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BAPTÊME (SORT DES ENFANTS MORTS SANS)


]'. I.., t. i.xxv, col. 877 ; S. Isidore, Sentent., 1. I, c. xxii, ]'. L., t. î.xxxiii, col. 588 ; S. Anselme, De concept, virg., c. xxiii, P. L., t. ci.vni, col. 157.

Enseignement des scolastiques.

Les scolastiques

du xiie siècle commencèrent déjà à secarter du sentiment de saint Augustin. Abélard, entre autres, ne veut pas de souffrances physiques pour les enfants morts sans baptême et il entend par la milissima pœna, dont parle l'évêque d’Hippone, la privation exclusive de la vision de Dieu. Expositio in epist. Pmdi ad Rom., 1. II, P. L., t. clxxviii, col. 840. Mais les théologiens [de son école sont beaucoup moins explicites. Roland Bandinelli se contente de dire que ces enfants procul dubio damnantur, sans s’expliquer davantage sur leur sort. Ognibene est du même avis, mais ajoute ces paroles : lia credimus, quia hoc sancti dicunt, allusion probable à la doctrine de saint Augustin. Die Sentenzen Rolands, édit. Gietl, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 208, 209. L’auteur de la Summa sententiarum dit « qu’ils ne sont pas sauvés, mais qu’ils subissent une peine très douce » suivant la formule augustinienne. Sitm. sent., tr. V, c. vi, P. L., t. clxxvi, col. 132. Mais Pierre Lombard est plus explicite, et enseigne que la seule peine du péché originel est la privation de la vision béatifique. Sent., 1. II, dist. XXXIII, P. L., t. cxcii, col. 730.

Au xiiie siècle, la réaction contre la doctrine de saint Augustin fut complète. Deux causes principales y contribuèrent : une déclaration du pape Innocent III, dont nous parlerons tout à l’heure, et l'étude plus attentive de la nature du péché originel. C’est là en effet qu'était la véritable clé du problème. Partant de ce principe, que la peine du péché doit être exactement proportionnée à sa nature, les grands docteurs du XIIIe siècle analysèrent avec plus de soin la notion du péché originel, et arrivèrent bien vite à des conclusions tout autres que celles de saint Augustin. Alexandre de Halès ne traite pas la question ex professo. Il enseigne pourtant que la privation de la vision béatifique est la vraie peine du péché originel, bien qu’elle s’applique aussi au péchépersonnel grave. Et s’objectant a lui-même le passage biblique qui partage l’humanité en deux catégories exclusives, au jour du jugement général, il répond que le sort des enfants morts sans baptême n’est pas le feu proprement dit de l’enfer, mais les ténèbres, c’est-à-dire la privation de la vision béatifique. Esse in illo igné ad pœnam contingit dupliciter, vel ralione ardoris, vel ralione tenebrositatis : ralione ardoris dicuntur esse illi gui actualiter peccant ; ratione tenebrositatis, qui careul visione Dei. Sununa, pari. II, q. cvi, m. ix, Venise, 1575, t. il, fol. 277. Albert le Grand n’admet également que la peine du dam pour les enfants non baptisés, et il déclare que le langage de saint Augustin n’est pas exact, improprie loquitur. In IV Sent., 1. IV, dist. IV, a. 8, Opéra, Lyon, 1651, t. xvi, p. 53. Saint Thomas donne trois raisons pour prouver que ces enfants ne doivent endurer aucune souffrance physique. Quand il s’agit, dit-il, des biens qui surpassent les exigences de la nature humaine, on conçoit que leur perte puisse être le résultat, non seulement d’une faute personnelle, mais d’un vice quelconque de la nature, puisque celle-ci n’y a aucun droit. Voilà pourquoi la privation de la grâce et de la vision béatiQque est la conséquence du péché originel, aussi bien que du péché actuel grave. Mais quand il s’agit d’un bien simplement naturel, c’est-à-dire qui est dû à la nature pour son fonctionnement normal, on ne peut pas admettre que la privation nu la perte de ce bien résulte (I un vice de nature ; il suppose une faute personnelle dont il est le châtiment. Les peines afflictives ne peuvent donc atteindre et punir que le péché actuel. —En second

lieu, toute peine doit être proportionnée à la faute.

Le péché actuel, étant à la fois un éluigncmont du souverain bien, aversio ab incommutabili bono, et une attache déréglée au bien périssable, conversio ad bonum

commutabile, il est juste qu’il soit puni doublement : d’abord par la perte de la grâce et de la vision béatifique, correspondant à l'éloignement vis-à-vis de Dieu ; puis, par des souffrances physiques, correspondant aux attaches déréglées à la créature. Mais le péché originel ne comprend aucune attache au bien périssable. Il éloigne simplement de Dieu, en ce sens qu’il prive l'âme de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire d’un moyen strictement nécessaire pour atteindre la fin surnaturelle. Donc il ne mérite aucune peine afflictive, mais seulement une peine privative, la privation de la vue de Dieu. — Enfin, dit le docteur angélique, une disposition proprement dite de l'âme ne saurait être l’objet d’une peine afflictive. On n’inflige pas de punition pour une tendance ou disposition à mal faire, mais seulement pour un acte mauvais lui-même. Une disposition mauvaise ou défectueuse ne peut être punie que par la privation d’un avantage quelconque, privation qui est la conséquence légitime de l’inaptitude ou de l’indignité du sujet. L’ignorance par exemple, dit saint Thomas, est un obstacle à la promotion au sacerdoce. Or le péché originel n’est en soi qu’une disposition à la concupiscence, et les adultes seuls mettent cette disposition en acte. Donc les enfants ne doivent pas, pour une simple tendance mauvaise, être l’objet de peines afflictives plus ou moins sévères. De nialo, q. v, a. 2. Le docteur angélique ne cache pas que son enseignement paraît être opposé à celui de plusieurs Pères ; mais, d’après lui, ce sont là des écarts de parole, plutôt que de doctrine, et qu’il faut savoir interpréter. Has voces (supplicium, tormentum, gchenna, critciatus œterni) esse large accipiendas pro pœna, ut accipiatur species pro génère, sicut etiam in Scripturis quælibet pâma figurari consuevit. Et il ajoute ces paroles pour excuser les Pères : ldeo sancti tali modo loquendi usi sunt, ut detestabilem redderent errorem pelagianorum, qui asserebant in parvtdis nidlum peccatum esse, nec eis aliquam pœnam deberi. De malo, q. v, a. 2, ad l » m. Voir la même doctrine dans saint fionaventure qui signale d’abord, mais pour l'écarter, l’opinion rigide, et expose ensuite l’autre, qui, dit-il, magisconcordat pietati fidei et judicio rationis. In IV Sent., 1. II, dist. XXXIII, a. 3, q. I, Opéra, 1668, t. ii, p. 414. Ce fut désormais l’enseignement unanime des théologiens, jusqu’au xvie siècle. Grégoire de Rimini est le seul écrivain, qui se soit montré favorable au sentiment opposé, ce qui lui a valu le surnom de « bourreaudesenfantSB./xit’Sewt., 1. II, dist. XXXIII, q.m. Au xviie siècle, l’opinion rigide fut remise en honneur par quelques théologiens, sous prétexte de retour à la doctrine augustinienne, mais en réalité sous l’influence indirecte du jansénisme. Petau, Bossuet, Berti et le cardinal Noris en sont les principaux représentants. Ils s’appuient sur les paroles de saint Augustin, et invoquent en outre les deux conciles généraux de Lyon et de Florence. On trouvera plus loin le texte et l’interprétation de ces décisions. Bossuet soutient que les enfants morts sans baptême endurent, non pas précisément « la souffrance du feu » , mais d’une façon générale une peine afflictive subie en enfer, car ils sont « dans la punition, dans la damnation, dans les tourments perpétuels, selon saint Grégoire, perpétua tornienta percipiunt » . Défense de la tradition, 1. V, c. il, Amsterdam, 1753, p. 169. Le cardinal Noris va jusqu'à déterminer la nature précise de leurs souffrances, et il écrit ces singulières paroles : Levissima ac milissima erit (pœna)'ab igné calefaciente cum aliqua molestia pueros, sed noneosdem ustulante., ., non pueri hsereditarii tantum criminis rei sint, calore ad molestiam usque ac dolorem incutiendwm intenso affligentur. Vindicia augustinianee, Vérone, 1729, t. i, p. 981. Sur quoi h' 1'. l’erroné ne peut s’empêcher de faire cette réflexion quelque peu ironique : Nescio quo thermometro usus sil, ad /tus gradus caloris et iuteusilalis tant