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RELLARMIN


dominicains était plus dangereuse que celle de Molina. Autob., appendice. Banez ayant adressé, le 28 octobre 1597, une supplique au souverain pontife, pour solliciter en laveur de son ordre l’exemption de la loi du silence qui venait d’être imposée aux deux partis, Bellarmin, invité à répondre, réfuta les raisons alléguées et montra qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour les uns au détriment des autres. Voir la requête de Banez et la réponse de Bellarmin dans Liévin de Meyer, S. J., Historia controversiæ de divinse gratise auxiliis, 2e édit., in-fol., Venise, 1742, t. i, p. 798 sq. Enlin, dans une lettre adressée à Clément VIII en 1598, il exposa ses vues sur les moyens propres à terminer le débat : il lui semblait diflicile de délinir les points en litige ; mieux vaudrait porter un décret enjoignant aux intéressés de ne point s’accuser mutuellement d’erreur ni de témérité, mais laissant à chacun la liberté de réfuter par de bons arguments les propositions qu’il jugerait insoutenables ; de plus, on devrait éviter de mettre en cause les ordres eux-mêmes, et se contenter de dénoncer au Saint-Office les doctrines réputées hérétiques, erronées ou dangereuses. Poussines, Historia conh’oversiarum quæ inter quosdam c sacro prsedicatorum online et societate Jesu agitatx sunt ab anno 1548 ad 1012, in-4°, Paris, Biblioth. nation., fonds latin, n. 9757, 1. IV, p. 683 sq.

Devenu membre du sacré collège, Bellarmin fut donné pour assesseur au cardinal Madruzzi, président de la congrégation De auxiliis. Plusieurs fois il essaya, mais inutilement, de trouver un terrain d’entente, en proposant de définir un certain nombre de propositions sur lesquelles les deux partis ne pouvaient manquer de se mettre d’accord. Quand, en 1602, Clément VIII manifesta l’intention d’étudier et de trancher par lui-même la question si complexe et si délicate qu’il avait évoquée à son suprême tribunal, le conseiller dont il avait tant de fois agréé les franches remarques lui écrivit une lettre confidentielle, où il le dissuadait de toutes ses lorces de s’engager dans cette voie et lui représentait les embarras qui s’ensuivraient pour lui. Serry, Hist. congreg. de auxiliis, 1. II, c. xxvi, in-fol., Louvain, 1700, col. 325 sq. ; Couderc, op. cit., t. I. p. 347 sq. Le pape ayant même affirmé un jour qu’il définirait la question, Bellarmin n’hésita pas à prédire résolument que la chose n’aurait pas lieu. Attitude où ses adversaires, le cardinal Passionei en particulier, ont dénoncé à grands cris de l’irrévérence à l’égard du vicaire de Jésus-Christ et de l’opiniâtreté à soutenir ses vues personnelles et celles de son ordre. Des esprits moins prévenus ont rapproché de la lettre incriminée le conseil de ne rien décider en cette affaire, donné plus tard à Paul V par saint François de Sales, et les paroles dites par le même pape : -i Clément se repentit de s’être enfoncé dans cette affaire, et après des années et des années de discussion, il ne trouvait pas moyen de la terminer dignement. » G. Schneemann, Controversiarum de divinse gratise lïbemque arbitrii concordia initia et progressus, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 287, 296. Prosper Larnbertini, parlant comme promoteur de la foi, a déclaré n’avoir rien à objecter de ce chef. Posilio super dubio…, Borne, 1712, litt. II, Animadversioncs fidei promoloris, p. 34-35.

Clément VIII fut-il froissé par la conduite de Bellarmin, ou plutôt, voulant donner suite à son projet de trancher la grande controverse, jugea-t-il opportun d’écarter de Rome, sous un prétexte honorable, un champion dont la présence pouvait être embarrassante ? Toujours est-il que, l’archevêché de Capoue s’étant trouvé vacant, il nomma le cardinal à ce siège et lui donna de ses propres mains la consécration épiscopalc, le 21 avril 1602. Le nouveau pasteur n’oublia pas en cette circonstance les principes qu’il avait toujours professés sur le devoir de la résidence et contre la pluralité des

bénéfices ecclésiastiques. Quatre jours après son sacre, il quitta Rome et, le 1 er mai, il était dans sa ville épiscopale. Il y resta près de trois ans, jusqu’en mars 1605, se consacrant à sa charge sans réserve et avec joie, parce qu’elle le rendait au ministère actif. Aussi ne composa-t-il à cette époque que des sermons, restés inédits, et une Explication du symbole, rédigée pour ses prêtres au cours d’une visite pastorale. Vie simple et toute de dévouement, prédication assidue et vraiment apostolique, assistance régulière à l’office canonial ; visite annuelle de son diocèse et célébration de synodes où furent rédigées, suivant les règles du concile de Trente, de sages et durables ordonnances ; réforme des abus et rétablissement de la discipline dans l’église cathédrale et dans le clergé ; œuvres multiples de charité et sainte prodigalité à l’égard des pauvres ; réserve et fermeté dans les rapports avec les autorités séculières : tels furent les grands traits de sa carrière épiscopale. Autob., § 40-47. Le pape applaudissait à cette sainte activité et, comme autrefois, sollicitait du cardinal de sages conseils ; de là, en décembre 1603 ou janvier 1604, la lettre sur les obligations pour les évêques d’annoncer la parole de Dieu, lettre qui fait le plus grand honneur au zèle pastoral de Bellarmin, et qu’il faut rapprocher des avis donnés, soit à son neveu, Angelo délia Ciaia, dans la belle instruction de 1612 sur les devoirs d’un évêque, soit à l’archevêque de Rouen, François de Harlay, dans une lettre du 20 février 1617. Epist. famil., CXLI. Dieu lui-même se plut à récompenser les mérites de son serviteur par ces dons extraordinaires qui ont lourni à ses biographes le chapitre intitulé : « Le thaumaturge. »

Après la mort de Clément VIII, arrivée le 3 mars 1605, le cardinal Bellarmin reparut à Rome, pour y prendre part à deux élections qui se suivirent de très près, celle de Léon XI et celle de Paul V. Dans ces conclaves, l’archevêque de Capoue vit un grand nombre de voix se réunir sur son nom ; la seconde fois, il aurait été vraisemblablement élu, s’il n’avait eu contre lui son aversion bien connue pour certains abus, et surtout sa qualité de jésuite. Couderc, op. cit., t. ii, p. 14 sq. Il se refusa, du reste, à toute démarche qui aurait pu lavoriser sa candidature : eût-il suffi, disait-il, de lever de terre un fétu pour devenir pape, il ne se serait pas baissé pour le prendre. Plus tard, une maladie du pape ayant ouvert la perspective d’une nouvelle élection où la tiare pourrait lui être imposée, Bellarmin écrivit ces lignes, le 26 septembre 1614 : « Je lais vœu, dans le cas où je serais élu souverain pontife (ce que je ne désire pas et ce que je prie Dieu de détourner de moi), de n’élever aucun de mes parents ou de mes proches, ni au cardinalat, ni à aucune principauté temporelle, ducal ou comté, ou toute autre noblesse. Je ne les enrichirai pas non plus, je me contenterai de les aider à vivre décemment dans leur état… »

Paul V retint à Rome l’archevêque de Capoue ; et comme celui-ci, fidèle à ses principes, ne voulait pas garder un titre dont il ne pouvait plus remplir personnellement les obligations, sa démission tut acceptée, et il devint conservateur de la bibliothèque du Vatican. Peu après, il fit partie de la nouvelle congrégation de cardinaux chargée de terminer la controverse De auxiliis ; il s’y trouva uni de sentiment avec le cardinal du Perron, auquel il avait écrit de Capoue, en février 1605, pour l’engager à faire voir le danger du système des prédéterminations physiques. Læmmer, MeZetematum romanorum manlissa, in-8°, Ratisbonne, 1875, p. 381. Voici, au témoignage de Paul V lui-même, quel fut son avis, à la dernière réunion, tenue le 28 août 1607 : « Bellarmin. — Il est d’avis que la prédétermination physique est de Luther et de Calvin. Les pères dominicains sont dignes d’excuse, parce qu’ils n’ont pas vu les livres des hérétiques. Banez a parlé plus mal que Molina, quand il a blâmé l’explication que saint Augustin