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BELLARMIN

uti volait auxiliis, altcr non nombreux, parce que, usant de

voluit. sa liberté native-, l’un a voulu

profiter des secours, et l’autre

ne l’a pas voulu.

Divisio auxilii in efficax et La division de la grâce en

inefficax ab efiectu et arbitrii efficace et inefficace dépend

libertate pendet ; cum ille asde l’effet et du libre arbitre ;

sentitur lit efficax, cum rejiciquand on y consent elle devient

tur lit inefficax, efficace, et quand on la rejette

elle devient inefficace.

Bellarmin estime que, prises à la lettre, les deux premières propositions sont fausses ; car celui qui résiste à la tentation ne le fait pas en vertu de sa seule liberté, mais en vertu de la congruité du secours qu’il a reçu ; pareillement, si quelqu’un se sauve, ce n’est pas à sa seule liberté, mais à la congruité des grâces reçues qu’il faut l’attribuer. Cependant les deux assertions sont susceptibles d’une interprétation raisonnable et fondée sur saint Augustin, De civitate Dei, 1. XII, c. vi, P. L., t. xi.i, col. 354. Mais la 3e proposition surtout déplaît à Bellarmin ; il n’y reconnaît pas la vraie notion de la grâce efficace, considérée en elle-même ou dans sa vertu propre et distincte du consentement de la volonté. La grâce efficace doit être telle in actu primo et par conséquent renfermer un élément d’ordre sinon physique, du moins moral, qui en fasse un bienfait plus grand, un don divin plus appréciable que la grâce purement suffisante. Cet élément d’ordre moral, Bellarmin le ramène à la congruité du secours ou appel divin, gratta congruie vocationis sive excitationis. Recognitio, 1. I, c. xii ; 1. VI, c. xv. Ainsi, ses exigences et ses conceptions personnelles se réduisaient à ce qu’on appelle communément le congruisme, appliqué directement à l’explication de l’efficacité de la grâce in actu primo, mais supposant en outre, dans la pensée du cardinal, l’élection à la gloire comme logiquement antérieure au choix des grâces et la prédéfinition formelle de tous nos actes bons. Voir sur cette question délicate l’article Congruisme. Le célèbre décret, porté par le P. Aquaviva le 21 décembre 1613, eut Bellarmin pour principal instigateur ; dans son ensemble, cet acte répondait pleinement à ses vues, qui étaient aussi celles de Suarez. Denzinger, Enchiridion, n. 964.

Il serait inutile de nous arrêter au prétendu augustinisme de l’auteur des Controverses. Si l’on entend le mot dans son acception baianiste et janséniste, la conduite de Bellarmin pendant son professorat de théologie à Louvain, son apologie en faveur de Lessius, la réfutation manuscrite des propositions de Baius condamnées par saint Pie V, la doctrine même des Controverses donnent aux assertions intéressées de Quesnel un démenti éclatant. La note d’augustinisme pourrait uniquement s’appliquer à cette disposition d’esprit, très réelle et très réfléchie, qui portait l’auteur des Controverses â s’attacher étroitement à saint Augustin et à suivre dans les questions discutées ce qu’il jugeait être la pensée de ce grand docteur. Comme exemple qu’il suffise de citer ici son opinion sur la douleur qu’éprouvent les enfants morts sans baptême. De amissione gratiæ et statu peccati, 1. VI, c. VI. Opinion qui a fourni l’occasion d’une violente attaque contre le cardinal, dans la Conteniporary Review, Londres, 1871, t. xxii, p. 525, 992, puis d’une réplique à cette attaque dans une brochure, publiée au même endroit et la même année par W. Ilmnphrey, sous ce litre : M T Fitzjamesand cardinal Bellarmin, in-8° de 32 pages.

/II. INFLUENCE ET AUTORITÉ uE BELLARMIN. — L’inlluence exercée par l’auteur des Controverses est un fait notoire, qu’il s’agisse des catholiques ou des protestants. Dès qu’il parut, le cardinal liarollius salua avec enthousiasme « ce très noble ouvrage, nobilissi mum plane opus, qui serait dans l’Église eu ie cette

forteresse bâtie par David, où Ion voyait suspendus

milleboucliers et toute l’armure des vaillants » . Annales, an. 53, n. 32, édit. Pagi, Lucques, 1738, t. i, p. 396. Le présage s’est réalisé ; fréquente, dans la suite, est cette comparaison des Disputationes de controversiis christianse fidei â un arsenal où les défenseurs de l’Eglise catholique sont allés chercher ou cherchent encore leurs meilleures armes ; car, suivant le mot de Montague, loc. cit., les coutroversistes tirent presque tout de lui, ut ab Homero poetse. De ce point de vue, on a justement rapproché les deux grands cardinaux de Clément VIII, qui vécurent en amis et rivalisèrent de vaillance pour la défense du siège apostolique ; « Dans la lutte engagée alors entre le catholicisme et le protestantisme, et à laquelle les jésuites prirent une part si active et si décisive, lit-on dans la Grande encyclopédie, Bellarmin partage avec Baronius l’honneur d’avoir lourni aux détenseurs de l’Église romaine leurs armes les plus puissantes. Ce que Baronius fit pour l’histoire, par ses Annales ecclesiastici (1588), Bellarmin l’avait fait, dès 1581 (), avec une valeur plus grande, pour la controverse théologique, par la publication de ses Disputationes. » La lettre adressée à Bellarmin par le cardinal du Perron, au mois de février 1605, montre assez quelle estime il faisait de cette œuvre capitale ; il y rappelait l’ordre qu’il avait donné à son secrétaire, Chastillon, d’en commencer la traduction française. Couderc, op. cit., t. I, p. 118 sq. Cette estime du grand cardinal français pour l’œuvre de Bellarmin ne saurait être infirmée par la critique de portée restreinte que lui attribue le collectionneur des Perroniana et qu’on retrouve dans Bayle, op. cit., p. 276. Pour ce qui est des protestants, un lait singulier témoigne de l’émotion produite dans leur camp par l’apparition des Controverses : pendant plus d’un demi siècle, cet ouvrage fut le point de mire de leurs principaux théologiens, â tel point qu’il n’en est peut-être pas un qui n’ait alors publié un écrit ou brisé quelques lances contre Bellarmin. En 1600, David Parée fonde à Heidelberg un Collegium anlibellarminianum ; vers le même temps, la reine Elisabeth faisait donner, dans le même dessein, des leçons à Cambridge et à Oxford. On peut voir dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, loc. cit., le titre tte près de deux cents ouvrages, soit pour, soit surtout contre les Controverses.

L’inlluence du cardinal ne fut pas moins grande dans la lutte entre théologiens gallicans et théologiens pontificaux. On l’a nommé « le docteur éminent du catholicisme ultramontain » . Appellation équivoque en ce qui est du terme de catholicisme ultramontain, mais il est vrai que, dans la lutte qui se rattache à cet ordre d’idées, le nom de Bellarmin tient un rang d’honneur. Bossuet le prouve, dans sa Dcfensio déclarai ion is cleri gallicani, par ces expressions et autres du même genre qui courent sous sa plume ; Bellarminus, quo uno vel maxime adversariorum causa nitilnr ; Bellarminus, cui suo more accinunt alii, part. II, 1. V, c. XIV, xxx. Jean de Launoy le prouve aussi, mais dans un tout autre esprit que Bossuet, en traitant l’auteur des Co ?itroverses comme l’adversaire de prédilection. Anti-ISi’llarminus Joannis Launoii, sive De fensio liber tatu.rn Ecclesiæ gallicanæ, in-4°, Deventer, 1720. Dollinger et Reusch constatent, non sans une certaine amertume, que des doctrines soutenues par le cardinal jésuite et traitées par les théologiens gallicans d’opinions ultramontaines, les plus importantes sont devenues au concile du Vatican des dogmes officiels : telles, l’infaillibilité du pape et le caractère trréformable de ses jugements ex cathedra, sa plénitude dejuridiction ordinaire et immédiate sur toute l’Église, sa supériorité par rapport au corps entier de l’épiscopat. La doctrine du pouvoir indirect sur le temporel n’est pas dans les mêmes conditions ; mais, quand on admet la primauté du pontife romain dans son intégrité, et la surboidination né-