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BELLARMIN

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d’archiprètre, le 1° février 1008. Le roi Jacques n'était pas resté indifférent à tous ces actes ; il avait voulu descendre dans l’arène comme polémiste. Au commencement de 1008 parut à Londres une apologie du serment intitulée : Triplici nodo triplex cuncus, mais sans nom d’auleur et avec une préface signée par l’aumônier royal L. Cicestriensis, c’est-à-dire Lancelot Andrewes, évêque de Chichester. Par le triple nœud, auquel il opposait son triple coin, Jacques I er entendait les deux breis pontificaux et la lettre du cardinal Bellarmin ; mais il attaquait surtout ce dernier, comme s’il eût eu la coquetterie de se mesurer avec un homme auquel il donnait l'épithéte de viri eruditione clarissimi. Telle fut l’occasion de la Réponse au livre intitulé : Triplici nodo triplex cuneus ; elle parut à Cologne, sous le nom de Mathieu Torti, chapelain du cardinal.

Le royal polémiste ne se tint pas pour battu ; après s'être enfermé pendant un mois avec ses théologiens, il fit quelques corrections à son ancienne apologie et la publia de nouveau, mais en y mettant son nom et en l’augmentant d’une préface pompeusement dédiée à l’empereur Rodolphe II, à tous les monarques et rois, à tous les princes, états et ordres de la chrétienté. Il essayait de les convaincre tous qu’il s’agissait d’une cause commune, le débat portant sur les droits et la dignité de ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir suprême. A son tour le théologien du saint-siège reprit la plume et, en 1609, fit paraître à Rome Y Apologie de sa Réponse au livre du roi Jacques. Celui-ci ne redescendit pas dans l’arène ; son aumônier l'évêque Andrewes, continua la lutte par la publication de sa Tortura Torti, Londres, 1609. Bellarmin ne manqua pas de défenseurs ; à leur tête se signalèrent deux membres de son ordre, André Eudoemon-Joannès et Martin van der Beeclt ou Becanus, qui publièrent, celui-ci à Mayence, en 1610, une Refutatio torturas Torti, et le premier à Cologne, en 1611, son Parallelus Torti et tortoris ejus L. Cicestriensis. Le cardinal lui-même faillit rentrer en scène, à propos d’un ouvrage intitulé Apologia cardinalis Bellarmini pro jure principum, Cosmopoli [Londres], 1611. Le livre portait le nom de Roger Widdrington, pseudonyme de Thomas Preston, supérieur des bénédictins anglais ; telle était du moins l’opinion commune, avant la rectification publiée récemment par dom E. Taunton, dans English hislorical Review, janvier 1903, t. xviii, p. 116 sq. Comme Widdrington prétendait soutenir la légitimité du serment d’allégeance en se servant des principes mêmes de Bellarmin, celui-ci prépara une réponse ; mais le pape Paul V jugea prudent d’en ajourner la publication. Malgré la mise à l’index de ses écrits, Widdrington revint plusieurs fois à la charge. Diclionary of national biograpliy, édité par Lestie Stephen, Londres, 1900, t. lxi, p. 182. De la sorte, le débat relatif au serment de fidélité se poursuivit en dehors des deux premiers combattants. Voir J. de la Servière, De.lacobo 1 Angliee rege cum cardinali Roberto Bellarnnno S. J. super potestate cum regia tum ponlificià disputante, in-8°, Paris, 1900.

10° Controverse gallicane, 1610-1012. — Cette nouvelle lutte eut pour point de départ la publication faite en 1609, à Londres d’abord, puis à Pont-à-Mousson, d’un ouvrage anonyme, intitulé : De potestate papæ, an et quatenus in reges et principes sœculares jus et imperium habeat. C'était l'œuvre posthume d’un juriste de renom, Guillaume Barclay. Voir col. 389. L’auteur proclamait l’indépendance absolue de la puissance civile et de la puissance ecclésiastique ; il attaquait tous ceux qui attribuaient au pape un pouvoir quelconque dans les choses temporelles, mais prenait tout particulièrement à partie l’auteur des Controverses pour la doctrine contenue dans le traité De roniano pontifice, 1. V, c. vi sq. L’année même où il fut publié, ce livre fut mis à l’index par décret du 9 novembre ;

mais, parce que venant d’un catholique de marque, il ne pouvait manquer d’exercer de l’influence dans les controverses qui s’agitaient alors, une réponse parut nécessaire. De là, en 1010, le Traité de la puissance du souverain pontife dans les choses temporelles, contre Guillaume Barclay. Bellarmin y défendait longuement, en la donnant comme doctrine catholique, la thèse du pouvoir indirect, conférant au pape le droit de déposer les princes apostats ou hérétiques.

L’ouvrage du cardinal fut déféré au parlement de Paris, puis prohibé le 26 novembre, après un long réquisitoire de l’avocat royal Louis Servin, où celui-ci avait relevé les passages attribuant aux papes « la puissance aux choses temporelles » avec le droit de déposer les rois, et ceux où Bellarmin disait « son avis sur l'établissement des puissances royales, ou autres souveraines » . Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1728, t. il b, p. 19 sq. Cet arrêt froissa extrêmement le pape Paul V ; on voit par ses lettres et celle du cardinal Borghèse au nonce de Paris avec quelle insistance il en demanda l’abrogation. Læmmer, op. cit., p. 293 sq. Bellarmin écrivit lui-même à la reine régente, Marie de Médicis, et celle-ci évoqua l’affaire à son conseil : intimidée par la résistance du premier président, Achille de Harlay, elle n’osa pas casser l’arrêt, mais elle en suspendit l’exécution. J.-M. Prat, Rechercltes historiques et critiques sur la Compagnie de Jésus en France du temps du P. Coton, in-8°, Lyon, 1876, t. iii, p. 310 sq. Ce fut pour ne pas exciter davantage le parlement, que Paul V ajourna la publication de la réponse préparée par le cardinal contre Roger Widdrington. Jean Barclay, de son côté, fit paraître en 1612 une apologie en faveur de son père et de la cause qu’il avait soutenue : Pietas, sive publicse pro regibus et principibus et privalse pro Guilielmo Barclaio parente vindicise adversus Bellarminum. Ce nouveau livre fut mis à l’index l’année suivante ; mais le soin d’y répondre fut laissé au P. Eudæmon-Joannès. Les faits justifièrent ces mesures de prudence ; un théologien de Cologne, Adolphe Schuleken, ayant publié en 1613 une réfutation de Widdrington sous le titre à' Apologia pro illustrissimo Domino D. Roberto Bellarmino, S. R. E. card., de potestate romani ponlijicis temporali, l’ouvrage fut condamné par le parlement et, sur l’ordre du prévôt de Paris, brûlé en place de Grève. Le même sort échut aux livres de Lessius, Becanus, Suarez et autres qui parurent à la même époque pour défendre les droits du pape ou soutenir l’opinion des scolastiques sur l’origine du pouvoir civil.

11° Les dix dernières années, 1612-1621 ; Bellarmin et Galilée. — Pendant la période de lutte qu’on vient de parcourir, le cardinal était demeuré à Boine, occupé surtout aux travaux des nombreuses Congrégations dont il faisait partie. Il eut la joie, en 1609, d’assister à l’heureuse conclusion d’une cause à laquelle, de concert avec son grand ami le cardinal Baronius, il s'était consacré de tout son co’ur, la béatification du fondateur de la Compagnie de Jésus, Ignace de Loyola. Aux occupations principales s’en ajoutaient d’autres dont il serait superflu de parler en détail ; tels par exemple, l’administration pendant quatre ans (27 novembre 100714 octobre 1611) du diocèse de Montepulciano, et le protectorat non moins actif que fécond de l’ordre des célestins. Epist. famil., lx, xciii, xcix, cxiv, cxxix, CLI, clvi. Deux écrits méritent d'être signalés : le commentaire sur les psaumes, publié en 1611, et le mémoire autobiographique que Bellarmin composa en 1613, sur les instances du P. Eudœmon-.Ioannès et du P. MutiusVittelleschi, alors assistant d’Italie, et qui, dans l’intention de ce dernier, devait servir comme source de renseignements pour l’histoire de la Compagnie de Jésus. E. Morin, La vie du cardinal Bellarmin, préface, in-S°, Paris, 1625 ; Bartoli, Dellavila di Roberto curdi-