des papes d’Avignon. Quand il eut renoncé définitivement à quitter cette ville, il jeta, en 1339, sur le rocher de Notre-Dame-des-Dons les fondements de ce monument grandiose, et fit appel, pour le construire, aux meilleurs ouvriers d’Italie. Le célèbre peintre Simon Martini, de Sienne, exécuta dans le nouveau palais les fresques qui représentent l’histoire des martyrs. Voir F. Ehrle, S. J., Historia bibliothecae romanorum pontificum tum bonifatianee tum avenionensis, in-4°, Rome, 1890, t. I, p. 587 sq. Fidèle aux traditions de ses prédécesseurs, le troisième pape d’Avignon ne favorisa pas moins les belles-lettres que les beaux-arts ; il encouragea les littérateurs et les savants, et développa la bibliothèque des papes. Ibid., p. 182, 561, 602 sq. On a vu plus haut combien il avait à cœur le progrés des études sacrées et en quelle estime il tenait les universités ; celle de Grenoble lui doit son institution. H. Uenifle, Die Universitàlen des Miltelalters bis 4400, in-8°, Berlin, 1885, t. i, p. 365.

Benoit XII mourut le 25 avril 1341, laissant « la mémoire d’un homme savant, juste et modéré » . S. Berger, Encyclopédie des sciences religieuses, in-8°, Paris, 1877, t. il, p. 187. Sa dépendance à l’égard du roi de France ne lui laissa pas toujours, il est vrai, toute sa liberté d’action ; mais, quand les sollicitations des cardinaux et des princes séculiers lui paraissaient contraires à la justice, son amour du devoir le rendait inllexible : Iste vero non timebat quemquam, quando jus et justitia non servaretur ubique per universum. Liber ponlificalis, loc. cit. Malgré sa vie notoirement irréprochable et la vénération qui s’est attachée au souvenir de ce digne pontife, la calomnie n’a pas épargné Benoit XII ; mais il suffit de remarquer, avec un auteur protestant, quels ont été ses accusateurs : des franciscains schismatiques et des partisans de Louis de Bavière, des moines et des clercs mécontents des mesures réformatrices du pape cistercien, des patriotes italiens qui haïssaient en lui l’étranger. A de telles voix on peut opposer sans crainte le véritable témoignage de l’histoire. Voir Gregorovius, Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, in-8°, Stuttgart, 1867, t. vi, p. 223 ; Baluze, Vitse paparum avenionensium, Paris, 1693, t. i, notes, p. 825, 829.

I. Œuvres. — i° Théologie. — Dicta et responsiones fratris Jacobi Ut. S. Priscse presb. card. ad articulos datas per dom. Johannem XXII ex dictis fr. Ekardi, mag. Guillelmi de Ocham, fr. Pétri Johannis [Olivi], abbatis Joachim super Apocalypsin et mag. Michælis de Sezena, cf. Ehrle, op. cit., p. 316, 499, et pour extraits, Eymeric, Directorium inquisitorum, part. II, q. xvii, Rome, 1585, p. 313 sq. ; De statu atrimarum ante générale judicium, ouvrage divisé en six traités et dont il sera question plus loin, Biblioth. Vatic, ras. lat. 4006, fol. 16-218, extraits dans Raynaldi, op. cit., an. 1335, n. 9 sq. ; an. 1336, n. 4 sq., t. vi, p. 27 sq., 53 sq. ; Qusestiones undecim ejusdern