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BASILE (SAINT)


villes, défendant des diocésains injustement accusés, suppliant un maître de pardonner à un esclave, un païen de se réconcilier avec son iils converti à la foi chrétienne. Il brave le péril et la calomnie pour protéger une veuve, qu’un magistrat, soutenu par le préfet de la province, veut épouser malgré elle. C’est surtout dans l’organisation de la charité qu’il manifeste son zèle. Dans chaque circonscription administrée par un chorévêque, il établit un hospice ; il construit à Césarée un grand établissement charitable, à la fois hôtellerie, hospice, hôpital, léproserie. Bien que cette fondation, qui ressemblait, dit-on, à une nouvelle ville, ait excité les défiances du pouvoir civil, Basile obtint un tel ascendant que, malgré leurs dissidences religieuses, Valens le chargea de rétablir en Arménie la concorde entre les évêques et de pourvoir aux sièges vacants.

Basile eut de chers et illustres amis, Grégoire deNazianze, Eusèbe de Samosate, Amphiloque d’Iconiurn. Mais il eut aussi des adversaires. Plusieurs de ses suffragants, envieux de son élévation, se dérobèrent à ses avances, et cherchèrent même à répandre des doutes sur son orthodoxie. C’est pour repousser un soupçon de ce genre, qu’il écrivit le traité Du Saint-Esprit. Mais, parmi les défections dont il souffrit le plus, fut celle d’Eustathe, évêque de Sébaste, qui avait été l’un des initiateurs de la vie monastique en Asie, et avec qui il entretint longtemps d’affectueuses relations. La correspondance de Basile raconte en détail leur rupture, les imputations calomnieuses dont il fut noirci à cette occasion, en même temps qu’elle montre son courage à souffrir en silence. Plus pénible encore fut pour Basile le malentendu qui pesa longtemps sur ses rapports avec l’Occident. A diverses reprises, de 371 à 376, Basile et ses amis correspondirent soit avec les évêques occidentaux, soit avec le pape saint Damase, pour les prier d’intervenir dans les affaires de l’Orient, désolé à la fois par la compétition de Mélèce et de Paulin à Antioche, et par la diffusion de l’hérésie. Mais, à Borne et en Occident, on soutenait Paulin, tandis que les plus illustres orientaux étaient partisans déclarés de Mélèce : on voyait aussi avec défiance certains ménagements, de pure forme, dont usaient souvent Basile et ceux qui marchaient avec lui, dans le but de ramener à l’unité les meilleurs des semi-ariens. « Damase, écrit à ce propos Ms r Duchesne, était fort mal renseigné sur les affaires religieuses de Syrie et d’Asie Mineure ; servant à son insu certaines rancunes alexandrines, il se montrait trop favorable à de petites coteries et n’appréciait pas à leur valeur les grands évêques auxquels était dû, après tout, le mouvement qui ramenait l’Orient à la foi de Nicée. Basile essaya plusieurs fois de l’intéresser à cette réaction salutaire. On ne lui fit qu’un froid et décourageant accueil. » Duchesne, Eglises séparées, 1896, p. 186. Ct. du même, L’Eglise d’Orient, de Dioctétien à Mahomet, dans la Revue du monde catholique, 1881 ; tirage à part, p. 17. Basile s’en plaint dans plusieurs lettres, avec une amertume dont l’expression parait quelquefois excessive. Ce fut un des épisodes douloureux de sa vie.

La mort de Valens, défait et tué en 378 par les Goths près d’Andrinople, amena enfin la détente après laquelle soupirait Basile. Déjà même, dès les derniers mois de Valens, la persécution s'était ralentie. Une loi de son successeur Gratien rétablit la liberté religieuse. A Constantinople, les catholiques, opprimés depuis trentehuit ans, appelèrent, à la fin de 378, Grégoire de Nazianze à relever leur Église : la réponse favorable qu’il fit à leurs instances fut concertée avec Basile. Ce fut le dernier acte et la dernière joie de celui-ci. Bien qu'âgé de quarante-neuf ans seulement, Basile, épuisé par le travail, les soucis et les austérités, était près de sa fin. Il mourut le 1° janvier 379. Ses funérailles à Césarée furent un triomphe.

Presque aussitôt après sa mort, on fêta publiquement j cet anniversaire. Nous possédons deux discours prononj ces en son honneur le 1 er janvier, l’un par son frère, ! saint Grégoire de Nysse, l’autre attribué plus ou moins exactement à saint Amphiloque. L'Église d’Orient a continué à faire, le 1 er janvier, la fête de saint Basile ; depuis le IXe siècle, on trouve la commémoration de sa mort marquée à cette date par les martyrologes latins ; i mais sa fête, dès cette époque, se célébrait en Occident le 14 juin, comme on la célèbre encore de nos jours.

Les principales sources pour l’histoire fle saint Basile sont : ses propres ouvrages ; les discours, IX, x, XI, XVIII, et surtout XLIII, de saint Grégoire de Nazianze, P. G., t. xxxv, xxxvii ; diverses lettres du même Père, et le pcème De vita sua, P. G., t. xxxvii ; le discours de saint Grégoire de Nysse, In laudem fratris Basilii, son De vita Macrinæ, et le 1. I de son Adversus Eunomium, P. G., t. xliv, XLv ; le c. cxvi du De viris illustribus de saint Jérôme, P. L., t. xxiii ; quelques chapitres des Histoires ecclésiastiques de l’arien Philostorge, vii, 11-13, P. G., t. lxv ; de Théodoret, iv, 19, P. G., t. lxxxiv ; de Rufin, H, 9, P. L., t. xxi, col. 517-520 ; de Socrate, iv, 26, P. G., t. i.xviii, col. 528536 ; de Sozomène, vi, -15 sq., P. G., t. lxvii, col. 1329 sq. Voir la vie de saint Basile par Mai-an, P. G., t. xxix, col. iv-clxxvii.

II. Écrits.

Comme on a pu le voir, saint Basile est surtout un homme de gouvernement et d’action. Aussi la plus grande partie de son œuvre écrite est-elle oratoire ; une autre partie considérable est sa correspondance ; les livres composés à loisir, lentement médités, sont rares sous sa plume. Il se montre métaphysicien et théologien quand les circonstances l’amènent soit à défendre le dogme catholique contre des adversaires, soit à défendre l’intégrité de sa propre foi contre des calomniateurs ; mais la pente naturelle de son esprit semble le porter d’abord vers l’enseignement de la morale chrétienne, vers ce qui se traduit surtout en application pratique et en actes.

Dans L’Eglise et l’empire romain au ive siècle, t. iv, p. 230, M. de Broglie a mis en relief ce double aspect de saint Basile. Parlant de ses écrits plus spécialement dogmatiques, « dès qu’on y jette les yeux, dit-il, on se sent porté, pour ainsi dire, en pleine merde philosophie : le platonisme, le péripatélisme, l'éclectisme d’Alexandrie, toutes ces variétés de la pensée métaphysique de l’antiquité sont évidemment familières à l’esprit de l'écrivain ; il y emprunte à tout instant des idées, des explications, des définitions. Sur la nature divine, sur les rapports des diverses hypostases dont elle se compose, sur le rôle de chacun de ces éléments de l’indivisible Trinité, des lumières sont puisées tour à tour à ces foyers divers. Mais une philosophie du dogme propre à Basile, et suivie par lui dans toutes ses pensées, plus d’un commentateur l’a. cherchée, trompé par ce nom de Platon chrétien que les contemporains lui avaient décerné. La recherche a toujours été infructueuse. Bien de semblable n’a été et ne sera trouvé. L’arme de la philosophie est entre les mains de Basile purement défensive. Quand les ennemis de la foi attaquent le dogme ou le dénaturent en vertu d’un argument tiré d’un système philosophique, Basile entre à leur suite dans le système qu’ils ont adopté, pour leur prouver que leur argument est sans force et ne porte pas la conséquence qu’ils en font sortir. Puis, une fois l’attaque repoussée, il entre dans la citadelle du dogme et la referme sur lui. : > A propos de la partie oratoire de son œuvre, le même historien s’exprime ainsi : « Basile est le premier orateur qu’ait compté l'Église. Avant lui, Athanase avait harangué les soldats de la foi, comme un général qui monte à la brèche ; Origène avait dogmatisé devant des disciples ; Basile le premier parle à toute heure, devant ton te espèce d’hommes, un langage à la fois naturel et savant, dont l'élégance ne diminue jamais ni la simplicité ni la force. Nulle faconde plus ornée, plus nourrie de souvenirs classiques que la sienne ; nulle pourtant qui soit plus à la main, coulant plus naturellement de source, plus accès-