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BEDE LE VENERABLE

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passages difficiles du texte sacré, ou des homélies, destinées primitivement aux religieux de Jarrow et vite répandues dans les autres cloîtres bénédictins. Selon Mabillon, nous n’avons plus de I3ède que quarante-neuf homélies authentiques, P. L., t. xciv, col. 9-268 ; de ce nombre n’est pas la soi-disant homélie lxx, ibid., col. 450 sq., que le bréviaire romain fait lire le jour etdans l’octave de la Toussaint. Partout l’interprétation allégorique et morale prédomine ; les pensées et les textes des saints Pères fournissent la trame et le fond du travail. Dans la matière de la grâce, Bède suit saint Augustin et le transcrit presque mot à mol.

Les écrits exégétiques de Bède embrassaient l’Ancien et le Nouveau Testament et formaient une somme biblique complète. Tous ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Ceux qui sont publiés, P. L., t. xci-xcm, sont ou bien des résumés substantiels, clairs et méthodiques des commentaires antérieurs des Pères grecs et latins, ou bien des œuvres personnelles, dans lesquelles le sens allégorique et moral est recherché au détriment de l’interprétation littérale. Pour les détails, voir le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigouroux, t. I, col. 1539-1541.

Aux œuvres théologiques on peut rattacher un Martyrologe en prose, où il est assez malaisé de reconnaître la main de Bède sous les relouches et les additions postérieures, P. L., t. xciv, col. 797-1148 ; — le Pénitentiel qui porte le nom de Bède, sans que celui-ci, dans le catalogue précité, en dise mol ; voir Martène, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iv, p. 31-56 ; Mansi, Concil., supplément, t. i, col. 563-596 ; — le Liber de locissacris, qui probablement ne fait qu’un avec l’abrégé, composé par l’infatigable travailleur, Hist. eccl., 1. V, c. xv-xvii, P. L., t. xcv, col. 256-258, du livre d’Adamnan, abbé d’Iona, De situ urbis Jérusalem.

2. Les ouvrages scientifiques et littéraires sont au nombre de quatre : a. De orthographia liber, P. L., t. xc, col. 123-150. — b. De arte metrica liber ad Wigbertuni levilam, ibid., col. 149-176, rédigés lous les deux par Bède à l’usage de ses disciples monastiques ; le second offre, par les citations des poètes chrétiens latins comme par les explications que Bède en propose, un particulier intérêt. — c. Un petit traité de rhétorique pratique est intitulé De scliematis et tropis sacras Scriptural liber, ibid., col. 175-186 ; l’auteur en appuie les préceptes sur des exemples de la Bible et y relève notamment, après Cassiodore, les beautés littéraires des psaumes. — d. Un autre ouvrage de la même classe a pour titre, Dénatura rerum, ibid., col. 187-278, et date de l’an 703. C’est un résumé méthodique et précis de ce qui survivait alors de l’astronomie et de la cosmographie des anciens, en même temps qu’un premier essai de géographie générale.

3. Les travaux chronologiques et historiques de Bède sont d’une très haute valeur. En 703, le docte AngloSaxon prélude par l’opuscule De temporibus, ibid., col. 277-292, à son grand ouvrage, De temporum ratione, ibid., col. 293-518, lequel en est une refonte et nous donne, au témoignage d’Ideler, Ilandbuch der Chronologie, t. ii, p. 292, « un manuel complet de chronologie pour les dates et les fêtes. » Ici et là, Bède se prononce nettement contre le comput pascal des Églises d’Ecosse et d’Irlande, et tient pour le comput alexandrin, suivi par Denys le Petit. Au De temporum ralione il rattacha, en ~rl~> H m 726, son Chronicon sive de sex œlalibus muridi, ibid., col. 520-571. Comme saint Isidore, il y divise l’histoire du monde en six âges ; mais, à la différence de saint Isidore, il calcule les années depuis Adam jusqu'à Abraham selon l’original hébreu, non pas selon le texte des Septante. Saini Augustin est son guide, Eusèbe et saint Jérôme sont les sources

auxquelles il se plait à puiser. Quelques années plus tard, liéde publiait son chef d'œuvre, cette Historia ecclesiastica gentis Anglonnn, P. L., t. xcv, col. 21-290, qui lui a mérité le titre de père de l’histoire anglaise et qui suffirait pour immortaliser son nom. Elle se partage en cinq livres ; après être remontée aux premières relations des Bretons et des Bomains et s'être faite comme l'écho de Gildas, d’Orose, de saint Prosper d’Aquitaine, elle prend vite une allure et un ton personnels et s’arrête à l’an 731. Les affaires de l'Église et les affaires civiles, les traditions religieuses et les événements de tout genre y sont enchâssés dans une seule narration ; pas plus que saint Grégoire de Tours, Bède ne sépare les destinées des laïques et celles des clercs. Au fond, c’est une chronique, aussi bien que les ouvrages analogues des Grégoire de Tours, des Jornandès, des Isidore de Séville, des Paul Diacre, un recueil d’histoires, suivant l’ordre chronologique et d’après l'ère chrétienne. Mais les juges les plus compétents reconnaissent en Bède un chroniqueur instruit et pénétré du sentiment de sa responsabilité, un critique habile et pénétrant, un écrivain exact, clair, élégant, q li se lit avec plaisir et a le droit d'être cru. L Historia ecclesiastica se continue, pour ainsi dire, et se complète dans la biograplwe des cinq premiers abbés de Wearmouth et Jarrow, que Bède avait tous personnellement connus. P. L., t. xciv, col. 713-730. Elle avait été précédée par un récit en prose de la vie de saint Cuthbert, que Bède ne tenait que des moines de Lindisfarne, et qui renferme, au milieu des miracles dont il fourmille, des détails assez curieux pour l’histoire des mœurs. Ibid., col. 733-790 ; Acta sanctorum, martii t. iii, p. 97-117. La Vie de saint Félix, évêque de Noie, d’après les poèmes de saint Paulin, nous reporte à l'âge des persécutions. Ibid., col. 789-798. La Vie et passion de saint Anastase semble bien perdue.

4. Parmi les seize lettres que nous avons de Bède, l’une, De wquinoctio, est un opuscule scientifique ; la lettre De Paschæ celebratione est reproduite deux fois, P. L., t. xc, col. 599-606 ; t. xciv, col. 675-682 ; une autre, Ad Plegwinum, s'élève contre la manie de vouloir déterminer l’année de la fin du monde, P. L., t. xciv, col. 669-675 ; sept sont adressées au plus intime ami de l’auteur, saint Acca, et traitent de questions exégétiques ; une est écrite à l’abbé Albin, pour le remercier de son appui dans la composition de V Historia ecclesiastica. Ibid., col. 655-657. La longue lettre écrite à l’archevêque d’York, Egbert, est une espèce de traité sur le gouvernement spirituel et temporel de la Northumbrie ; en jetant une vive et franche lumière sur l'état de l'Église anglo-saxonne, elle fait honneur à la clairvoyance comme au courage du Vénérable Bède. Ibid., col. 657-668.

III. Influence.

La renommée de Bède se répandit promptement de son pays natal dans tout l’Occident, et ses ouvrages, qui prirent place dans les bibliothèques des monastères à côté de ceux des Ambroise, des Jérôme, des Augustin, etc., perpétuèrent son influence à travers le moyen âge. De son vivant, ses compatriotes, saint Boniface en tête, Epist., xxxviii, à Egbert, /'. L., t. i. xxxix, col. 736, l’avaient tenu pour le plus sagace des exégètes. Lui mort, ses œuvres théologiques impriment à l’exégèse une impulsion vigoureuse il fraient la voie aux travaux d’Alcuin, de Baban Maur et de leurs plus illustres émules, S. Lull, Epist., xxv, xxxi, P. L., t. xevi, col. 841, 846 ; Alcuin, Epist., xiv, xi, I.XXXV, /'. /.., t. C, col. 164, 168, 278, 279 ; Sinaragde, Collectaneum, prnef., P. L., t. cm. col. 13 ; Baban Maur. In Gen., P. L., t. cvii, col. 443 sq. ; lu Matth., ibid., col. 728 sq. ; In 71' Rcg., præf., P. L., t. cix, col. I ; Paschase Kadberl, Exposit. in Matth., prol., P. L., t. cxx, col. 35 ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, P. L., t. cxiii, exiv ; Notker, De interpretibus s. Script., P. A., t. cxxxi, col. 996. Dès le temps de Paul Diacre, on se servait en nombre de cloîtres et notamment au Mont-Cassin des homélies de Bède. Dans son