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BAPTÊME DANS L’ÉGLISE LATINE DEPUIS LE VIIIe SIÈCLE 278

dernier sentiment, dit saint Liguori, est le plus commun. Cependant, un grand nombre de conciles provinciaux, de statuts synodaux et de rituels ont interprété le quamprimum par les trois jours écoulés après la naissance. D’autres n’accordent que deux jours ; il y en a même qui exigent que le baptême ait lieu le jour de la naissance » . Corblet, loc. cit., p. 496-497. Une décision de la S. C. de l’Inquisition (novembre 1885) détend de différer le baptême des nouveau-nés au delà du troisième jour après leur naissance. Millier, Theologia moralis, Vienne, 1895, t. iii, p. 182. La Propagande avait déjà écrit, le Il septembre 1841, au vicaire apostolique de la Corée, qui avait fixé au baptême des entants un délai de dix jours, qu’il (allait suivre la décision du synode du Sutchuen : Prudens valde est ut intra triduum abluantur (parvuli) ; ne autem sacramentum tam necessarium diu nimis protrahatur cum periculo salulis, prsefinimus octo dies àb in/antis nativitate, mandamusque ut ultra hune terminum non differatur. Collectanea, n. 538.

2° Depuis quelle époque le baptême est-il obligatoire ?

— Cette question n’est pas résolue de la même manière par les scolastiques. Le premier théologien qui l’ait traitée ex professa paraît être saint Bernard, répondant à une consultation de Hugues de Saint-Victor. Le docte abbé réfute l’opinion d’après laquelle le baptême serait devenu obligatoire à partir de l’entretien de Jésus avec Nicodème. La parole Nisi quis renatus fuerit, etc., Joa., m, 3, affirme sans doute en principe la nécessité du sacrement, mais doit être regardée comme une instruction secrète qui n’obligeait encore que Nicodème. Ce n’est pas davantage l’ordre donné aux apôtres de baptiser toutes les nations qui peut être considéré comme la date obligatoire du sacrement. Mais, ajoute le saint docteur, ex eo tempore tantum cuique cœpit antiqua observatio non valere, et non baptizatus quisque novi prœeepti reus existere, ex quo prseceptum ipsum inexcusabiliter ad ejus potuit pervenire notitiam. Epist. ad Hugonem, c. I, il, P. L., t. clxxxii, col. 1031 sq. Hugues de Saint-Victor traite à son tour la question dans le De sacramentis, 1. III, part. VI. c. iv, P. L., t. clxxvi, col. 450 sq. ; et il la résout dans le même sens que saint Bernard, mais avec des développements plus considérables qui méritent d’être cités, parce qu’ils ont été reproduits par plusieurs théologiens. Le baptême, dit-il, a commencé à être obligatoire sitôt que chacun en eût appris, avant l’institution, le conseil ou, après l’institution, le précepte. Au reste, celui qui ne méprisa ni le conseil ni le précepte ne saurait êlre regardé comme coupable, à moins d’ignorance volontaire. Quant à ceux qui, vivant dans les pays lointains ou retirés, sont morts sans avoir connu le baptême, Hugues est d’avis qu’ils sont dans le même cas que les anciens qui vécurent avant l’institution du sacrement, sous la loi de nature ou sous la loi mosaïque ; car l’absence et l’éloignement ont fait pour ceux-là ce que les temps firent pour ceuxci. Vainement d’ailleurs, dit-il, prétendrait-on qu’il existe encore dans des contrées inconnues des hommes qui n’ont pas eu connaissance du précepte baptismal ; c j’affirme sans hésiter, ajoute nuire théologien avec une conviction impossible à partager maintenant, qu’il n’y a personne dans ce cas, ou du moins personne qui n’ait pu et dû connaître le précepte sans faute coupable ; car l’Ecriture nous apprend que la voix des apôtres s’est fait entendre par toute la terre. » l>< sacramentis, 1. II, part. VI, c. iv, P. L., t. ci.xxv, col. 150-451. Alexandre de Halès adopte l’opinion de Hugues et la cite tout entière, sans la moindre obseralion. Somma, part. IV, q. viii, m. ii, a. 3, Venise, 157."), I. iv, fol. 68. Saint lionaventure partage également l’opinion île Hugues, qu’il cite brièvement. In I VSent., . IV, dist. III, part. II, Opéra, 1668, t. iii, p. 36. Saint’['bornas, dans sa Somme theo-Zopiçue, enseigne que le baptême devint obligatoire après

la passion et la résurrection de Jésus-Christ. Nécessitas utendi hoc sacramento indicla fuit liominibus post passionenx et resurrectionem. III a, q. lxvi, a. 2. Mais, dans son Commentaire sur les Sentences, il précise davantage sa pensée : Post passionem obligatorius fuit baptismus ], quando circumeisio mortua fuit, quantum ad omnesad quos institutio potuit pervenire. In IV Sent., 1. IV, dist. III, a. 5. Duns Scot, plus explicite distingue deux époques pour la réception du baptême, l’une seulement de conseil, jusqu’à la Pentecôte, et l’autre de précepte à partir de ce jour : Secundum autem tempus, ut credo, incepit in die Pentecostes in Jérusalem, quia usque ad illum diem apostoli non praxdicaverunt publiée. .. Inde autem ad alias civilates, secundum ordinem, cuilibet loco velgenti erat tempus secundum, quando ibi publiée et solemniter prsedicabatur lex evangelica, ita quod tempus non incepit simul apud quoscumque. .., sed quibusdam incepit tempus ad mensempost Pentecostem, etaliquibusadannum, aliquibusaddecem annos, etsicdeinceps, sicuteispreedicabatur.InIV Sent. 1. IV. dist. III, q. iv, Opéra, Lyon, 1639, t. viii, p. 201. C’est l’opinion commune des scolastiques, surtout depuis le concile de Trente, qui enseigne que le baptême n’a été obligatoire qu’après la promulgation de l’Évangile. Sess. VI, c. iv. Soto, De justilia et jure, 1. II, q. v, a. 4, Lyon, 1582, p. 56, soutient que le baptême a été obligatoire dès le temps de la passion. Gonet, Clypeus theologise thomistiese, 3e édit., Paris, 1669, t. v, p. 114-118, admet qu’il l’a été seulement après la résurrection de Jésus, quand celui-ci a ordonné aux apôtres de baptiser tous les hommes. Suarez admet que la promulgation de la loi baptismale s’est faite peu à peu et d’une façon graduelle. In 7/i am, q. lxxi, disp. XXXI, sect. i, n. 5, Opéra, Paris, 1877, t. xx, p. 591-592. Mais il rejette néanmoins l’opinion de ceux qui prétendent que cette promulgation n’a eu lieu que tardivement dans plusieurs pays. Il distingue en effet la promulgation pure et simple et la divulgation proprement dite ou connaissance de la loi. La première est faite depuis longtemps ; la seconde s’accomplit tous les jours. L’obligation de la loi baptismale a commencé en principe avec sa promulgation, mais l’absence d’une divulgation suffisante excusait ceux qui n’en avaient pas connaissance. Suarez, De legibus, 1. X, c. iv, Opéra, Paris, 1856, t. vi, p. 566-575. Les anciens moyens de sanctification restaient-ils valables dans ce cas, et le sont-ils encore ? Plusieurs théologiens, entre autres Suarez, loc. cit., semblent croire que non ; mais les docteurs plus récents n’hésitent pas à répondre d’une manière affirmative, surtout en ce qui concerne les enfants. Il est possible, en effet, que la promulgation de la loi du baptême ne soit pas, en fait, suffisamment divulguée dans certains pays. Là où cette hypothèse est réalisée, les anciens moyens de sanctification ne sont pas abrogés. Sans doute, dans la législation humaine, la promulgation d’une loi nouvelle abroge par le lait même les lois antérieures qui y sont opposées ; l’intérêt social l’exige. Mais la loi divine, qui institue le baptême comme unique moyen de salut, vise non le bien général de la société chrétienne, mais le salut des individus. Dès lors, elle n’oblige pas nécessairement aussitôt après sa promulgation. Pour que les individus soient astreints à son observation, il faut que l’obligation de la pratiquer leur soit suffisamment manifestée ; autrement il serait difficile d’affirmer que Dieu veut réellement le salut de tous les hommes. E. Dublanchy, De axiomate : extra Ecclesiam nulla salus, Bar-le-Duc, 1895, p. 201-205. Quant à l’époque précise de l’obligalion du baptême, ils suivent presque tous l’opinion de saint Bernard, développée par Duns Scot. Voir ïournely, De baptismo, q. iii, a. 1, concl. 2, dans Migne, Cursus theologiæ, t. xxi, p. 457 ; Perrone, Prælectiones théologien’, édit. Migne, Paris, ISi’2, I. il, p. 104 ; Hurler, Compendiiun theol., Inspruck, 1891, t. iii, p. 276.