Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée

BAPTÊME DES INFIDÈLES

346

mier concluent que, dans le cas de danger de mort, il importe de conférer le baptême secrètement, sans violence et en évitant le scandale. Suarez, De sacramentis, disp. XXV, sect. iii, n. 7, t. xx, p. 431.

Benoît XIV invoque à l’appui de son affirmation deux décisions de la S. C. du Saint-Office, 2 novembre 1678 et 17 février 1705, l’enseignement commun des théologiens, la conduite des missionnaires. B, 8. Il ne dit pas .que les parents ne possèdent plus leurs droits, mais seulement : si le baptême est conféré, les parents perdent peu ; si le sacrement est refusé, l’enfant perd beaucoup. C, 14. C’est implicitement reconnaître que, dans ce cas, le baptême doit être administré sans violence ni scandale. L’obligation de procéder ainsi avait déjà d’ailleurs été affirmée par la S. C. du Saint-Office, le 28 janvier 1637. Collectanea S. C. de Propaganda /ide, n. 542. Et, dans l’instruction déjà citée du 17 août 1777, la S. C. de la Propagande dit : Pour qu’on puisse baptiser les enfants d’infidèles, en cas de danger de mort, il faut qu’on n’ait pas à craindre un scandale, une recrudescence de haine, des représailles.

On peut se demander quand il y a vraiment danger de mort. Benoit XIV suppose que l’enfant est en extrême péril de mort, C, 14, près de mourir, B, 8, arrivé au terme de son existence. B, 8. Les décisions de la S. C. du Saint-Office qu’il invoque emploient les mots près de mourir, article de la mort. La S. C. de la Propagande, dans l’instruction déjà citée, 17 août 1777, exigea danger prochain de mort. Bécemment, la S. C. du Saint-Office a déclaré que l’enfant n’a pas besoin d'être à l’article de la mort, il suffit qu’il soit en danger de perdre la vie : on peut alors le baptiser même si on n’a pas l’espoir de jamais le revoir. Il est encore permis d’agir ainsi lorsque prudemment on doute qu’il guérisse ou qu’il parvienne à l'âge de discrétion, 18 juillet 1892. Décision reproduite par Lehmkuhl, Tlieulogia moralis, appendix I, n.22, Fribourg-en-Brisgau, 1896, t. il, p. 800. Les théologiens font remarquer à bon droit qu’un péril vague, indéterminé, futur, ne suffit pas : ainsi, une épidémie grave sévit dans un pays, ce n’est pas un motif suffisant pour qu’on puisse baptiser tous les enfants d’infidèles, indistinctement, malgré leurs parents ; il faut que l’enfant soit personnellement en danger ; le langage de Benoit XIV le suppose et la S. C. de la Propagande, 17 août 1777, le dit en termes exprès. Voir aussi Collectanea, n. 586.

Deuxième exception : l’enfant est abandonné par ses parents.

Si item eveniret ut. puer De mfme, s’il arrive qu’un

hebræus projectus esset atque entant juif soit chassé et aban a parentibus destitutus.comniudonné par ses parents, de i’avis

nis omnium sententia est, plude tous les théologiens, avis

ribusquoqueconfirmatajudiciis confirmé par plusieurs juge eum baptizari oportere, reclaments, il faut le baptiser et

mantibus etiam atque repetencela même si les parents pro tibus parentibus. B, 9. testent et réclament l’enfant.

Communément admise, officiellement reconnue par les tribunaux ecclésiastiques, B, 9, cette exception se justifie d’elle-même : les parents ont renoncé à leur autorité. B, 9 ; C, 14. Aussi, leurs réclamations postérieures ne sauraient être admises ; ainsi pensent les théologiens. B, 9. Ici, Benoit XIV indique ce qui est strictement légitime et ne recherche pas si, partout et toujours, il est opportun d’user de ce droit. Il est permis de penser que pour ne pas empêcher un plus grand bien ou pour éviter de plus graves inconvénients, il pourra être sage de ne pas mépriser les réclamations des parents. D’ailleurs, dans la lettre de 1751, lienoit XIV se contente de dire : si un enfant est abandonné, il est permis de lui faire donner le baptême. C, 14.

Afin d'éviter les excès d’un zèle peu intelligent, le pape explique avec la plus grande précision en quel cas l’enfant est vraiment abandonné. Il ne suffit pas qu’il soit

seul dans la rue, hors du quartier de ses parents. Il faut qu’on le trouve en un lieu public, isolé, délaissé, abandonné, dépourvu de tout secours et de tout espoir d'être assisté par les siens. B, 10.

Troisième exception : l’enfant n’est plus au pouvoir de ses parents.

Ex auctorum sententia, neSelon les théologiens, le droit

quaquam denegatum dominis de laire baptiser les entants de jus est oflerendi filios mancipioleurs esclaves infidèles n’est rum suorum infidelium ad sapas dénié aux maîtres, crum baptismatis fontem. G, 15.

Benoit XIV observe que saint Thomas ne mentionnepas expressément cette exception, il l’admet cependant ; il dit, en effet, qu’on ne peut baptiser tous les enfants des juifs, leurs parents n'étant pas esclaves au sens strict du mot. C, 15. C’est le raisonnement que font la plupart des théologiens. Suarez, op. cit., disp. XXIV, sect. iv r n. 6, p. 436 ; Sylvius, op. cit., q. lxviii, a. 10, concl. 7, p. 260. L’exception est encore justifiée par l’exemple de Mathathias. B, 6. Elle est motivée par la condition même de l’esclave : d’après les lois humaines, il n’est plus son maître, celui à qu’il appartient peut le séparer de ses enfants. C, 15. Sans doute, l’autorité des parents vient de la nature et, à ce titre, elle est dite de droit naturel. Mais existe-t-il une loi supérieure aux prescriptions humaines, une loi de nature interdisant à toute autre personne qu’aux parents de s’occuper de l'éducation des enfants ? Nullement. Et c’est pourquoi il pourra être permis de baptiser les fils d’esclaves. C, 26.

Le pape ne dit pas expressément qu’il faut, au besoin, séparer l’enfant baptisé de son père, pour mettre à l’abri ce jeune chrétien du danger de perversion, mais l’ensemble de la lettre de 1747 prouve que telle est sa pensée. D’ailleurs, tous les théologiens sont de cet avis. On peut remarquer aussi les expressions employées par le pape : le droit n’est pas dénié ; C, 15, les chrétiens font bien, en agissant ainsi. B, 6. C’est avouer que le maître n’est pas tenu d’imposer le sacrement.

Benoît XIV parle aussi de certaines applications de la règle. Le droit des gens réduisait alors en captivité les Turcs, mais non les chrétiens pris dans une guerre ; il était donc permis de baptiser les enfants des premiers, B, 6 ; C, 15, et non ceux des seconds, malgré leurs parents. C, 15. Quant aux juifs, on ne saurait dire qu’ils sont tous esclaves et que, toujours, les chrétiens ont le droit de baptiser leurs enfants. B, Il sq. ; C. 15. C’est à tort qu’on appuie ce sentiment sur une phrase d’Innocent III ; on l’a mal comprise. C, 15. Les juifs ne jouissent pas en certains pays des droits accordés aux autres sujets ; mais ils ne sont pas esclaves. A Borne, la mansuétude des papes tolère leur présence. Si on leur permet d’y résider, ce n’est pas pour exiger d’eux ce que le droit défend de demander. C’est avec modération, piété, douceur qu’il faut s’employer à les convertir. Être injuste à leur égard serait indigne d’un chrétien, les attaquer serait leur retirer le droit d’asile en même temps qu’on le leur accorde. B, 12-13.

Benoit XIV le déclare nettement : s’il indique les exceptions les plus fréquentes, il n’affirme pas qu’il n’y en a pas d’autres. B, 7, 14. Si le droit des parents n’est pas violé et si le péril de perversion est écarté, il est, sinorn toujours opportun, du moins licite de baptiser les fils d’infidèles ; le pape l’insinue. B, 4. Aussi, tous les théologiens admettent-ils qu’on peut conférer le sacrement aux enfants perpétua amentes, sujets à une folie qui paraît devoir ne pas se guérir, à condition toutefois, dit avec raison Génicot, Theologia moralis, tr. XII, ciii, §2, n. 146. Louvain, 1902, t. ii, p. 151, qu’on puisse le faire sans offenser gravement les parents et sans exciter la haine contre la religion catholique. L’instruction déjà citée de la S. C. de la Propagande, 17 août 1777, indique avec une très grande précision ce qu’il faut faire, s’il est douteux que la folie soit complète ou qu’elle doive toujours.