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BAIUS


être considéré comme l’idée-maîtresse de Bains, pour envisager sa doctrine d’un point de vue purement Historique, la solution nous est fournie par ce que nous savons déjà de sa méthode et de l’exclusivisme avec lequel il l’appliqua. C’est en lisant et en interprétant par lui-même les écrits de saint Augustin que le docteur lovaniste s’est formé l’ensemble de ses idées ; habituellement il se sert, pour les exprimer, des propres expressions de l’évêque d’Hippone. Extérieurement le système se présente donc comme augustinien. Toute la question était de savoir si le disciple avait compris et bien rendu le maître ; s’il n’avait pas interprété en dehors de leur base historique des formules susceptibles de plusieurs sens, par exemple, cette expression de justitia naturalis appliquée par saint Augustin et les anciens Pères aux dons de la nature innocente.

Question d’autant plus grave que sur des points de grande importance, Baius était arrivé à des conclusions inconciliables avec la doctrine du concile de Trente, et que, sur d’autres points, il laissait dans l’ombre, pour ne rien dire de plus, ce que les Pères de ce concile avaient au contraire mis en relief ; telle, par exemple, dans le traité de la justification, l’existence de la grâce habituelle, considérée comme principe intérieur de rénovation spirituelle et réalité distincte du Saint-Esprit et de nos propres.actes. Notion difficile à retrouver dans Baius, qui s’arrête à l’acte de charité, et laisse non seulement à l’arrière-plan, mais même en question, la charité habituelle entendue d’un Iiabitus ou principe permanent.

Circonstance aggravante, sur plusieurs de ces points le théologien augustinien se trouvait en contact avec Luther et Calvin, ou du moins se rapprochait beaucoup de leurs positions. Sans doute, il est souvent en désaccord formel avec eux ; il maintient l’existence du libre arbitre et des mérites, établit longuement que la justice ne consiste pas dans la seule rémission des péchés, et défend l’eucharistie et les autres sacrements de l’Église catholique. Mais il n’en est plus de même, quand il nie le caractère surnaturel de l’état primitif, quand il place l’essence du péché originel dans la concupiscence et voit dans les mouvements indélibérés de la chair de vraies désobéissances à la loi, quand il soutient que l’homme tombé n’a plus de puissance pour le bien dans l’ordre moral et ne peut que pécher.

Nous retrouverons plus tard d’autres points de contact entre Baius et les novateurs, mais ce qui précède suffit pour expliquer que les théologiens traditionnels ne pouvaient rester indifférents en face des doctrines baianistes et que tôt ou tard le magistère ecclésiastique devrait nécessairement intervenir.

III. Première condamnation de Baius par saint Pie V. — Après la publication des écrits de Baius, le feu mal éteint se ralluma plus vivement ; un grand nombre de propositions furent relevées et attaquées. Josse de Ravestein, appelé aussi Tiletanus, celui-là même qui avait été député au concile de Trente avec Buard Tapper, écrivit à ce sujet à fray Lorenço de Villavicencio, de l’ordre des ermites de saint Augustin. Dans cette lettre, partie de Louvain à la date du 20 novembre 1564, il signale particulièrement la doctrine relative au fondement du mérite, aux dons de l’état primitif et à la concupiscence ; en terminant il émet l’idée d’une démarche auprès de Sa Majesté Catholique. Fray Lorenço répondit à cet appel ; le 25 novembre, il écrivit de Bruxelles au roi d’Espagne pour dénoncer le livre de Baius et demander qu’il fût déféré aux universités d’Alcala et de Salamanque. Gachard, Correspondance de Philippe Il sur les affaires des Pays-Bas, Bruxelles, 1851, t. il, p. xx. On sait par deux lettres postérieures, l’une du cardinal de Granvelle, l’autre de Morillon, et par une allusion de Baius dans sa letlre au cardinal Simonetla, qu’il y eut réellement censure ; mais on n’a point de détails sur

les propositions atteintes ni sur la nature du jugement. Il semble cependant que, dans son Augustimanum systema, diss. II, c. i, Berti nous ait conservé une partie de la censure des deux universités ; elle a rapport aux dons de la première création et aux mérites dans l’état d’innocence. Opus de theologicis doctrinis, in-4°, Bassano, 1792, t. viii, p. 377.

Ravestein crut aussi le moment venu d’attirer l’attention du saint-siège, sur les nouvelles doctrines ; il lit porter à Rome par le P. Godefroy, cordelier de Liège, un certain nombre de propositions. Pie IV étant mort en 1565. et saint Pie V lui ayant succédé, le 7 janvier 1566, de nouvelles propositions furent dénoncées, en même temps que le roi d’Espagne insistait auprès du pape pour obtenir un jugement décisif. La cause fut instruite, et le 1 er octobre 1567, saint Pie V signa la bulle Ex omnibus af/lictionibus, où se trouvaient proscrites soixante-seize ou, suivant la division actuelle, soixante-dix-neuf proposilions, « comme hérétiques, erronées, suspectes, téméraires, scandaleuses et offensives des oreilles pies, le tout respectivement. » Pour comprendre avec quelle modération on procéda en toute cette affaire, il suffit de lire la lettre écrite, le 13 novembre de la même année, par le cardinal de Granvelle qui se trouvait alors à Borne ; elle explique et justifie ce jugement porté sur l’acte de saint Pie V par dom Thuillier, dans une histoire, en partie inédite, de la constitution Unigenilus : « Bulle respectable par la sainteté de son auteur, par la grande réputation de l’école dans laquelle il avait été élevé et par les matières qu’elle renferme. Elle l’était encore plus, s’il était possible, par la sagesse, la prudence et la bonté qui l’avaient dictée. Baius n’était point nommé ; s’il y est désigné, il l’est, comme étant d’une probité et d’une capacité reconnue. Ses ouvrages n’étaient point cités ; les propositions n’étaient condamnées que respectivement, et cette condamnation était adoucie par les traits les plus marqués. Elle ne fut point imprimée, quoique ce fut l’usage ordinaire. »

Les propositions condamnées dans cette bulle feront l’objet d’une étude spéciale. Quelques remarques seulement sont nécessaires dès maintenant, pour bien saisir le développement historique de la controverse. La principale a trait à la fameuse clause qui suit les propositions et précède leur qualification : Quas quidem sententias stricto coram nobis examine pondcratas quanquant nonnullse atiquo pacto sustineri possent in rigore et proprio verborum sensu ab asserloribus intento hæreticas erroneas suspectas temerarias scandalosas et in pias aures offensionem imminentes respective… damnamus. .. Ainsi lit-on dans la copie de la bulle qui fut envoyée plus tard à Louvain. Voir Les llexaples ou les six colonnes sur la constitution Unigenitus, Amsterdam, 1721, t. il, p. 891. Écrite sans ponctuation, suivant l’usage de la chancellerie apostolique, cette phrase donnera lieu à la fameuse controverse sur la virgule ou comma pianum. Coupée en effet, après ces mots : sustineri possent, ou après ces autres mots : sensu ab asserloribus intento, la phrase prend un sens tout à fait différent :

1 » Virgule après les mots : 2* Virgule après le mot :

sustineri possent. »itcutt>.

Toutes ces propositions, nous Toutes ces propositions, nous les condamnons prises à la les condamnons comme hérérigueur des termes et dans le tiques, erronées, etc., bien quesens propre des mots tel que quelques-unes puissent d’une, l’ont eu en vue ceux qui les ont certaine façon se soutenir à la avancées, comme hérétiques, rigueur dos termes et dans lo erronées, etc., bien que quelsens propre des mots tel que ques-unes puissent se soutenir l’ont eu en vue ceux qui les d’une certaine façon. ont avancées.

Les mots in sensu ab asserloribus intento montrent que les proposilions censurées ne sonl point attribuées à un seul auteur. C’est ce que confirme le préambule où