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BARLAAM ET JOSAPHAT

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colle doctrine, les Pères de l’Église ont traité ce sujet, et à cet égard, les phrases du livre de Barlaam et de Joasaph peuvent appartenir aussi bien au ve siècle qu’au vue ou au VIII e.

3. C’est plutôt -Jean, moine de Saint-Saba. — On peut donc se rapporter à la rubrique d’un certain nombre de manuscrits, d’après laquelle l’histoire de Barlaam et Joasapb aurait été rédigée Stà’Iuâvvou |xovay v oû avSpbç Tijjicou xaî ïvapizov fiovvî ; toO kyiov Siôa. Il n’y a malheureusement aucun indice pour identifier le nom d’une façon plus précise. On admet généralement que le livre de Barlaam et Joasaph fut composéau couvent deSaint-Saba, prés de Jérusalem, dans la première moitié du VIIe siècle. C’est à cette date que mènent, avec vraisemblance, l’étude du système théologique de l’ouvrage et les détails de la partie narrative. Les manuscrits dont nous venons de parler attestent nettement la provenance indienne de l’histoire de Barlaam et Joasaph : ’Itrropîa Vjy/iiçs/r, ; èx tyjç evSoffpaç tmv AZOiôtcuv y/i>paç, tr, ; Tv3(DV).syo|xÉvï)ç 7rpô ; tîjv âytav ttôâiv pteTôve/Œtca.

IV. VOIE F.T INTERMÉDIAIRES PAR LESQUELS LA LÉGENDE

a passé de l’Inde a Jérusalem. — Pour expliquer par quelle voie et par quels intermédiaires s’est effectué le voyage, on a pensé aux chrétiens de la côte de Malabar, mais il semble peu probable que ces nestoriens aient eu chance d’être accueillis dans la société si orthodoxe de Saint-Saba, à moins qu’il ne se soit agi d’indiens, chrétiens de naissance ou de bouddhistes nouvellement convertis, qui venaient visiter les Lieux-Saints. Toutefois, cette solution n’a guère prévalu et voici comment on explique la transformation de la légende bouddhique en roman chrétien de Barlaam et de Joasaph. On sait, par d’autres faits analogues, par exemple celui de la légende de Kalilah et Dimnah et du roman des Sept Sages, comment se sont accomplies des pérégrinations littéraires du même genre. De l’Inde, ces livres ont pénétré en Perse et y ont été traduits en pehlevi, la langue officielle des Sassanides (226-641). Du pelhevi ils ont passé au syriaque ou à l’arabe, et de là sont issues les versions hébraïques et grecques, qui ont ensuite donné naissance aux traductions en diverses langues. Telle semble avoir été aussi la marche suivie par l’histoire de Barlaam et Joasaph. On a retrouvé divers exemplaires d’une ancienne version arabe qui a, avec l’histoire du Bouddha, des rapports beaucoup plus intimes que le livre grec. D’autre part, les recherches de MM. Bosen et Marr assignent avec raison à la rédaction géorgienne une place intermédiaire entre la forme arabe et la rédaction grecque. Celle-ci apparaît comme un remaniement, très surchargé de théologie, de l’original perdu de la version géorgienne. On conjecture que cet original était une traduction syriaque, que nous ne possédons plus, du livre pelhevi d’où procède le texte arabe. La recension grecque ayant été écrite aux environs de l’an 030, on remonte pour le livre pelhevi au VIe siècle. Or précisément à cette époque, le christianisme et le bouddhisme faisaient en Bactriane de nombreux prosélytes. Les bouddhistes avaient composé en pelhevi un livre de Yi’idàsaf ; un chrétien a pu avoir l’idée d’approprier à sa religion la même histoire. S’il y a, dans cet ensemble d’explications de la diffusion du livre de Barlaam et Joasaph, encore un certain nombre d’hypothèses, on doit pourtant convenir que ce système, qui a été brillamment exposé’par M. E. Kuhn, op. cit., p. 31 sq., est aussi plausible que solidement étayé. Si jamais on retrouvait la version syriaque du livre de Barlaam et de Joasaph, on serait probablement mis en possession du fil précieux qui manque encore pour l’absolue solidité de la trame.

V. Rapports nu texte hrec avec l’Apologie d’Aristide ET L’OUVRAGE D’AGàPET. — Il importe de relever encore quelques particularités intéressantes du texte grec de la légende de Barlaam et de Joasaph.

1’Rapports avec l’Apologie d’Aristide. — L’n collaborant avec M. J. Rendel Harris à l’édition de l’Apologie d’Aristide, M. Jean Armitage Robinson a reconnu qu’un fragment assez considérable de ce’traité’a été inséré dans l’histoire de Barlaam et de Joasaph. Ce sont les pages 239-25’t de l’édition de Boissonade, depuis les mots : ’Eycî » , [3a<7t}.s-j, 7tpovo ! a ©soû r, /.60v el ; to-j k6(Tu.ou jusqu’à t’a, xpt’oiv Èxçuydvre ; xa’i Tt]j.a>pia ;, Car ?, ; àv<o-XÉâpou oe/Septe x), r, povôuo’.. Voir Te.rts and Studies. Contributions to biblical and patristic literature, t. i, n. I : The Apology of Aristides, Cambridge, 1891, p. 6884, 100-112. Découverte d’autant plus importante que c’est le seul fragment qui ait été’jusqu’à présent retrouvé du texte grec primitif de l’Apologie d’Aristide. Voir t. i, col. 1865.

Rapports avec l’otivrage d’Agapet.

Dans son édition

de la 2/15*] $xgù. : v.y i d’Agapet, Bàle, 1663, Dainke et plus tard Boissonade, Anccdota grnea, t. IV, p. 331, ont signalé des rapports frappants entre le texte d’Agapet et le roman de Barlaam et Joasaph. Ils n’avaient toutefois émis aucune conclusion sur la nature même de ces rapports, qu’ils s’étaient contentés de relever. Pourtant il y a lieu de rechercher si c’est l’auteur de la légende de Barlaam et Joasaph qui a lait l’emprunt à Agapet, ou s’il faut admettre l’hypothèse inverse. M.Karl Præchter, Byzanlinische Zeitschrift, t. il, p. 444-’160, a naguère examiné le problème à lond, mais la solution qu’il en donne est toule négative. Il démontre à la fois que le rédacteur grec de l’histoire de Barlaam et Joasaph n’a point fait d’emprunt direct à Agapet, et que celui-ci n’est point davantage tributaire du moine de Saint-Saba. Tous deux ont donc puisé à une source commune, qui à l’heure actuelle demeure encore inconnue et cachée. Le roi Abenner fait à Joasaph un long discours pour expliquer les motifs pour lesquels il refuse de se convertir à la foi chrétienne. Ce passage se trouve p. 221 sq. de l’édition de Boissonade. M. Zotenberg, op. cit., p. 61, avait pensé que l’auteur, dans ce passage, visait le roi sassanide, Chosroès Anoùschirvan. Une autre hypothèse a été proposée : MM. Cumont et Bidez ont essayé de montrer qu’il s’agit plutôt de l’empereur Julien l’Apostat. Ils ont réuni un certain nombre de passages des historiens de Julien, qui servent, pour ainsi dire, de commentaire perpétuel au texte du roman. Toutefois, ce n’est pas à quelque historien de Julien en particulier que le moine de Saint-Saba semble avoir recouru, c’est plus probablement de la correspondance même de l’empereur Julien qu’il s’est inspiré. Voir Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l’empereur Julien, dans les Méntoires couronnés et autres mémoires publiés par l’Académie royale de Belgique, 1898, p. 139. MM. Bidez et Cumont ont plus indiqué leur opinion qu’ils ne l’ont démontrée à fond. Aussi M. P. Thomas a-t-il pu dire que « cette hypothèse est ingénieuse sans doute, mais assez fragile » . Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 1898, t. xxxv, p. 251.

VI. Popularité de la LÉGENDE.

La légende de Barlaam et Joasaph a eu la plus extraordinaire popularité qui échut jamais à un livre. Outre la compilation grecque, il existe deux autres recensions qui n’en dépendent pas directement, l’une en arabe, l’autre en géorgien. La première a été éditée à Bombay en 1888 ; la seconde est connue par divers extraits publiés par MM. Bosen et Marr dans les ouvrages cités plus haut. Plus tard, le texte grec a été repris en arabe, d’où sont venues deux rédactions éthiopiennes, et il y a aussi une version arménienne. Pendant la première moitié du xin » siècle, le rabbin espagnol Ibn Chisdai composa, en vers hébraïques, un poème sur l’histoire de Barlaam et Joasaph, sous le titre de « Prince et Derviche » . En 1887, on a publié une version en slave. Il y a aussi divers textes latins, indépendamment de la traduction du roman grec faite par Jacques de Billy. Voir Btbliolheca hagiu-